Accueil > L’injustice européenne : après Aurore, Bianca ?

L’injustice européenne : après Aurore, Bianca ?

par Philippe Alain

Publie le mercredi 21 novembre 2012 par Philippe Alain - Open-Publishing
2 commentaires

Le 15 novembre 2012, une jeune femme est arrêtée avec son bébé. Après vérification de son identité, la police s’aperçoit qu’elle est sous le coup d’un mandat d’arrêt européen (MAE).

Le MAE a été conçu après les attentats du 11 septembre pour faciliter l’extradition entre les pays de l’Union Européenne. Ce mandat permet à un pays d’extrader jusqu’à ses propres ressortissant pour des faits qui ne sont pas pénalement répréhensibles chez lui, mais qui le sont dans le pays émetteur du mandat. La liste des faits pour lesquels un MAE peut être émis est longue. Elle comprend en particulier le terrorisme, le détournement d’avions, la traite des êtres humains, le trafic d’armes, le viol…
C’est sur la base d’un tel mandat qu’Aurore Martin, militante basque, a été extradée vers l’Espagne le jeudi 1er novembre où elle risque 12 ans de prison pour avoir participé à des réunions publiques d’un mouvement autorisé en France mais interdit en Espagne. (1)

Bianca est donc arrêtée avec sa fille Maria. La police appelle la mère de Bianca pour qu’elle vienne récupérer le bébé car elle va passer la nuit en prison en attendant sa présentation devant la justice. Le lendemain, le Procureur Général réclame l’incarcération immédiate de la jeune fille. L’avocat commis d’office fait valoir qu’elle possède des garanties de représentation suffisantes et obtient son assignation à résidence en attendant que la justice se prononce.
Bianca pointe donc tous les jours au commissariat de son quartier jusqu’au jeudi 22 novembre, date à laquelle la chambre d’instruction va statuer sur la demande d’extradition.

Bianca est Rom, originaire de Roumanie. Elle à 17 ans et demi et son bébé à 13 mois. Elle a été condamnée à 3 ans et 6 mois de prison ferme pour un vol commis dans un magasin en Roumanie à l’âge de 15 ans.
Si Bianca est extradée, elle sortira de prison à 21 ans, si elle en sort.
Sa fille, elle, aura presque 5 ans.

Condamner une jeune fille à 3 ans et demi de prison ferme pour un vol commis à l’âge de 15 ans est totalement inconcevable en France. C’est pourtant une pratique courante à l’encontre des enfants roms en Roumanie, pays qui possède une réputation internationale pour la façon exemplaire dont elle traite les Roms. C’est probablement pour cette raison que tant de familles fuient ce pays.

Le 11 septembre 2012 sur RMC, Manuel Valls décrit très bien les conditions de vie qui sont réservées à la minorité Roms : « … Ces populations qui sont des damnés de la terre, pourchassés dans leur pays, discriminés… » (2)
Ignorant probablement la situation des Roms en Roumanie et plus particulièrement celle des enfants, le Procureur Général, lui, a d’ores et déjà demandé l’extradition de Bianca.

Si la France, pays des droits de l’homme, traite Bianca comme elle a traité Aurore, elle détruira la vie d’un bébé de 13 mois et d’une jeune fille de 17 ans dont le principal crime est d’être nés Roms.
Elle montrera également une fois de plus un dysfonctionnement majeur dans les institutions européennes qui permettent de renvoyer des enfants d’un pays où ils sont protégés, vers un pays où ils sont pourchassés, discriminés et condamnés à des peines totalement disproportionnées.

Philippe Alain
http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-alain

(1) http://blogs.mediapart.fr/blog/johnsami86/081112/aurore-martin-une-affaire-politique
(2) http://www.liberation.fr/societe/2012/09/12/deux-ministres-francais-a-bucarest-pour-evoquer-le-dossier-rom_845783

Messages