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La coopération contre la concurrence

par Michel Piriou

Publie le jeudi 19 janvier 2017 par Michel Piriou - Open-Publishing

La coopération contre la concurrence
dans Mes articles le 28 Mars 2013 à 08:25

Face à un système où la Domination
se nourrit du mal de vivre,
coopérer pour le " bien-vivre "
est un acte de Résistance créatrice !

Patrick Viveret

••• Humanité et partage de l’amour•••
 L’homme en est encore au néolithique ! -

La coopération contre la concurrence "Nouvel article"

Il y a plusieurs années déjà, le théoricien de l’éducation, l’américain Alfie Kohn, montrait que c’est dans les processus collaboratifs et non pas concurrentiels que les gens fonctionnent de la manière la plus efficace. Qui plus est, les recherches en ethnologie, anthropologie, philosophie et en sciences du cerveau ont mis en évidence le fait que notre espèce est avant tout coopérative, contrairement à l’image de l’homme isolé imposée par Descartes et qui a parasité notre pensée jusqu’à une époque récente.

Comment envisager, dès lors, le retour vers cet aspect fondateur de la communauté humaine dans les différents champs de la conscience, de l’économie, de la spiritualité, dont les paradigmes actuels semblent aller à l’encontre des recherches, des aspirations, du bien vivir, du bonheur national brut, des alternatives d’une partie de plus en plus croissante de la population ? Comment les expériences coopératives en France ou dans le monde, peuvent-elles contribuer à contester le modèle de l’économie de concurrence, dominant aujourd’hui ?

Dans un article : la décroissance ce n’est pas l’austérité, Paul Ariès dit en conclusion - il faut pour cela se libérer du modèle centralisateur et vertical, renouer avec le socialisme municipal et aller vers un surcroît de démocratie. Mais lui, quelle méthode prône t-il ? Quel exemple concret nous donne t-il à suivre ? La décroissance pour être gourmande ne vaut, comme les fraises, que si on se donne la peine de la/les cultiver auparavant. Car rien ne s’obtient sans efforts, le plaisir se ramasse, la joie se cueille, le bonheur se cultive.

Nous sommes tous d’accord pour nous éloigner du modèle centralisateur et pour aller vers un surcroît de démocratie. Nous y travaillons sans ya ka !
Nous n’attendons plus un ralliement de dernière minute face à la montée des périls : les collectifs, les associations se contactent, échangent, se regroupent. Des conventions s’élaborent et se mettent en place. À Montreuil l’éco-réseau solidaire a proposé que soit étudiée « une convention réseau » pour travailler ensemble et s’unir « en raison ».

L’idée n’est pas de jeter un pavé dans la mare mais, comme celui qui lance un caillou, de créer des cercles concentriques de plus en plus espacés. Il faut constituer le premier cercle, les premiers cercles. Au-delà des cercles, entrevoir la toile dont nous serons les fils, pour construire l’au-delà des divergences dans une convergence retrouvée « du tous ensemble ».

Certes, il y a un aspect évident à favoriser les initiatives pour accroître l’efficacité de chaque structure, afin que le « tous ensemble » soit tiré régulièrement dans le bon sens, comme un attelage à plusieurs chevaux avance en ligne droite. Mais dans la convention réseau, il y a surtout un ensemble de régulateurs qui ont des effets « feed-back ». Cela passe pour chacun par ce qu’il pense être profitable pour lui, est curieusement, ce qui l’est, s’obtient par plus de démocratie dans les groupes et intergroupes. C’est ce qu’on appelle la démocratie participative.

À l’inverse du lobbying dans un contexte concurrentiel, dont le but est la construction de relations directives, afin d’attirer la couverture à soi... l’idée de coopération de la convention réseau est que tout le monde tire un bout de la couverture vers soi, car chacun comprend au bout d’un moment, que pour profiter des avantages de la chaleur, il faut aussi couvrir les autres. D’où la nécessité d’un réseau de communications à l’image du réseau neuronal, et d’une méthodologie pour que les engrenages relationnels coïncident sans grincements ni grain de sable. Il vaut mieux de petits conflits faciles à régulariser au quotidien, qu’un gros qui explose sous la pression.

Si le réseau de réseaux peut avoir son côté mutualiste, les structures le composant restent indépendantes dans leur gestion interne. Elles ne sont reliées que par une convention d’appartenir à un ensemble tirant des services profitables de cette cohésion.

Il n’y a nul besoin de fédéralisme, de labellisation, il s’agit de mettre en place, en quelque sorte, un nouveau concept de succursales multiples. Les structures étant indépendantes des unes des autres, ont cependant des liens très forts à l’intérieur d’une « galaxie étoilée ». En fait, le germe culturel joue son rôle pour que, tôt ou tard, elles revendiquent un sentiment d’appartenance, tout en en étant détachées hiérarchiquement, financièrement et réglementairement puisque seul maître à leur bord. Le maître mot est liberté.

Toute la subtilité du projet du réseau de réseaux, tel que je l’ai conçu, c’est que par la force des choses, cette « galaxie étoilée » de structures disparates, autant par leurs origines que par leurs buts, converge dans son ensemble dans le même sens. Comme les passagères d’un paquebot elles profitent d’une croisière hors des circuits touristiques. Rien n’empêche donc la constitution de flottes de structures équipées de tous les outils de navigation et de communication. À contrario des ondes, cette communication ne restera pas linéaire ni synchrone, elle participera à l’éclosion d’une systémique, à l’émergence du nouveau monde.

Le premier cercle, le M. B. R. en informatique, c’est l’amorçage du système. C’est de passer d’un système libéral et concurrentiel à un système coopératif. C’est l’objet d’un programme prénatal réunissant tous les responsables de structures au sein d’un laboratoire d’idées, où chaque idée est représentative d’une éprouvette contenant des semences d’alternatives systémiques. Enfin un dernier outil, le baromètre réseau, servira d’indicateur et fournira en temps réel le visuel des structures connectées. En outre, il est prévu un rituel, des soirées "réseaux" tous les trimestres qui seront l’occasion et le prétexte de se rencontrer pour échanger nos ressentis et nos expériences. Des soirées ouvertes sur le monde en mutation à tous ceux tentés par l’aventure du "tous ensemble".

Si j’estime, malheureusement, comme le prévoient de nombreux scientifiques que des catastrophes sont inévitables du fait de la déplétion des énergies, la raréfaction des métaux, du réchauffement climatique, des pollutions... j’estime de même qu’il faut se battre pour éviter non pas la fin de la vie, mais la fin de sa diversité. Car si nous commencions à renoncer à l’impossible, nous finirions par renoncer à tout le reste.

La vie à la peau dure, elle renaîtra de ses cendres ! Tous les petits pas que nous faisons aujourd’hui pour ralentir le processus d’autodestruction sont autant de grands bons pour l’humanité future, sinon le futur de l’humanité. En ce qui me concerne, il n’y a qu’une seule réalité : notre survie. Elle passera par une résistance, elle passe déjà par une capacité de résistance au système capitaliste sous la forme d’une résilience systémique de son rejet. Le système que nous connaissons, et dans lequel nous sommes embarqués comme dans une galère qui dérive, glisse vers plus d’encadrements des populations à mesure que l’effondrement économique s’accentue. Notre survie ne passera pas par « plus de démocratie » dans un premier temps, c’est un euphémisme.

Le deuxième temps de la résistance devrait être le temps de l’abandon du pouvoir politique au profit de la démocratie citoyenne. C’est pourquoi, sans attendre les utopistes des grands soirs, des millions d’alternatives concrètes et tranquilles commencent d’autres mondes possibles. Ces commencements sont particulièrement importants parce qu’ils ne sont pas des initiatives individuelles mais souvent des projets collectifs et associatifs.

Quiconque s’est déjà impliqué dans un processus de résilience et a vécu des expériences de contre-pouvoir a eu la possibilité et la chance de découvrir que le trajet de l’émancipation n’était pas linéaire, individuel, collectif, puis politique. Il est beaucoup plus simple et mobilisateur de commencer par s’engager localement dans un petit groupe et de pratiquer une démocratie directe, basiquement citoyenne.
Ces petits groupes sont les métiers à tisser de la toile dont, chaque collectif est le fil de la trame. Ils construisent la cohérence au-delà des divergences, ils tissent de la coopération. Ceux qui en ont pleinement conscience, font le premier pas de côté, ceux-là seront les premiers à mettre un pied dans le nouveau monde, un monde déjà en filigrane. C’est une vision pragmatique, une façon de raisonner qui nous rend différents, c’est la façon d’employer son cerveau à une nouvelle dimension de la pensée, une pensée complexe de la réalité comme l’énonce Edgar Morin. C’est la capacité d’entretenir au fond de soi le foyer de l’espoir avant que le ciel ne nous tombe sur la tête.

Comme les escargots, nous avançons de manière discrète et disséminée à la surface de la terre. Nous y dessinons des tâches sur la peau du léopard financier. Lorsque les contradictions et les impuissances du système concurrentiel atteindront leur paroxysme, nous apparaîtrons alors comme une masse compacte et soudée pour réduire les points de rupture de l’effondrement de l’ancien monde.

Les termes coopération et concurrence sont étymologiquement antagonistes :
la concurrence c’est courir avec (pour arriver le premier)
la coopération c’est courir ensemble (pour arriver groupés)
c’est ce qu’il faut faire pour ne pas rester qu’une poignée.

Michel Pirou,
Montreuil le 25 mars 2013