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MONTPELLIER : ACTE XXX, L’ART ET LES GILETS JAUNES

par jean 1

Publie le lundi 10 juin 2019 par jean 1 - Open-Publishing
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Récit vindicatif, en texte et en images, de la dernière manifestation nationale des GJs.

« Il faut être intolérant pour être libre. »
Georges Darien, La Belle France.

Ce vendredi 7 juin a eu lieu à Montpellier l’inauguration de la ZAT, ou Zone Artistique Temporaire, fiente institutionnelle et festive ainsi nommée en référence à l’ultra-récupéré Hakim Bey. Orchestré par cette vieille baudruche foireuse de Nicolas Bourriaud (comme d’hab’, la province recycle les déchets dont on ne veut plus à la capitale), cet événement apporte, si besoin en était, une nouvelle preuve que toute culture, entre les mains du pouvoir, n’est que charogne.


On peut ainsi admirer en divers lieux (entre autres merdouilles typiques de la haute-culture sous vide) « une fresque monumentale [qui] représente des verres à cocktail, de l’alcool ou une tasse à café, » un collage « inspiré de la pub, des slogans et des logos » ou bien encore des « néons aux messages sympas ("je vous aime", "vous êtes exceptionnels"...) » De la charogne, disais-je.

Heureusement, le lendemain, la manifestation nationale, et sauvage, du bloc jaune et des gilets noirs a renversé pendant quelques heures cet état de fait. L’art fut de nouveau en vie et la vie fut dans la rue, cette rue « assez curieuse, assez équivoque, assez bien gardée et pourtant elle va être à toi, elle est magnifique. » (Breton, troisième manifeste)


Montpellier a donc tremblé, comme cela lui arrive régulièrement depuis six mois.
La feuille de chou locale, le Midi Libre (nique sa mère !) titre aujourd’hui dimanche : « L’Acte de trop. » Sauf que trop, ce n’est sans doute pas assez. Et que la seule chose véritablement « de trop » ici, la seule chose dont on se passerait bien, et à jamais, c’est de cette répression policière, brutale, terrible, qui débuta aux alentours de midi et demi pour ne cesser que 8 heures plus tard.

8 heures de violences, de tirs de lacrymos, de LBD, de charges, de jets d’eau à pleine puissance, quasiment sans discontinuer.

Il faut dire que la police est tombée sur un os, exactement comme le 5 janvier dernier : la foule ne s’est pas laissée faire, la foule a résisté. Il y eut même, à deux reprises, sur la place de la Comédie, ce moment d’exaltation qui voit les manifestants se regrouper d’un même élan pour mettre en déroute les meutes policières. Une vague qui éventre les lignes des CRS, fout en l’air toute leur stratégie, renverse l’habituel rapport de force. Les bleus en déroute, puis la BAC en roue libre, qui se lâche, cherchant par tous les moyens à se payer du scalp, terrorisant au passage, de façon parfaitement gratuite, avec de sales rires gras, les manifestants âgés qui cherchent refuge dans les petites ruelles.

Il y eut surtout beaucoup de blessés, certains assez graves ; je n’ai jamais vu défiler autant d’ambulances pendant une manif’. Vers 16 heures, naissait alors une rumeur faisant état d’un décès chez les médics, puis d’un coma, ou d’une mort cérébrale, on ne savait pas trop, tout cela était assez confus. Ces rumeurs se sont heureusement révélées fausses, mais elles disent bien le degré de violence qui fut atteint cet après-midi là. Oui, effectivement, un flic aurait parfaitement pu tuer quelqu’un. Éborgner, mutiler, c’est tellement has-been, so « ancien monde. » Passons à la vitesse supérieure, les gars. Montrons leur qu’on en a dans le slip.


N’empêche, ce samedi, le slip de la police devait être moite de sueur. Entre le soleil qui tapait dur sur leurs vingt kilos de matériel et la hargne des manifestants, il ne fait aucun doute que nos zélés serviteurs de l’ordre gouvernemental ont dû passer une bien sale journée. C’est une pensée qui réchauffe mon petit cœur de « complice du pire. » Soyons cruels jusqu’au bout, jusqu’aux détails les plus insignifiants.

Toujours dans le Midi Libre du jour, un éditorialiste droitard écrit, dans son style de petite chose flasque à la solde du pouvoir : « Manifestez, défendez vos convictions, marchez pour la liberté, mais ne touchez pas à nos villes, nos commerces, nos bâtiments publics, notre patrimoine commun, par votre violence et vos dégradations. ». Mais VOS villes, pauvre cloche, VOS commerces, VOS bâtiments publics en voie de privatisation, VOTRE patrimoine en décrépitude, NOUS n’en voulons PLUS !



Et puis, si vous souhaitez encore pratiquer le petit jeu du comparatif, entre VOS événements plus économiques que culturels et NOTRE vandalisme sans frein, en voici une, de comparaison, toute simple :
Vendredi 7 juin, dans le cadre de l’inauguration de la ZAT à Montpellier, la diplômée des beaux-arts Clémentine Mélois affichait ses inoffensifs jeux de mots littéraires, très tendances sur instagram, facebook et twitter, en vitrine du Monoprix de la place de la Comédie, contribuant ainsi au rayonnement artistique de cette noble enseigne de la grande distribution.





Le lendemain, dans cette même ville, quelques glorieux anonymes traçaient à la bombe cette poésie spontanée de la révolte et de la rage sur les façades d’établissements bancaires, assurances et autres enseignes appartenant à des multinationales.
L’œuvre de Clémentine Mélois, pourtant située à l’un des principaux points d’affrontement, fut épargnée par les casseurs.
Elle doit rester affiché pendant encore deux mois.
Voila qui nous laisse largement le temps de réparer ce qui fut la principale erreur de cette belle manifestation.

« Et puis, attendez ; j’ai encore quelque chose à vous dire.
Mort aux vaches ! »
Darien, La Belle France.


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