Accueil > Usine Biopole d’Angers : les leçons d’un fiasco industriel

Usine Biopole d’Angers : les leçons d’un fiasco industriel

par Christian Haroble

Publie le mardi 5 novembre 2019 par Christian Haroble - Open-Publishing

En septembre 2018, le magazine L’Express classait Angers tout en haut de la liste des villes les plus attractives de France. Classement effectué selon 24 critères dont la sécurité, le logement, le cadre de vie etc., celui-ci est dû notamment aux grands projets d’aménagement urbains portés par la ville, Christophe Béchu à sa tête. Mais à l’heure des grands contrats publics, il serait bon de ne pas avoir la mémoire trop courte afin de ne pas s’allier demain avec ceux qui, hier, n’avaient pas toujours les intérêts de la ville à cœur.

Biopole d’Angers

Des projets variés et enthousiasmants

Angers ne manque pas de projets urbains enthousiasmants en tout genre. En 2017 son maire Christophe Béchu avait lancé un appel à projets, « Imagine Angers », auprès d’investisseurs, promoteurs, architectes etc. En mars 2018 les lauréats ont été dévoilés, parmi lesquels on trouve des promoteurs déjà connus de la ville comme La Compagnie de Phalsbourg qui a construit le centre commercial L’Atoll situé en périphérie ouest d’Angers. Des promoteurs plus régionaux également comme Atao Promotion, chargé de la Tour de l’innovation de la Proue, en partenariat avec Open Partners. Ainsi que des poids lourds de la promotion immobilière comme Vinci qui porte le projet de la résidence Arborescence en bords de Maine. Ces projets sont en cours d’élaboration ou de construction et font partie des grands chantiers portés par la ville. Un autre projet tout aussi ambitieux est celui lancé par la ville en partenariat avec Angers Loire Métropole : celui de faire de la capitale d’Anjou une véritable ville intelligente. Pour ce projet la mairie n’a pas encore déterminé qui serait son partenaire privé mais l’adjoint à la politique de proximité Jean-Marc Verchère, tout en revendiquant une originalité angevine, ne dissimule pas ses sources d’inspiration, Nantes notamment. Parmi les candidats en lice pour ce projet de ville intelligente figure là aussi le groupe Vinci. Or ce n’est pas la première fois que Vinci aurait la charge d’un projet emblématique pour la ville d’Angers. Souvenons-nous.

Biopole, un fiasco coûteux

Mise en service en 2011 au nord d’Angers, l’usine Biopole construite par Vinci avait été fermée quatre ans seulement après son ouverture, sur la décision d’Angers Loire Métropole, présidée déjà à l’époque par Christophe Béchu. Cette usine de traitement de déchets présentait en effet d’importants dysfonctionnements et ne permettait de traiter que 35% des déchets qu’elle devait accueillir. De plus l’agglomération d’Angers avait dû débourser des sommes supplémentaires pour racheter plusieurs maisons environnantes car les riverains se plaignaient de trop de nuisances liées au fonctionnement de l’usine, en particulier des mauvaises odeurs. Enfin le site industriel, géré par Veolia Environnement, présentait un déficit de près de 2,5 millions d’euros par an. Autant de raisons qui ont poussé la ville à prendre des mesures et à fermer cette usine en juillet 2015.

Mais Vinci Environnement n’en est pas restée là puisque la société a ensuite demandé 30 millions d’euros à l’agglomération arguant que cette fermeture aurait coûté plusieurs marchés à l’entreprise française notamment en Pologne et en Angleterre. Après des mois de bras de fer entre Vinci et Angers Loire Métropole, c’est finalement l’entreprise qui versera plus de 6 millions d’euros à l’agglomération. Issue favorable à la ville dont Christophe Béchu avait toutefois du mal à se satisfaire en qualifiant cette affaire de « gaspillage d’argent public et de fiasco ». En effet, les 6 millions d’euros sont bien peu en comparaison des plus de 60 millions que la construction de l’usine a coûté à l’origine.

Un recyclage laborieux

Mais la saga continue. La communauté urbaine d’Angers s’est donc retrouvée avec une véritable friche industrielle qui a déjà coûté des millions d’euros au contribuable. Il n’était plus possible de faire fonctionner l’usine construite par Vinci, les pouvoirs publics se sont donc engagés à réhabiliter le site pour en faire d’abord un centre de tri des déchets recyclables. Mais a commencé alors une succession de promesses non tenues. Tout d’abord la mise en service de cette nouvelle usine devait intervenir en 2017. Puis en janvier 2018 la municipalité a fait un communique indiquant qu’un investissement de 16,4 millions d’euros supplémentaires allait enfin permettre sa réouverture en 2021 après avoir choisi un prestataire début 2019.

Plus d’un an plus tard, en juillet 2019, l’agglo semble avoir fait de nouveau un pas en arrière puisque la start-up Néolithe qui s’est positionnée pour exploiter le site affirme que son projet a été approuvé alors que, selon les mots de Christophe Béchu lui-même, cela n’est « pas si simple ». D’après l’élu, le dossier serait toujours en instruction…

Les leçons de l’histoire

Le feuilleton « Biopole » aura décidément coûté beaucoup de temps et d’argent. Sans compter le sort incertain des salariés qui, non content d’avoir travaillé dans des conditions déplorables voire dangereuses, ont vu leur avenir professionnel bringuebalé de promesses en promesses en ne sachant toujours pas à ce jour, ce que le site va devenir.

Christophe Béchu l’a reconnu lui-même, ce projet était mal pensé dès le départ et le fait de demander à une entreprise de construire le site (Vinci) et à une autre de l’exploiter (Veolia Environnement) était une erreur fatale. Les dysfonctionnements dus à la mauvaise construction de Vinci avaient en effet poussé Veolia Environnement à cesser d’accueillir les déchets « pour préserver la santé et la sécurité des salariés. »
Alors que la ville continue de mener d’ambitieux projets pour faire d’Angers une ville attractive et durable et que son maire sortant vient d’annoncer qu’il briguait un nouveau mandat pour les élections de 2020, il serait judicieux de ne pas répéter les erreurs du passé en choisissant soigneusement les partenaires avec lesquels la ville a intérêt à travailler. Les yeux sont braqués sur la ville qui s’est engagée à faire de la « ville noire » une véritable ville verte. Mais cela ne pourra pas se faire si les partenaires privés ne jouent pas le jeu comme l’affaire Biopole l’a malheureusement démontré.

Portfolio