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Arkéa : des syndicats mis au rebut

par Le_Militant

Publie le vendredi 10 août 2018 par Le_Militant - Open-Publishing

Drôle d’époque pour le dialogue et la négociation. À l’intérieur des partis politiques comme dans les entreprises, le processus décisionnaire s’est totalement inversé, et les patrons semblent nier totalement l’existence de leur base.

Le syndicalisme français est à l’agonie. Ceux et celles qui ne le croient pas n’ont qu’à regarder du côté de la Bretagne et se pencher sur l’affaire Arkéa. Parfait exemple — parmi d’autres — du mépris que l’on accorde aujourd’hui à toute tentative de discussion à l’intérieur d’une entreprise. Mépris d’autant plus problématique, concernant la filiale bretonne du Crédit Mutuel, que celle-ci s’apprête à connaître un important bouleversement.

Un projet d’indépendance incertain

Dans les cartons depuis plusieurs mois, le projet de sécession porté par son patron, Jean-Pierre Denis, est plus que jamais sur les rails. La raison de l’indépendance, tout comme ses modalités, restent extrêmement floues — nos camarades bretons l’ayant suffisamment rappelé aux dirigeants d’Arkéa. Maintes fois prié par «  sa base  » de délimiter les contours de son projet, M. Denis est resté, au mieux, flou, au pire, très contradictoire dans ses explications.

Le 5 juillet dernier, se tenait un Comité central d’entreprise (CCE), où nos camarades élus du personnel d’Arkéa avaient demandé le droit de se faire assister d’un expert afin de juger de la viabilité du projet. «  On demande aux élus du personnel de se prononcer sur un projet qui reste vague, qui nous semble peu stabilisé et sur lequel pèsent, comme toujours, énormément d’incertitudes  », ont-ils estimé de concert. Une fois Arkéa sorti du giron de la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM), le premier devrait effectivement perdre son statut mutualiste  ; les caisses locales faisant partie de la nouvelle entité renonçant quant à elles à leur agrément bancaire.

En avril dernier, déjà, les salariés avaient vivement dénoncé le projet, dont les conséquences économiques semblent très incertaines. Pour ne pas dire inquiétantes. À plusieurs reprises, des voix se sont élevées pour en avertir les dirigeants d’Arkéa  ; l’agence de notation financière Standard & Poor’s d’annoncer par exemple qu’elle dégraderait fortement la note du Crédit Mutuel Arkéa (CMA) si celui-ci venait à faire sécession  ; la Banque de France et la Banque centrale européenne (BCE), qui ont un droit de regard pour tout ce qui concerne le monde mutuel, mettant en garde Jean-Pierre Denis à propos de la non-viabilité de son projet.

Pyramide décisionnelle inversée

Mais sans l’effet escompté. Le patron d’Arkéa semble, depuis le début, imperméable à tout avertissement. Ce qui crée d’ailleurs, selon les syndicats, «  un climat anxiogène et parfois délétère  ». Selon nos camarades, «  la stratégie des dirigeants est redoutable. Il ne s’agit plus d’informer, mais de mobiliser et de convaincre du bien-fondé de la version officielle par tous les moyens [...]  ». Sauf, visiblement, celui de se déplacer en CCE. «  Le directeur général, Ronan Le Moal, n’est pas venu au CCE [du 5 juillet dernier, ndlr] alors qu’il présente le projet à tout le monde sur Twitter [...]  » ont regretté, non sans agacement, nos camarades.

Les défenseurs des travailleurs, entre la réforme ferroviaire et l’affaire Arkéa, vivent un été décidément délicat. Fin juin, le président de la République, Emmanuel Macron, a choisi de passer en force et valider sa réforme de la SNCF. Contre toute revendication syndicale. Rebelote avec Arkéa, où les représentants du personnel sont en train de se faire piétiner par des patrons sans scrupules. Sommes-nous, dès lors, en train d’assister à la mort du syndicalisme tel que nous le connaissons  ? Pour rappel, la CGT et la CFDT comptent plus de 600 000 adhérents chacune, quand FO en revendique 500 000. Des effectifs, par conséquent, bien supérieurs à ceux d’un parti politique lambda. Mais qu’on cherche à bâillonner.

L’agonie du syndicalisme intervient, en tout cas, à un moment clé de l’histoire politique française : la fin des partis politiques traditionnels, à l’intérieur desquels les décisions résultaient de négociations — et n’étaient donc pas imposées par le haut. Avec La République en Marche (LREM, le parti présidentiel), Emmanuel Macron a complètement inversé cette pyramide décisionnelle  ; la personne «  sachante  », qui se trouve au sommet, choisit et impose ses vues à la base, sommée de les accepter. C’est exactement ce qui est en train de se passer dans le monde syndical. Et c’est grave.

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