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Lettre ouverte d’un jeune de gauche à Jean-Luc Mélenchon

par Marwen

Publie le mercredi 17 février 2016 par Marwen - Open-Publishing
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Mon cher Jean-Luc, j’ai pas mal hésité avant de t’écrire cette lettre. La liras-tu ? J’ose espérer que oui toi qui en appelles au peuple tout le temps. J’espère que tu excuseras mon tutoiement mais je me permets de te tutoyer vu que tu te dis proche du peuple. J’imagine que tu ne m’en tiendras pas rigueur et si c’est le contraire tant pis ça sera une nouvelle preuve de l’hypocrisie dans le monde politique. Si je prends cette liberté, c’est aussi parce que nous sommes relativement proche au niveau des idées sur pas mal de points : une répartition plus équitable des richesses, la dénonciation d’une Europe trop libérale et enfermée dans les carcans des traités ou encore l’appel à une VIème République. Cette proximité d’idées, c’est aussi la raison pour laquelle j’ai hésité à t’écrire cette lettre. J’espère que tu prendras le temps de lire cette missive et, pourquoi ne pas rêver, d’y répondre. Je te le disais, j’ai longuement hésité avant de t’écrire cette lettre. En apprenant ta candidature j’ai commencé un brouillon. Je me suis alors dit qu’émettre des doutes sur la personne qui porte les idées dont je suis le plus proche n’était pas très pertinent. J’ai donc jeté mon brouillon. Puis j’ai à nouveau réfléchi et je me suis dit que ça allait à l’encontre du doute méthodique si cher à Descartes et Socrate et que ne pas t’écrire reviendrait à trahir l’honnêteté intellectuelle que j’essaye d’avoir en permanence.

Mercredi soir, au 20h de TF1, tu as annoncé ta candidature à la présidentielle de 2017. Toi qui disais hésiter lourdement il n’y a pas si longtemps, tu as finalement tranché assez vite en faveur d’une candidature. Tu n’as d’ailleurs pas pris la peine de te concerter avec le PCF qui a vu rouge en apprenant ta candidature à la télévision ou sur les réseaux sociaux. Désolé de te le dire de manière si crue Jean-Luc mais tu me déçois fortement. Il n’y a pas longtemps, au moment du départ de Christiane Taubira, tu as affirmé « les dégoûtés partis il ne reste plus que les dégoûtants ». Malheureusement, pour moi tu as aujourd’hui rejoint le camp des dégoûtants. Malgré le fait que j’ai une certaine proximité intellectuelle avec toi, surtout parce que j’ai une certaine proximité intellectuelle avec toi, je suis déçu et dégoûté de voir que tu te présentes à l’élection présidentielle de 2017. A ce stade de la lettre tu ne comprends sans doute pas pourquoi cette candidature m’inspire un tel dégoût mais ne t’inquiètes pas, je vais te l’expliquer tout au fil de cette missive.

Sur le site que tu as créé pour l’occasion, jlm2017.fr, tu expliques la démarche qui est la tienne. Dans ce texte, qui ressemble à un manifeste, tu nous exhortes à te suivre. « Soyons les indignés, les insoumis qui agissent ! » affirmes-tu avec force dans ce manifeste. Aussi fais-tu explicitement référence aux différents mouvements des indignés en Grèce et en Espagne et donc par extension à Syriza et Podemos. Tu souhaites te placer dans leur sillage et incarner le Syriza ou le Podemos français, ce qui explique ton appel récurrent à un large mouvement citoyen qui dépasse les partis comme tu l’expliques encore dans ton manifeste. Tu sembles oublier une chose primordiale, Podemos et Syriza sont nés de mouvement citoyen, ils n’ont pas créé leur structure pour ensuite faire appel au peuple et c’est la première grande critique que j’ai à te faire. Le nom du mouvement est constitué par tes initiales et, navré de te le dire, cela démontre que tu n’as absolument rien compris à Podemos et à Syriza. Avant les individus ce sont des idées qui sont à l’origine de ces mouvements politiques. Toi tu inverses la chose tu te mets d’abord en avant pour créer cette plateforme d’idées. Tu mets l’individu avant l’idée et ça ne marchera pas parce que tu as spolié le peuple de gauche de la possibilité de suivre l’exemple grec ou espagnol en te mettant en avant de la sorte.

Partout en Europe où un mouvement de gauche alternative s’est mis en place, il a été incarné par des têtes nouvelles avec des idées neuves mais toi tu décides de mener le mouvement en France. Nous ne faisons décidément rien comme tout le monde. Alors que tous les nouveaux partis de gauche sont portés par un renouveau de la classe politique tu proposes à la gauche française de se réunir derrière toi qui a 64 ans et qui a déjà passé près de 40 années dans les sphères du pouvoir. Ce faisant, tu démontres une nouvelle fois l’incapacité qu’ont les hommes et femmes politiques français à ne pas vouloir lâcher la notoriété. Celle-ci agit comme une drogue sur vous et vous êtes comparables aux personnes qui souffrent d’addiction. Vous êtes comme Tantale, une fois que vous avez goûté à l’ambroisie de la notoriété vous ne pouvez plus vous empêcher d’essayer d’y goûter à nouveau même si celle-ci s’éloigne à chaque fois que vous vous en approchez. Ta candidature prématurée vise aussi à couper l’herbe sous le pied de tous ceux qui tentent de mettre en place une alternative de gauche, de peur qu’il ne te vole la lumière. Tu aurais pu être d’une grande utilité dans la construction de cette alternative de par ton expérience et ta grande culture mais tu préfères être au centre afin de te regarder comme Narcisse. La différence c’est que cette fois, il n’y a pas que Narcisse qui va mourir mais aussi tout espoir de voir une véritable alternative de gauche se mettre en place. Tu fustiges la Vème République, cette monarchie républicaine, et tu te mets en avant comme tous les présidents.

Le plus triste dans toute cette affaire c’est que tu portes des idées que je défends et auxquelles beaucoup de personnes pourraient s’identifier. Malheureusement, tu peux rebuter certaines personnes et tu contribues ainsi à fracturer la mise en place d’une alternative de gauche dans ce pays. Nous manquons de temps Jean-Luc, il nous faut urgemment recréer une pensée de gauche dans notre pays. Dans le cas contraire, la gauche s’éteindra rapidement et cela sera irréversible. Considères bien ce point, nous sommes en crise et nous devons faire un choix : laisser définitivement mourir la gauche ou continuer à nous battre afin de recréer cette pensée de gauche préalablement à toute désignation d’individu ou à toute création de parti. Tu cites Jaurès dans ton manifeste, permets moi de le faire également. « Le courage, disait-il, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ». Je t’en conjure, fais preuve de courage en comprenant le réel et en retirant ta candidature afin qu’un véritable mouvement de gauche alternative puisse se mettre en place. Dans le cas contraire tu auras perdu toute forme d’estime de ma part. En te disant tout ça, je serai sans doute accusé de défendre le PS ou je ne sais quelle autre sottise mais, là encore, je veux citer Jaurès qui disait : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ». J’ai tenté de faire preuve de courage en t’expliquant pourquoi ta candidature était, à mon sens, néfaste. En feras-tu autant ? Je l’espère Jean-Luc.

https://neewram.wordpress.com/2016/02/12/lettre-ouverte-dun-jeune-de-gauche-a-jean-luc-melenchon/

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