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CAPITALISME ET DESTRUCTION

par Nemo3637

Publie le lundi 15 octobre 2018 par Nemo3637 - Open-Publishing

Bien des auteurs ont déjà disserté sur l’histoire de l’homme et son combat contre la nature (1). L’être humain, fragile mais intelligent se serait prémuni contre un environnement qui lui était a priori hostile.

Cette opposition s’est radicalisée avec le développement du capitalisme. Certes aucun projet préconçue d’anéantissement n’a existé. Et l’idée s’imposait que la destruction de la nature serait toujours équilibrée grace à de nouvelles découvertes elles-mêmes suscitées par le moteur que représentait la recherche d’un profit indispensable.

Renouvelables ou non renouvelables ?

On attribue, dès la préhistoire, la disparition de certaines espèces animales, à la main de l’homme. Cependant on a aussi constaté, dans les sociétés dites « primitives » (2) une volonté de préservation du milieu qui, liée à des croyances religieuses, s’est traduit par un respect de la nature.

La conception du capitalisme qui s’affirme au XIXe siècle, est doublée d’une vision de progrès inéluctable compensant la destruction du milieu et les génocides. Ainsi très rapidement, la végétation et la faune endogènes d’Amérique du nord disparurent avec l’arrivée des colons européens. Quant à la tragédie des peuples amérindiens elle est aujourd’hui assez connue et indéniable.

Peu importait que le bison disparaisse puisqu’il fallait de l’espace pour la culture industrielle des céréales et l’élevage du bétail.

Dès les années 1930, on constatait néanmoins de l’épuisement des terres nord-américaines ainsi exploitées. Ce qui engendra non pas une remise en question mais tout au contraire le développement d’une industrie chimique destinée à « améliorer » les rendements. Ainsi s’affirmait encore mieux cette tendance mortifère à la destruction. En prétendant conjurer le mal on l’aggravait.


Le marché de l’écologie

Et « l’écologie », nouveau champ politique émergeant dès la fin des années 1970 , apparut pour beaucoup un marché juteux qui faisait dire à certains industriels allemands que lorsque « les Français évoquent l’écologie, ils plantent un arbre alors que les Allemands créent une industrie », comme Ecosia, par exemple. Même si, depuis, les capacités d’investissement ont faibli, les pays de l’ancien bloc soviétique, ont représenté effectivement fin 1980, par le caractère vétuste de leurs infrastructures industrielles, un marché de recyclage alléchant.

Une nouvelle antienne sema ensuite l’inquiétude : l’épuisement des ressources pétrolières. On n’en avait plus que pour quelques années et ensuite c’était plié !... La bicyclette, fantasme maoïste, n’allait-elle pas redevenir la petite reine ?... Pour le coup le progrès technique vint effectivement au secours du système en désarroi : exploitation des gaz de schistes, perfectionnement des capacités d’exploitation, nouveaux champs désormais exploitables.

On n’en parle plus.

Et Nono peut continuer de faire le plein même s’il doit payer plein pot, même s’il sait qu’il est assis sur le tonneau d’explosifs que représente la catastrophe climatique annoncée. Pour le coup c’est la consommation de carburant, d’énergie, les pêts des vaches destinées à la consommation de viande, qui accentuent l’irrémédiable destruction de la planète.

Pourtantla réunion de la COP 21 avait semblé prometteuse, suscitée même l’enthousiasme.

Mais face à l’opposition des Etats-Unis à ces accords, où en sont, par exemple, les investissements promis dans l’exploitation de « nouvelles énergies » ?


L’organisation de la destruction.

Le capitalisme ne peut vivre sans gaspillage. Que deviendraient les compagnies d’électricité si, soudainement, les consommateurs trouvaient le moyen de s’en passer, ou plus simplement, consommaient moins ? Et quid des éleveurs de bovins si l’on consommait moins de lait et plus de viande du tout. Ne faut-il donc pas soutenir les marchés quitte à produire de l’inutile ou du néfaste condamné à la poubelle à plus ou moins long terme ? C’est même encore mieux pour le système, assuré par la destruction promise, d’une continuité de la production.
Régulièrement on découvre, mis en vente, des produits, notamment carnés, qui sont contaminés ou jugés impropre à la consommation, provoquant avec toujours plus d’acuité des remises en question. Le capitalisme par la prééminence de la recherche du profit, promet des monceaux de déchets et la mort.

Mais comment organiser cette destruction indispensable ?

L’obsolescence programmée.

Depuis longtemps on sait que les industriels gardent à l’idée que ce qu’ils produisent se doit d’avoir une durée de vie limitée. Cependant cela reste un calcul risqué car la concurrence peut toujours faire valoir une fiabilité plus grande. Ainsi l’industrie allemande vit sur cette réputation de savoir-faire, de qualité et de durabilité. Ce qui permet de garder et d’étendre le marché, tout en vendant plus cher que ce que l’on trouve ailleurs.

Comme dans un jeu de bonneteau auquel peut être comparé aujourd’hui le jeu financier, il convient de trouver ce qui, compte tenu du rapport qualité prix, est le plus rentable. La durée d’un produit, d’une valeur en Bourse, si elle peut être évaluée (3) corrige dans la durée, même limitée, sa moindre qualité, sa fiabilité douteuse.

Les marchés issus des progrès technologiques doivent désormais compter dans leurs rangs la Chine, qui ne se contente pas de rester simplement « l’atelier du monde ». Par cette montée en puissance, en qualité et en efficience, la Chine devient un redoutable concurrent pour une production qui était jusqu’ici l’apanage de pays occidentaux.

A l’obsolescence programmée, les écologistes opposent une idéologie de durabilité et de recyclage raisonné....

Contradictions de "l’écologie durable.

La vision des écologistes parait raisonnable. Il faut produire moins, autrement, tout en parvenant à satisfaire les besoins. Moins de gaspillage, du recyclage, de l’énergie moins cher et moins polluante...

Mais c’est justement là où le bât blesse dans le système tel qu’il est. La recherche du moindre coût, du recyclage, contrecarre radicalement l’idéologie capitaliste basée sur l’expansion permanente de la production, la destruction et le gaspillage. Que deviendraient tous ces marchands de gadgets si ces derniers devenaient vraiment utiles et durables ? Le fabricants de portables sophistiqués craint en effet la réaction du consommateur, blasé, gardant son vieil appareil qu’il peut donner à réparer... Certains fabriquent à la maison leurs détergents prétendumment « écologiques », d’autres encore plus nombreux, achètent leurs fruits et légumes dans des amaps... On parle de plus en plus de covoiturage, de voitures électriques... Mais que vont devenir nos émirs dont le principal revenu est le pétrole (4) ?

On perçoit vite que les conceptions écologistes entrainent sans rémission, dans une l’économie capitaliste, une baisse radicale des profits. Hormis quelques naïfs bien utiles, servant de paillasson, que l’on expose sous les feux de la rampe et des médias, comme Nicolas Hulot, la plupart de ceux qui veulent vraiment s’informer, savent cela.

Mais qu’importe nous disent les écologistes les plus radicaux. Que ce système s’effondre sous les coups de la Raison et tout le monde ne s’en sentirait-il pas mieux ? Sauf que, bien évidemment, ledit système, les intérêts qu’il soutend, reste prédateur, bien décidé, lui, à ne pas se laisser détruire quitte à renverser la table...à bouleverser la planète.

La guerre réponse à l’impossible valorisation du capital.

L’impossible valorisation du capital (5) accélère la financiarisation de l’économie capitaliste qui, au bout du compte, risque de n’être plus basée que sur du vent. Tout ne tient plus qu’au fil ténu de la confiance. C’est la récurrence de ces crises, de plus en plus fortes, connues depuis la faillite de la Compagnie du Mississipi, et l’échec du papier-monnaie de Law, en France, en 1722 , qui, aujourd’hui, atteint mortellement le système sans qu’aucun rebond ne soit raisonnablement possible. Ladite confiance s’étiole, disparaît.

La financiarisation entrainent des crises récurrentes qui deviennent banalisées. Ainsi chacun sait, même Trump, que la hausse des taux d’intérêts, inéluctable (5) va probablement provoquer en cette fin d’année 2018, une nouvelle crise financière.

Quelle mouche aurait piqué les Américains et les Etats-Unis ? Disent à voix haute les libéraux partisans du libre-échange, de l’absence de barrières douanières, de l’OMC etc.

Ce Trump serait un fou dangereux dont la politique erratique nous ménerait à la catastrophe.

Le vrai, comme ailleurs, est ici un moment du faux.

Les mesures économiques de Trump visent apparemment à préserver l’industrie et la production américaine. Car pour rassurer les marchés financiers il faut bien montrer des bases solides, une force attractive, une production réelle et rentable sur laquelle on pourra continuer de spéculer.

Et en cela cette volonté politique ne diffère guère des velleités de pays européens, comme la France, dont les dirigeants, eux aussi, évoquent une réindustrialisation. Même si, à terme, en tenant compte des coûts de production, une telle tentative semble vouée à l’échec, dans l’immédiat la popularité des gouvernants qui la soutienne est assurée. Comme est assurée sur cette ligne, par cette même démagogie, l’essor des populistes.

La guerre économique qui existe depuis la nuit des temps, apparaît avec plus d’acuité avec les mesures et les réactions de Trump. Au bout du compte, c’est le libéralisme lui-même, dans son essence, qui est finalement remis en question comme il l’a été dans une situation de crise similaire, celle des années 1930. Le repli, mais néanmoins les menaces de guerre contre un état comme l’Iran, dans un Moyen Orient qui n’a jamais connu la paix depuis 1945, représente une issue apparemment inéluctable pour les partisans de l’extrème-droite au pouvoir à la Maison Blanche (6).

Derrière la guerre économique qui fait rage, comment ne pas distinguer la menace d’une vraie guerre ? La crise de 1929 n’a t’elle pas trouvé sa fin dans la deuxième guerre mondiale et ses destructions ?

L’opposition

Les manipulations des médias, du Pouvoir, bien organisé, ayant toujours un coup d’avance, rendent difficile l’organisation d’une opposition à un système capitaliste pourtant décadent.

Dans cette période de tensions, la mainmise réactionnaire rencontre une opposition populaire qui sait encore se manifester. On sait que l’atmosphère aux Etats-Unis est celui de la guerre civile.

Aucun compromis n’est possible : ou l’on est contre ledit système et l’on doit concevoir la radicalité de cette opposition. Ou l’on tente discussions et concessions avec les tenants du Pouvoir, pour ergoter, par exemple, sur les comptabilités, les tours de passe passe des « décideurs » des banques centrales, de la Finance, et alors la défaite est assurée.

Paul Mattick, militant conseilliste, penseur et homme d’action rappelle que « Marx ne prévoyait pas, quant à lui, un effondrement "automatique" ou "économique" du système capitaliste. Seule la puissance des actions révolutionnaires de la classe ouvrière était apte, selon lui, à montrer si la crise du système à un moment donné en constituait ou non la "crise finale". » (7). Peut-on encore en rêver ?

Notes

1. On peut citer « Capital contre nature » de Michael Löwy et Jean-Marie Harribey (2003).
Et, bien qu’adeptes du développement à tout crin des forces productives, citons aussi Marx, et son camarade Engels :

[…] tout progrès de l’agriculture capitaliste est non seulement un progrès dans l’art de piller le travailleur, mais aussi dans l’art de piller le sol ; tout progrès dans l’accroissement de sa fertilité pour un laps de temps donné est en même temps un progrès de la ruine des sources durables de cette fertilité. […] Si bien que la production capitaliste ne développe la technique et la combinaison du procès de production social qu’en ruinant dans le même temps les sources vives de toute richesse : la terre et le travailleur.
Le Capital, livre I, Éditions sociales, 1982, p. 565-567. Edition et traduction de Jean-Pierre Lefebvre.

[…] ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature. Elle se venge sur nous de chacune d’elles. […] Les faits nous rappellent à chaque pas que nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger comme quelqu’un qui est en dehors de la nature, mais que nous lui appartenons avec notre chair, notre sang, notre cerveau, que nous sommes dans son sein et toute notre domination sur elle réside dans l’avantage que nous avons sur l’ensemble des autres créatures de connaître ses lois et à pouvoir nous en servir judicieusement. […] depuis les énormes progrès de la science de la nature au cours de ce siècle, nous sommes de plus en plus à même de connaître aussi les conséquences naturelles lointaines, tout au moins de nos actions les plus courantes dans le domaine de la production, et, par suite, d’apprendre à les maîtriser. Mais plus il en sera ainsi, plus les hommes non seulement sentiront, mais sauront à nouveau qu’ils ne font qu’un avec la nature, et plus deviendra impossible cette idée absurde et contre nature d’une opposition entre l’esprit et la matière, l’homme et la nature, l’âme et le corps, idée qui s’est répandue en Europe depuis le déclin de l’antiquité classique et qui a connu avec le christianisme son développement le plus élevé.
Engels, La dialectique de la nature, Éditions Sociales, Paris, 1977, p. 180-181. Traduction d’Émile Bottigelli.

2. Les sociétés que l’on a qualifiées de « primitives » sont en fait des sociétés qui n’ont pas connu le capitalisme.

3. L’usage d’alogarithmes tel qu’il a pu être mis en usage par des gens comme Robert Mercer, conseiller de Trump, permet aujourd’hui, dans le temps, des évaluations apparemment de plus en plus fiables.... et des manipulations sophistiquées !

4. Le recyclage de l’économie des pays pétroliers s’effectue tout en restant néanmoins tributaires de la manne pétrolières

5. Lire « Krachs,spasmes et crise finale » petit opus prémonitoire dont aucun éditeur n’a voulu, mais lisible intégralement sur le site de la « Chayotte Noire » https://lachayotenoire.jimdo.com

6. Il s’agit du clan du génial et maléfique Robert Mercer.

7. « Marx et Keynes » P.Mattick, Gallimard, 2010, p.126