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C’était un temps déraisonnable. (Novembre 2015)

Publie le lundi 23 novembre 2015 par Open-Publishing

C’était un temps déraisonnable. (Novembre 2015)
publié le : 22 Nov 2015 par Aubanar - Blog du groupe d’Aubenas de la Fédération Anarchiste

Monsieur ou Madame Lambda sort de son supermarché avec quelques poignées de minutes de retard. Sans regret, c’était pour la bonne cause… Une fouille effectuée par des militaires en tenue camouflée. Monsieur ou Madame Lambda a ri intérieurement : pour passer inaperçu dans un temple de la consommation, la tenue « tempête du désert », ce n’est pas gagné. Mais comment être plus voyant qu’en arborant une tenue camouflée. Et le but de ces gens d’armes n’était-il pas de se faire remarquer…
Pour que les gentil-le-s Messieurs et Mesdames Lambda se sentent en sécurité. Et pour effrayer les méchant(e)s de l’Anti-France.

Monsieur ou Madame Lambda sort de son supermarché, fonce vers sa voiture, charge en vitesse ses achats dans le coffre, démarre et file, direction le petit appartement tranquille. Avant, Monsieur ou Madame Lambda aura montré ses papiers à un contrôle, ouvert son coffre pour qu’un nouvel homme en arme en vérifie le contenu, refermé son coffre, repris ses papiers et filé sans demander son reste.
Arrivé au pied de son immeuble, Monsieur ou Madame Lambda croise des voisins qui passent sans lever les yeux. Le temps n’est pas aux bavardages. « Il est d’autres soldats en ville et la nuit montent les civils… ». Temps de guerre.

Monsieur ou Madame Lambda se rappelle ce soir où tout avait basculé. « C’était un temps déraisonnable, on avait mis les morts à table… », la terreur avait glacé la réflexion dans la tête des gens. « Tout changeait de pôle et d’épaule, la pièce était-elle ou non drôle ? Moi si j’y tenais mal mon rôle c’était de n’y comprendre rien… » Des soldat-e-s d’une puissance étrangère avaient mené leurs raids en territoire ennemi parce que français. Et comme dans toutes les guerres, les victimes étaient civiles. Tombées à la terrasse civile de bars, restaurants civils sans valeur stratégique. Tombées parce que le temps était doux et appelait à la flânerie de civil-e-s ne marchant pas au pas. Tombées lorsque les armes firent taire les accords de musique civile.

Monsieur ou Madame Lambda se souvient du discours du président de l’État français, propriétaire des clés qui condamnent les libertés du peuple. Ce peuple qui lui a remis les clés…

L’homme de pouvoir a su dire les mots pour accompagner les victimes, les Messieurs et Mesdames Lambda tombé(e)s dans une guerre qui n’était pas la leur. Puis l’homme de pouvoir a sorti son trousseau de clés qui condamnent les libertés du peuple :

La première clé : L’état d’urgence…
La déclaration de l’état d’urgence donne pouvoir aux préfets de département :
D’interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ;
D’instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ;
D’interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics.
Le ministre de l’intérieur, pour l’ensemble du territoire, et le préfet, dans le département, peuvent :
Ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature ;
Interdire à titre général ou particulier les réunions de nature à provoquer ou entretenir le désordre.

Le décret déclarant ou la loi prorogeant l’état d’urgence peuvent :
Conférer aux autorités administratives le pouvoir d’ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ;
Habiliter les mêmes autorités à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature (attention : les tracts, affiches, journaux sites syndicaux constituent des publications au sens de la loi de 1881 sur la presse) ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales.

Deuxième clé : celle qui ferme les frontières.

Une pensée avait alors traversé l’esprit de Monsieur ou Madame Lambda à l’annonce de cette mesure… Nous roulait-on dans la farine ? En effet, dans l’après-midi précédant cette funeste soirée sanglante, un contrôle aux frontières était déjà activé en vue du sommet COP 21 :

Entre ce vendredi 13 novembre et le dimanche 13 décembre, des contrôles vont avoir lieu aux 285 « points de passage transfrontaliers » (voies d’accès routières et fluviales, aéroports et trains) que compte la France.
Mais il n’y aura « pas de bouleversement physique, pas de déploiement de forces aux frontières », dit-on Place Beauvau. La police aux frontières, les agents des douanes sont déjà présents mais maintenant ils contrôleront. On ne va pas réinstaller des guérites à tous les points de passage », précise également à l’AFP une source policière. Mais les contrôles vont se renforcer à l’approche du sommet COP 21. 30.000 policiers seront mobilisés au total. Avec des missions sensiblement différentes en fonction des périodes du mois concerné.
• A partir de ce vendredi et jusqu’à jeudi prochain : les policiers ont mission de « procéder à des contrôles mobiles et aléatoires ».
• A partir du 19 novembre et du 2 décembre, soit dix jours avant les manifestations des 29 novembre et 12 décembre : les contrôles seront renforcés. « Plus systématiquement » encore quatre jours avant ces manifestations, du 25 au 29 novembre et du 8 au 12 décembre. Deux périodes de « haute intensité » en termes de sécurité.
En Rhône-Alpes, des contrôles « ciblés ultra renforcés » sont annoncés ces jours-là, avec fouille des véhicules empruntant les tunnels transfrontaliers. La préfecture des Pyrénées-Orientales mettra elle en place des contrôles d’identité « systématiques sur tous les points d’entrée du territoire ».
Pourquoi ?
Avec la menace terroriste qui plane, la gestion de la sécurité du sommet relève du « casse-tête » pour les forces de l’ordre.
Un important travail de renseignement a d’ores et déjà été mené pour anticiper la montée à Paris de « zadistes » (pour ZAD, « zones à défendre ») hostiles au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) ou au Center Parcs de Roybon (Isère), d’opposants à la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, voire de « Black Blocks » d’ultra-gauche, selon des responsables des forces de l’ordre.
« On commence en amont parce que plus tôt on le fait, pour les groupuscules violents, plus ça les contraint dans leurs déplacements », explique-t-on au ministère de l’Intérieur.
Le gouvernement doit faire face à au moins deux enjeux de sécurité majeurs : la protection des 195 délégations officielles attendues à la COP21 (environ 80 chefs d’Etat sont attendus au Bourget le 30 novembre) et le maintien de l’ordre lors d’importantes manifestations en marge de la conférence.
Il ne s’agit pas de fermer les frontières, a affirmé Bernard Cazeneuve.
Mais de « prévenir l’intrusion sur le territoire national d’individus qui pourraient représenter un risque ».

Monsieur ou Madame Lambda hausse les épaules. Ni Zadiste, ni militant-e révolutionnaire, ni rien de bien vivant depuis ce 11 janvier avec cette police embrassée sur la bouche. Alors le trousseau de clés faut faire avec. Le prix à payer pour vivre la tête cachée dans le sable sous la protection des charognards.
Monsieur ou Madame Lambda attend pour voir. Prochaine étape, la Marine qui nous mènera en bateau ?

Monsieur ou Madame Lambda sert les poings en passant devant l’appartement de Monsieur ou Madame Làm (Làm, c’est Lambda en arabe). Porte close depuis que… Tombé-e parce que le temps était doux et appelait à la flânerie de civil-e-s ne marchant pas au pas. Monsieur ou Madame Làm, qui n’emmerdait personne avec sa religion. Monsieur ou Madame Làm qui n’avait rien à voir avec cette guerre de porteurs de clés qui croient pouvoir décider de la vie et de la mort de tous ces Messieurs ou Mesdames Làm, de tous ces Messieurs ou Mesdames Lambda, de toutes ces vies si simplement civiles.
Monsieur ou Madame Làm tombé-e, écrasé-e comme tou-te-s ces Messieurs ou Mesdames Làm – là-bas mais pas si loin – victimes d’autres Làm fanatisé-e-s et militarisés avant d’être bombardé-e-s… « Le ciel était gris de nuages. Il y volait des oies sauvages qui criaient la mort au passage au-dessus des maisons des quais… » par des militaires Lambda si sûr-e-s de leur bon droit.

Monsieur ou Madame Lambda rentre vite dans son petit appartement, range ses trucs et bidules achetés, allume sa télé et vomit sur la pub pour l’armée…

Ce soir Monsieur ou Madame Lambda invitera Monsieur ou Madame Làm… pas le Monsieur ou Madame Làm qui…, un(e) autre. Ils, elles parleront d’une vie sans porteurs de clés…