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A propos de préjugés sur le voile de certaines musulmanes.

par CD

Publie le dimanche 4 septembre 2016 par CD - Open-Publishing
2 commentaires

A propos de préjugés sur le voile de certaines musulmanes.

Comme il a été écrit et développé ici (1), sur Bellaciao et sur le Grand Soir cette critique du voile ne concernait pas les musulmans en soi ou tous les musulman-e-s mais une minorité. Pas d’essentialisation des musulmans. Pas de fausse mise en communauté. Pas de construction d’un communautarisme racisant. C’est en tant qu’antiraciste qui passe aussi énormément de temps (en plus de mon travail salarié) à lire des féministes, des pro-laïcité, des musulmanes à positions diverses, que j’essaie d’avancer sur cette problématique. Il faut donc lire d’abord : 1) Essentialisation raciste : Haine des musulmans car musulmans - C Delarue sur Bellaciao.

Qu’il puisse y avoir préjugés sur le voile des bigotes ou des intégristes religieuses sexoséparatistes, c’est assez banal de le dire. Mais tout préjugé n’est pas raciste (islamophobe). Il peut être critiqué et réfuté sans sortir « islamophobie » à tort et à travers, bêtement, ce qui fait le jeu des islamistes et autres intégristes . Il peut s’agir éventuellement d’un « infraracisme » (Michel Wieviorka, employée dans son ouvrage de 1998 : « Le racisme, une introduction » - La Découverte 1998) . cf "La critique de la religion, de l’intégrisme religieux et infraracisme"

Il peut s’agir, par exemple, d’une militante « décoloniale » et pour un « féminisme musulman » contre les femmes-objet. Du coup la séduction par le corps est interdite (et tout peut séduire un peu ou beaucoup pour une musulmane féministe hypertextile, comme pour les intégristes sexoséparatistes) ce qui est conforme tout à la fois à une interprétation « dure » de la religion et à un certain féminisme qui peut passer (à tort) pour radical. Trop - débat normal - car on est tous (y compris les hommes) fatalement regardé et ce n’est pas forcément une perte de liberté ou d’égalité. En tant qu’homme si je suis regardé très avantageusement mais silencieusement, personne vient me traiter d’homme-objet (avantage masculin vu comme naturel) ! Bref, une société qui veut totalement supprimer le jeu de la séduction par le corps et le vêtement est durement totalitaire. Les intégristes religieux sexoséparatistes abondent dans ce sens.

Bref on peut qualifier évidemment à tort une femme voilée d’intégriste de la religion alors que l’on ignore si elle est victime des intégristes (elle est alors dans un lourd rapport de domination sexoséparatiste) ou si elle porte le voile librement (mais d’une liberté critiquable) . Dans le doute, dans cet espace, il y a place pour le préjugé. Mais un préjugé qui n’est pas forcément islamophobe. Un préjugé qui n’autorise pas d’enfreindre la loi. On ne fait pas n’importe quoi. Bien qu’on puisse se tromper, avoir tort, devoir s’excuser.

I - Les principales critiques sont :

1 - Critique sur les MODALITES du port du voile de façon constante du matin au soir, chaque jour, tous les jours, d’ou la qualification de pratique religieuse psychorigide ;

2 - Critique en terme d’ALIENATION (proche de la critique ci-dessus), soit du fait d’un consentement en soumission à une conception archaïque et hyper-patriarcale de cette religion (De plus, il n’y a pas nécessairement que l’islam a connaître des interprétations réactionnaires, les autres monothéismes aussi) ;

3 - Critique de la PUDEUR EXCESSIVE : se cacher à ce point (sauf le visage et les mains) des hommes apparait comme pathologique. En fait, il peut s’agir d’une pudeur largement construite très tôt par la sous-culture intégriste sexoséparatiste ;

4 - Critique des EFFETS DE LA PUDEUR SEXISTE : Cette sur-pudeur pour les femmes (les hommes faisant ce qu’ils veulent - inégalité sexiste réfutée parfois avec hypertextile pour hommes aussi - rare) ne réduit pas le regard concupiscent des hommes mais l’augmente. Elle ne rend pas les femmes pudiques plus dignes que les autres mais elles désignent fatalement les autres femmes comme impudiques. Et l’impudeur du corps devient un marqueur surévalué de la dignité humaine, les autres, les impudiques, devenant indignes, des sous-êtres humains méprisables. Ici il faut rappeler que les « putes » ne sont pas méprisables ni du fait de leur pratique ni du fait de leur tenues, pas plus que « les femmes qui s’habillent comme des putes » (propos stigmatisant d’un pro-voile) car ce qui est méprisable c’est le système prostitutionnel. Vivent les zéromachos.

5 - Critique de l’EDUCATION non faite des hommes : L’éducation du self-contrôle masculin au moment de l’adolescence n’est pas faite car c’est la femme qui doit se cacher . Cela conforte une éducation patriarcale et sexiste . On peut admettre le regard des hommes et des femmes (il y a un fait réel de l’attirance mais on ne devrait pas se retourner pas pour « mater » encore moins en groupe - avis personnel ici) mais on ne doit pas tolérer l’accompagnement de ce regard par des remarques sexistes, y compris celles faussement positives (le « strock en plastique ou en toc » de l’Analyse Transactionnelle). Bref on se tait si on ne connait pas la personne sinon c’est du harcèlement de rue (on trouve désormais des vidéos fort explicatives de ce qu’est le harcèlement de rue).

6 - Critique du SYMBOLISME, à l’heure ou partout dans le monde les intégristes religieux sexoséparatistes et plus particulièrement les islamistes imposent cette cage aux femmes (en plus de la réclusion à la maison), ce voile devient un symbole mondial de l’oppression des islamistes. Pourquoi ne pas se balader avec une casquette nazie entend-on parfois. C’est excessif certes, mais néanmoins très parlant.

7 - Critiques d’une SOUS-CULTURE , à savoir des EFFETS SOCIAUX induits car le problème avec l’hypertextile - même librement porté ici (en mixte avec du voile imposé) d’ou sous-culture - c’est qu’avec le nombre (y compris en France dans certains quartiers) la moindre mini-jupe devient tôt ou tard indécente, et cela accroît les violences sexistes existantes (elles existent évidemment hors de l’intégrisme religieux) mais même sans violence explicite cela crée des pressions pour réduire factuellement la « liberté textile » des femmes. Ce sont des femmes qui le disent. Les femmes hypertextiles (voilées avec jupe longue), participent - certaines sciemment d’autres non - au dispositif général de l’intransigeance des moeurs contre les femmes pour tout ce qui relève du sexe et de la séduction (de façon libre ou en soumission à l’intégrisme).

8 - Le voile comme étendard DE LA RELIGION dans un pays culturellement sécularisé, au-delà de la laïcité donc, qui défend majoritairement la discrétion de la référence à la religion. Critique ici d’une sorte d’exhibitionnisme religieux critiqué comme non respect de l’autre et de sa culture. Charles Arambourou écrit : « Nous affirmons que « vivre ensemble » — non pas entre communautés, mais entre individus libres et égaux — suppose que l’appartenance ou les convictions des uns et des autres s’expriment, là où c’est permis, avec un minimum de discrétion (4). Ce n’est pas J.P. Chevènement, mais Abderrahim Hadifi (animateur de l’émission « Islam » sur France 3), qui propose un « moratoire sur le voile et les prières de rue » (« Musulmans, changeons de logiciel ! », Le Monde du 29 juillet 2016) ». (lu sur Bellaciao : Arrêtés dits « anti-burkini » : un cadeau aux islamistes- Charles Arambourou)

9 - Le voile comme étendard de l’INTEGRISME religieux séxoséparatiste qui ne concerne pas que les salafistes ni même que les musulmans puisqu’il existe des juifs dit haredim qui sont tout aussi nuisibles en termes d’autoritarisme sexoséparatiste.

10 - Le voile comme étendard DE L’ INEGALITE HOMMES-FEMMES puisque structurel, constant, non facultatif. Ce n’est pas comme un artifice que l’on met ou enlève selon la situation, le contexte. Il est signe de sexoséparatisme, de sexisme.

Toutes ces critiques n’ont pas la même force, ni la même pertinence, ni forcément miennes (CD), mais elles existent sans être le fait d’une haine particulière anti-musulmane. Il fallait le dire, voire le répéter. Il en va autrement de Civitas et du FN voire d’autres personnalités politiques de droite.

II - Les réponses sont diverses :

1) Sur le contexte :

 Combattre le racisme anti-noir, anti-maghrébin, anti-musulman (comme indiqué) ;

 Combattre l’impérialisme sans céder à l’islamisme. Renvoi nécessaire.

 Au plan social, le cas échéant : Favoriser l’emploi dans les quartiers délaissés de la République. Le rapport n’est pas systématique mais il est fait de façon récurrente. Le voile à la réception des entreprises privées peut être interdit.

2) Plus globalement :

 Maintien et défense de la laïcité : En France avec la loi de 1905 et 2004. Sur la laïcité lire l’UFAL (en France) et Nadia Geerts (en Belgique). Il ne s’agit pas d’aller s’instruire chez les pseudo-laîques de Civitas, groupe qui vient de se constituer en parti politique (à suivre) pour rechristianiser la France comme d’autres veulent l’islamiser.

 Maintien et défense de la référence à Liberté, Egalité, Laïcité, Mixité et notamment égalité hommes-femmes.

 Promotion et défense des droits humains pas des droits de l’homme. Le H pour dire hommes et femme est un signe d’inégalité et de supériorité dans le langage. C’est dépassé.

3) Plus particulièrement :

 Mixité des piscines et interdiction du burkini en piscine mais pas sur les plages.

 Refuser le communautarisme sexoséparatiste et donc maintenir la mixité à l’école, dans les cantines et dans la société dans un cadre de respect mutuel

 Liberté accrue de l’hypotextile avec une loi pour autoriser le nudisme ou le string seulement dans plus de lieux

 Education au respect des apparences-différences que ce soit l’hypotextile (nudistes ou personne en string seulement) ou l’hypertextile (personne voilée et en jupe longue). Dans un débat récent j’ai défendu l’idée qu’on pouvait dire qu’une musulmane était « bâchée » par des intégristes, mais qu’elle n’était pas bâchée de son propre chef. Discutable . Education aussi au « double regard » sans réductionnisme et donc voir l’être religieux ou l’être sexué mais voir aussi la personne humaine générique. Le « double regard » est un outil antiraciste et antisexiste qui n’empêche pas la critique. Il faut bien voir dans la période issue de l’été 2016 qu’il s’agit de respecter aussi bien les personnes nudistes que les personnes voilées, au-delà de ce que chacun émet comme critique. A défaut, on voit qu’on passe aisément à l’insulte ou même à l’agression physique.

C. DELARUE

http://amitie-entre-les-peuples.org/A-propos-de-prejuges-sur-le-voile-de-certaines-musulmanes

Lire aussi outre Essentialisation raciste : Haine des musulmans car musulmans.

http://amitie-entre-les-peuples.org/Essentialisation-raciste-Haine-des-musulmans-car-musulman

Question textile et regard : Il va falloir se battre !-

Messages

  • Pas d’essentialisme ai-je dit ici mais il est vrai qu’il peut y avoir infraracisme (Wievorka) ou "racisme respectable" (Tévanian). Le racisme respectable ou le racisme républicain dit M Tévanian "a ceci de remarquable qu’il n’exprime pas frontalement de haine à l’encontre des Noirs, des Arabes ou des Musulmans, - pas d’essentialisme donc pas de racisme (C Delarue qui a même adopté le mot islamophobie que je retourne aujourd’hui contre ceux qui communautarisent des musulmans qui s’opposent durement). mais emprunte des détours et méprise plus qu’il ne hait. Retenons la fin "méprise plus qu’il ne hait" car pour le reste je he n’ai pas eu besoin lire M Tévanian mais je l’ai fait car outre que c’est mon job et que j’y passe beaucoup de temps il analyse des processus qui ont leur importance. Donc point d’abus chez moi de certains mots comme République ou comme communautarisme ni de procédés allusifs, d’euphémismes, de métonymies,
    M Tévanian, que j’ai connu jadis au MRAP ajoute " Le racisme républicain s’exprime le plus souvent sous la forme d’un discours « raisonnable » – ou simulant la raison – opposant de manière manichéenne des entités vagues : « la République » du côté du bien, et du côté du mal plusieurs entités tout aussi vagues (« la violence », « l’insécurité », « l’incivilité », les « caïds de banlieue », l’« intégrisme », le « communautarisme », la « victimisation », la « repentance », etc.) qui ont toutes pour point commun de se rattacher, par le biais de détours rhétoriques bien balisés, à l’immigration et aux populations issues des anciennes colonies. (http://lmsi.net/La-Republique-du-mepris). J’ai participé à Pour une politique ouverte d’immigration (ATTAC) au titre explicite. Et depuis longtemps, ma critique porte contre l’intégrisme religieux - çà j’y tiens - et se fait sans ciblage du seul islam. Je ne suis pas seul sur ce terrain.

    Caroline Fourrest le fait depuis longtemps. D’ailleurs j’ai connu l’un et l’autre au plan du débat en même temps. Une nouvelle génération d’antiracistes venait agiter le discours antiraciste classique. L’un refusant que l’on critique la religion (un livre connu mais plus tard) et l’autre féministe, critique des intégrismes et de Tariq Ramadan. Au MRAP j’ai donc voulu créer comme membre du BN et du CN, il y a une dizaine d’années, un groupe "intégrisme", et j’ai connu l’échec face aux pro-Tévanian, dont Mouloud Aounit. M Tévanian n’avait pas encore publié tous ses livres (pas n’anchronisme) mais il naviguait dans les eaux des Indigènes (appel de 2005). Mais les choses ont évolué. Et là ou j’ai gagné c’est bien d’avoir participer à conforter un point de vue antiraciste qui maintienne la possibilité dans un Etat de droit la critique des intégrismes. Il a fallu travailler, chercher, préciser plus. Ce fut le sexoséparatisme et plus tard la qualification de contre-mouvement réactionnaire et autoritaire pour les intégristes religieux . A priori, pas grand mérite à critiquer tous les intégrismes religieux. Détrompez-vous ! Des heures de travail acharnés pendant une douzaine d’années !