Accueil > Extrême droite. L’hypocrisie XXL du Front national sur la loi travail

Extrême droite. L’hypocrisie XXL du Front national sur la loi travail

par Grégory Marin

Publie le mercredi 23 août 2017 par Grégory Marin - Open-Publishing

La chef de file du FN aura du mal à cacher son accord idéologique avec le projet macronien devant la représentation nationale.

Les rares interventions du parti de Marine Le Pen sur la « loi travail XXL » en préparation prouvent, malgré l’habillage « social » dont il les revêt, combien ses préoccupations sont éloignées des réalités des travailleurs.

Sourd aux attentes sociales, le Front national adopte vis-à-vis de la loi travail version Macron l’attitude pour le moins ambiguë qu’il avait eue face à la loi El Khomri l’an dernier. À l’Assemblée nationale, le parti d’extrême droite, par la voix de Marine Le Pen, se plaint de la non-constitution d’un groupe parlementaire, s’estimant « victime » des règles qui « contraignent considérablement (sa) capacité d’action, même (sa) capacité de parole ». Mais le FN a beau expliquer ainsi son défaut d’expression, l’examen de ses prises de position sur la « loi travail XXL » – terme qu’il reprend volontiers à… la CGT ! – démontre son accord idéologique avec le projet macronien.

Au Sénat, David Rachline soulignait fin juillet, dans une intervention qui prétendait pourfendre le « modèle économique » imposé par Bruxelles, que « l’immense majorité des Français est d’accord pour réformer le Code du travail ». Sans aucune donnée objective. En juin 2016, lors de l’examen au palais du Luxembourg de la loi El Khomri, le même sénateur réclamait à coups d’amendements, avec son collègue Stéphane Ravier, la suppression du compte pénibilité, le « relèvement du seuil social de 50 à 100 salariés » et la limitation du « monopole syndical ». Des aggravations du texte finalement retirées sur injonction de la présidente du FN, qui, dans un contexte de forte mobilisation sociale, craignait une mauvaise publicité…

«  pas opposé par principe à une réforme du Code du travail  »

En estimant à juste titre que cette loi « va impulser davantage de flexibilité et de dérégulation dans le monde du travail », la députée européenne Sophie Montel (FN), hier matin sur France Info, affichait à bon compte des préoccupations populaires. De même qu’en affirmant s’inquiéter d’un « projet en France de baisse des salaires » qui serait « dans les cartons de l’Union européenne » et prendrait corps « durant le quinquennat de M. Macron », elle fait mine de se placer aux côtés des travailleurs. Mais, là encore, pas l’ombre d’une proposition pour contrecarrer les sinistres projets, qu’ils soient européens ou gouvernementaux… Le député du Pas-de-Calais José Evrard pouvait bien parler (dans le Figaro du 1er août) d’une loi « explosive » qui va « créer une réaction sociale chez les travailleurs déçus », estimant faussement que le « ton » du FN « doit s’adapter aux souffrances des Français et aux exigences populaires », pas question pour les cadres de l’extrême droite notabilisée d’appuyer la contestation populaire.

Il fallait écouter le secrétaire général du parti, Nicolas Bay, sur Europe 1, lundi matin, pour saisir la duplicité frontiste. « Exactement comme pour la loi El Khomri, nous ferons entendre notre voix, à l’Assemblée nationale avec nos huit députés, d’une manière générale dans le débat public », assure Bay. Parce que, juge-t-il, la « méthode » employée pour mener le « dialogue social » est « très contestable » : « L’objectif est d’aller très vite pour échapper au débat, y compris au débat parlementaire », rappelle-t-il justement. Mais, si l’une des plus hautes autorités du parti condamne la forme, sur le fond il ne se dit « pas opposé par principe à une réforme du Code du travail sans doute indispensable – des milliers et des milliers de pages avec des contraintes très lourdes pour nos entreprises ». La députée apparentée FN Emmanuelle Ménard ne dit pas autre chose  : « Si la réforme portée par Muriel Pénicaud est surtout favorable aux grands groupes, il ne faut pas être dans l’opposition systématique. »

Nicolas Bay réactive aussi le vieux fond anti-ouvriers de l’extrême droite, au motif que les accords d’entreprise, dont la loi consacre la primauté sur les accords de branche, vont « donner un pouvoir absolument considérable à des syndicats qui n’ont pas de légitimité parce qu’ils sont très peu représentatifs dans les entreprises ». Surtout, le Front national, qui dénie toute légitimité aux travailleurs à se défendre eux-mêmes, refuse toute action collective et boudera logiquement la journée de mobilisation des syndicats le 12 septembre. Son secrétaire général est catégorique : « On ne va pas aller aux côtés de l’extrême gauche, qui est très largement responsable de la situation des salariés précaires dans notre pays », ose-t-il. Le FN est sourd, aveugle, mais malheureusement pas totalement muet.


Le Pen, une histoire entre les lignes. Le premier tome des Mémoires de Jean-Marie Le Pen paraîtra en janvier 2018. S’il s’arrête en 1972, avant la création du FN, il couvre ses premières armes de député et surtout son «  engagement  » durant la guerre d’Algérie. Une période qui sera scrutée : il a toujours nié les opérations de torture auxquelles il a participé et donnera « sa » vérité. Encore une histoire qui finira devant les tribunaux ?

https://www.humanite.fr/extreme-droite-lhypocrisie-xxl-du-front-national-sur-la-loi-travail-640825

Portfolio