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Gramsci, les « monstres », l’hyperpatriarcat et les intégrismes religieux.

par Ch DELARUE

Publie le lundi 30 janvier 2017 par Ch DELARUE - Open-Publishing
3 commentaires

Intégrisme religieux

Gramsci, les « monstres qui surgissent », l’hyperpatriarcat et les intégrismes religieux.

On cite beaucoup cette phrase de Gramsci en ce moment (1) : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Gus Massiah, ce vieux militant tiers-mondiste avant d’être altermondialiste (2), l’a encore fait hier - 28 janvier 2017 - à Paris lors de la réunion de refondation de la Fondation Copernic.

On a beaucoup cité dans cette réunion de la Fondation Copernic le néolibéralisme ou le capitalisme financier comme « monstre » qui sape les quelques bases conquises (en 36, en 46, plus tard encore en France) d’une civilisation démocratique sociale et écologique pourtant largement à construire (pour mériter le nom de socialisme ou d’éco-socialisme). On a moins évoqué le FN qui instrumentalise le féminisme sans jamais parler d’égalité. Tout comme tous les intégristes religieux de la planète. Ne les oublions pas !

 Contre des rapports sociaux millénaires d’inégalités hommes - femmes.

L’égalité hommes - femmes et la liberté des femmes constituent une conquête partagée par de nombreuses femmes et de nombreux hommes progressistes (qui ne se disent pas tous pour autant pro-féministes faute de s’y reconnaitre dans les différents courants), une conquête de civilisation fragile et à affermir certes, mais aussi à défendre face aux contre-mouvements réactionnaires dont le FN et les intégristes religieux qui, l’un et l’autre, refusent la liberté et l’égalité hommes-femmes au prétexte d’une différence, terme qui permet de placer une différence naturelle aussi bien que construite socialement et acceptée mais dans un cadre égalitaire.

L’ami Gus Massiah, qui ne partage pas l’ensemble de mes développements sur le sujet, m’a tendu la perche pour une intervention contre la peste intégriste qui monte d’en-bas souvent au lieu de venir des banques et des oligarchies financières. En effet il n’avait pas oublié d’évoquer la configuration présente, fort fragile, qui a remis partiellement en cause dit-il « des rapports sociaux millénaires contre les femmes ». Pour ma part, je prends appui, depuis un certain temps maintenant, sur le sociologue De Singly et son concept de « seconde modernité » pour évoquer cette « configuration patriarcale rabaissée » ou le patriarcat subsiste bien assurément, mais moins qu’avant et ou par contraste avec le passé on peut discerner nettement deux mondes.

 Quel « choc de civilisation » ?

A ce propos des chocs entre deux mondes, soyons prudents et donc explicites. Il ne s’agit pas de voir ici un « choc de civilisation » - bien qu’il existe assurément - entre zones géographiques, entre un Sud et un Nord ou un Orient contre un Occident bien délimité puisque les « forces monstrueuses » oppressives qui militent, au non d’une interprétation intégriste ou fondamentaliste de la religion, sont partout tout comme d’ailleurs celles et ceux qui résistent. Les uns et les autres sont partout, dans chaque pays, dans chaque quartier. Faut dire cela en précisant évidemment qu’il existe des Etats fondés sur des préceptes religieux archaïques.

 « Double impasse » (Sophie Bessis - octobre 2014) et triple combat.

Dans les pays des Révolutions arabes de 2011, il y a bien celles et ceux qui se sont mis en mouvement révolutionnaire pour virer les dictateurs et leurs appuis et pour établir un Etat de droit démocratique et un Etat social avec ds services publics travaillant pour la satisfaction des besoins sociaux populaires dans le cadre de l’intérêt général. Ce monde arabo-progressiste, de culture musulmane ou non, a mérité et mérite encore soutien, solidarité et fraternité dans son combat renouvelé non seulement contre le capital financier, prédateur du social et de l’environnemental, mais aussi - ne l’oublions pas - contre le puissant retour des « monstres religieux » ; et en retour sous plusieurs formes : djihadistes, salafistes, intégristes musulmans sexoséparatistes. Il existe aussi une gauche tout à la fois féministe, sociale et laîque qui mène un triple combat au sein des révolutions arabes (ou non) qui voient un retournement contre-révolutionnaire s’instaurer avec les intégrismes religieux. Elle mérite soutien.

 Une double colonisation du monde : culturelle-marchande et culturelle-intégriste.

On évoque aisément les djihadistes comme ennemi - c’est difficile de ne pas le faire - mais on voit moins dans la société civile le travail quotidien du négatif des intégristes musulmans sexoséparatistes. Il y a, ici aussi en Europe, une sorte de « colonisation culturelle » de certains espaces via les étendards habituels de l’intégrisme religieux sexoséparatiste qui est source d’inquiétude et de rejet, tant chez les femmes que les hommes, pour ceux et celles qui ne veulent pas d’un retour en arrière sur un ensemble de droits et de pratiques. Retour ligne automatique
Ce type de colonisation culturelle-intégriste se rapporte à une autre colonisation culturelle de type marchande. Sophie Bessis critique sévèrement ces deux types de colonisation du monde.

Christian DELARUE

Socialisme contre une « double impasse » : sortir du capitalisme financier, sortir des intégrismes religieux.Retour ligne automatique
https://blogs.mediapart.fr/christian-delarue/blog/040415/socialisme-contre-une-double-impasse-sortir-du-capitalisme-financier-sortir-des-integrismes-r

NOTES

1) Gaêl Brustier sur SlateRetour ligne automatique
Pourquoi citent-ils tous Gramsci ? | Slate
http://www.slate.fr/story/130298/antonio-gramsci-explique

2) Gus Massiah a écrit en février 2011 (et pas en octobre 2014 comme Sophie Bessis ) « Cinq premières leçons » sur les « insurrections révolutionnaires » c’est à dire au tout début de la révolution tunisienne - décembre 2010 pour son départ - ce texte qui ne dit rien - c’est normal, ce n’est pas une critique - du rôle des salafistes ou des intégristes musulmans face aux forces laïques et féministes qui participent pleinement au combat social et démocratique.

Les insurrections révolutionnaires : cinq premières leçons - CETRI, Centre Tricontinental

http://www.cetri.be/Les-insurrections-revolutionnaires?lang=fr

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Messages

    • DEFINITION : Patriarcat restreint - Hyperpatriarcat (ou hyper-patriarcat).

      Il n’y a pas une définition abstraite qui ne tiendrait pas compte des dynamiques historiques. On trouve donc ici trois définitions ramassées qui peuvent être enrichies.

      1 - Patriarcat  : terme générique qui désigne, derrière la diversité des situations concrètes historiques, la situation générale très largement dominante des rapports sociaux archaïques de domination, d’oppression, d’infériorisation avec violences (viols, prostitution, etc ) de longue durée des femmes par les hommes durant des siècles et sur quasiment tous les continents. On cherche et on trouve ici ou là de petites exceptions.

      NB : Ce mode de domination peut se coupler avec d’autres modes . Par exemple, le capitalo-patriarcat c’est la combinaison du capitalisme et du patriarcat . Comme on trouve combinaison du patriarcat avec les religions et surtout les intégrismes religieux. On a donc des situations variables.

      2 - Patriarcat restreint, c’est le patriarcat résiduel issu des attaques et conquêtes féministes qui ont imposés ces dernières décennies dans certains pays, des principes juridiques (des droits, des libertés, l’égalité entre hommes et femmes, etc) et des avancées de faits pour les femmes . Il est nommé résiduel ou restreint car il n’a pas disparu. Il perdure encore dans les faits et les discours.

      NB : On évoque parfois le terme de « seconde modernité » de De Singly pour la période considérée : début des années 70 parfois, début des années 80 ailleurs, ou aucune date là ou les reculs ont surgi rapidement.

      Avec la crise les conquêtes semblent contestées. Pour certaines féministes il faut s’attendre à des reflux des droits, des libertés, de l’égalité hommes-femmes. Des hommes ont accepté la liberté et l’égalité mais pas tous, loin de là. Il y a des volontés de retour en arrière ou de construire un hyper-patriarcat.

      3 - L’hyperpatriarcat, (ou hyper-patriarcat) part d’un refus du patriarcat restreint qui est insupportable à certains hommes. Ces derniers manifestent la volonté de construire (ou de revenir) à un patriarcat ou les femmes restent à la maison avec les enfants et bien soumises, non libres, non égales aux hommes. On trouve ici sur des registres différents les masculinistes athées et les intégristes religieux sexoséparatistes ou autres.

      Lire
      Un patriarcat rabaissé attaque de deux bords. C Delarue