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Exigence d’une « nouvelle impulsion » de la France sur les brevets logiciels

Publie le samedi 4 juin 2005 par Open-Publishing

Au Conseil des ministres de l’Union européenne, la France s’oppose aux amendements du Parlement européen qui empêcheraient de breveter les logiciels. La FFII, constatant l’inadéquation de ce refus avec la position affichée du président et du gouvernement français, demande aux parlementaires français d’exercer pleinement leur contrôle sur les décisions prises par le gouvernement au Conseil. Une « nouvelle impulsion » est plus que jamais nécessaire pour sortir de cette hypocrisie caractéristique du « déficit démocratique » européen.

Alors que le Parlement européen a entrepris un travail conséquent [1] pour
sa deuxième lecture concernant la directive européenne sur les brevets logiciels, le groupe de travail « Propriété intellectuelle (brevets) » du Conseil des ministres a commencé à analyser les amendements préparés par la commission parlementaire des affaires juridiques (JURI) et son rapporteur,
Michel Rocard.

Ces amendements, qui doivent être votés en commission JURI le 20 juin et en
séance plénière au Parlement européen le 6 juillet prochain, indiquent que
les parlementaires s’attachent à définir sans ambiguïté que les logiciels ne
sont en aucun cas brevetables, confirmant ainsi le droit européen actuel.
Les pratiques récentes de l’Office européen des brevets et des offices
nationaux — en France, l’INPI — ayant conduit contre l’esprit et le texte
de la loi à accorder près de 50 000 brevets sur des logiciels et des
méthodes intellectuelles mises en oeuvre par ordinateur, cette clarification
s’avère nécessaire. Et les amendements du Parlement européen confirment
également qu’ils n’empêchent nullement de breveter des inventions
matérielles contrôlées ou assistées par ordinateur.

De son côté, le Conseil n’avait jusqu’ici aboutit qu’à des définitions
tautologiques du « caractère technique » d’une invention, rendant ainsi très
obscur ce qui constitue ou non un objet brevetable et autorisant de ce fait
les brevets sur les logiciels purs [2]. Malgré cette ambiguïté trompeuse, le
gouvernement français n’a cessé d’affirmer son opposition à la brevetabilité
des logiciels. Or, le représentant français au groupe de travail du Conseil,
Fabien Raynaud, a d’ores et déjà jugé ne pouvoir accepter certains
amendements préparés par le Parlement européen, s’opposant notamment à ce
que le traitement de l’information soit totalement exclu de la
brevetabilité.

Pourtant, selon Michel Rocard, une telle disposition « garantit la
compatibilité de la directive avec les dispositions du traité ADPIC en
stipulant de façon claire que le domaine du logiciel n’est pas un domaine
technologique au sens du droit des brevets. En revanche, les composants et
dispositifs matériels qui constituent les ordinateurs restent bien
évidemment brevetables lorsqu’ils sont innovants. »

Ceci répond très exactement à la position affichée du gouvernement français,
par exemple dans ses réponses aux nombreuses questions écrites des députés
au sujet de cette directive [3]. Dès lors, on ne peut que s’étonner de ce
double langage et demander aux représentants français au Conseil de
respecter leurs engagements en révisant leurs positions sur les amendements
du Parlement européen. Le groupe de travail « Propriété intellectuelle
(brevets) » du Conseil doit à nouveau se réunir les 3, 21 et 23 juin.

Gérald Sédrati-Dinet, vice président et représentant en France de la FFII,
commente :

Dans le contexte politique actuel, il est temps pour la France de
sortir de cette schizophrénie consistant à annoncer à l’Assemblée nationale
le contraire de ce qu’elle décide au Conseil des ministres européens. Les
parlementaires français ont, conformément au Traité d’Amsterdam, un devoir
de contrôle sur les décisions prises par le gouvernement au Conseil. Et sans
« nouvelle impulsion » dans la position des représentants ministériels
français au sujet de cette directive sur les brevets logiciels, les citoyens
auront du mal à déjuger l’affirmation de Pierre Bourdieu : « L’Europe ne dit
pas ce qu’elle fait ; elle ne fait pas ce qu’elle dit. Elle dit ce qu’elle
ne fait pas ; elle fait ce qu’elle ne dit pas. Cette Europe qu’on nous
construit, c’est une Europe en trompe l’oeil. »
.

C’est précisément à moins d’hypocrisie et plus de démocratie dans les affaires européennes, qu’appellent les citoyens.

http://www.ffii.fr/


[1Travail parlementaire européen sur les brevets logiciels en 2005
http://www.ffii.fr/article143.html

[2Position adoptée par la France au Conseil « Compétitivité » du 18 mai 2004
http://www.ffii.fr/article75.html

[3Questions écrites des députés au gouvernement
http://www.ffii.fr/article163.html