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Assia Djebar au panthéon des auteurs universels

par BOUMEDIENE ABED

Publie le lundi 23 mars 2015 par BOUMEDIENE ABED - Open-Publishing

LA PRODUCTION DE SON PREMIER ROMAN, ALORS QU’ELLE N’AVAIT QUE 19 ANS EST LA PRÉFIGURATION D’UNE PLUME PROLIFIQUE ET D’UNE CARRIÈRE ATYPIQUE POUR UNE FILLE DE SOCIÉTÉ TRADITIONNELLE.

Désormais, immortalisée par ses nombreux titres, mérites et consécrations, Assia Djebar née Fatma Zohra Imalhayenne, a honoré toutes les femmes algériennes, particulièrement, celles qui se sont libérées par le fusil ou la plume. Ces dernières ont été convaincues que seuls la persévérance dans la lutte et le mérite par le travail peuvent assurer la libération du carcan des traditions archaïques et l’épanouissement. Pour Fatma Zohra dite Assia, a acquis sa renommée internationale grâce à son labeur méticuleux depuis ses années de jeunesse. Un itinéraire singulier de femme de lettres Assia Djebar a peut- être été favorisée comme fille d’une famille dont le père a été instituteur de la vieille école. Mais ce privilège n’a pas été profitable pour toutes les filles de même condition. Beaucoup d’instituteurs dits indigènes, du temps de la colonisation ont marié leurs filles dès l’âge de l’adolescence, au lieu de les laisser poursuivre leur scolarité et ce, même si elles avaient donné les preuves de leurs capacités à faire des études fructueuses. Assia Djebar, née en 1937 a eu la chance d’avoir un père compréhensif. A 19 ans, elle a publié son premier roman au titre évocateur « La soif ». Et sa voie était tracée, celle d’une jeune femme qui devait aller jusqu’au doctorat d’état en littérature, en passant par la réalisation de films, l’élaboration de romans et son succès à l’agrégation d’histoire. Mais elle a participé à la grève des étudiants algériens en 1956. Et comme c’était l’arrêt des cours à la Sorbonne, Assia Djebar se rendit à Tunis, c’est dans cette ville qu’elle reprit ses études sitôt la grève terminée. Ses études d’histoire suivies avec beaucoup de sérieux et de volonté ont été couronnées de succès avec l’obtention de l’agrégation. Mais c’est à Tunis qu’elle a commencé à exercer sa spécialité ; cette ville d’un pays voisin de l’Algérie est pleine de sites historiques, elle porte la marque de tous les envahisseurs, Carthage en est témoin. Et la Tunisie a abrité les hommes et les femmes d’Algérie qui ont fait la révolution. Assia Djebar s’y trouvait pendant les années qui ont précédé l’indépendance. Après 1962, notre écrivaine a eu la conviction que sa vocation était la littérature et non l’histoire. Et naturellement, elle s’est mise à composer des romans. Elle avait le privilège d’être inspirée et d’avoir la maîtrise de la langue. Son travail de production fut minutieusement mené et dans le respect du temps nécessaire pour qu’une œuvre prenne la forme convenable. Quelques aperçus sur son contexte d’évolution Toutes ses compositions sont d’une parfaite complémentarité. Et à un moment où l’auteure a senti le besoin d’être plus concrète dans ses peintures des personnages et des décors en rapport, elle s’est tournée vers le cinéma. La particularité d’Assia Djebbar est d’être restée algérienne avec tout ce que cela laisse supposer : l’amour du pays et des ancêtres, malgré sa longue absence de sa terre natale. Elle est restée présente dans le pays qui l’a bien accueillie au point de lui accorder mais au mérite, une place honorable à l’académie française. Pendant des années, elle a assuré des cours de littérature dans les grandes universités américaines. Mais Assia Djebar n’a jamais cessé de porter son pays natal dans son cœur, avec ses traditions, ses joies, ses douleurs, ses interdits, ses convenances, ses coutumes. Elle en a été m arquée à vie. Ce qui explique son vœu le plus cher de se faire enterrer en Algérie à côté de son père. On ne peut pas dire que notre écrivaine a été comblée, étant donné la diversité et l’immensité de son œuvre. Elle n’a pas obtenu le prix Goncourt, ni le prix Nobel. Pour ce dernier, elle n’a pas pris le parti comme l’avait fait Nadjib Mahfoudh, des pays défenseurs des juifs. Elle et Mohamed Dib méritaient pourtant et pleinement le prix Nobel. Quelques vues de ses œuvres maîtresses Travail de longue haleine que celui qui consisterait à reconstituer les œuvres d’Assia Djebar tant elle a été prolifique. Elle a eu des moments d’arrêt comme celui au cours duquel elle a occupé le poste de chef de département à l’université d’Alger. Elle y a enseigné quelques modules, c’était au début des années soixante- dix, elle s’en est occupée avec sérieux, heureusement pour elle qu’elle a eu l’intelligence d’arrêter l’enseignement qui ne lui aurait pas donné l’opportunité de continuer à écrire. Entre des publications de romans, il y a eu tournages de films qui ont obtenu des prix des grands festivals internationaux. Il y eut d’abors « La nouba des femmes du mont Chenoua », long métrage, produit avec l’aide de la RTA en 1978. Puis ce fut « La zerda ou les chants de l’oubli », film de 1982. Parmi les romans qui ont fait parler d’elle, « Nulle part dans la maison de mon père » peut être classé comme best seller consacré à la vie de l’auteure, de son enfance à la vieillesse. On peut le considérer comme une œuvre autobiographique. Il est si beau qu’il mérite d’être adapté au cinéma, il donnerait un très beau film. Ce qu’on dit de l’auteure interviewée est là dessus très significatif : « Ce récit est-il le roman d’un amour crevé ? ou la romance à peine agitée d’une jeune fille ? L’esquisse d’une ouverture, prologue à une vaste autobiographie (propos relevés d’une étude « Assia Djebar échographe » de Ernstperter Rube). On peut dire que « Nulle part dans la maison de mon père » est le dernier grand roman de l’auteure et la synthèse du tout son vécu de femme algérienne depuis son enfance à sa consécration comme écrivaine de talent qui s’est taillée une place honorable parmi d’autres écrivains connus dans le monde comme étant d’envergure internationale. Assia Djebbar nous invite à y voir de plus près tous les univers qui ont fait d’elle ce qu’elle a été : l’univers des hommes traditionalistes, celui des femmes cloîtrées qui se couvrent quand elles vont au hammame et qu’elle a accompagnées alors qu’elle n’était qu’une fillette, elle semble avoir été marquée par l’école coranique, puis par l’école française et le lycée où une dame professeur de langue lui a fait découvrir toute la beauté des « Fleurs du mal » de Baudelaire. « Ces voix qui m’assiègent » édité à Montréal est à fortes connotations et indicateurs de mouvements de voix qui poussent vers une ailleurs, à la manière des vents contraires qui emportent le sable du désert pour constituer des dunes.

BOUMEDIENE ABED