Accueil > Le nobellisable, RSF et le prisonnier

Le nobellisable, RSF et le prisonnier

Publie le mercredi 28 septembre 2005 par Open-Publishing
4 commentaires

de Maxime Vivas, écrivain

Le journaliste vedette de la chaîne Al-Jazeera (également traducteur à l’agence espagnole EFE), l’hispano-syrien Tayssir Allouni, célèbre pour avoir interviewé Ben Laden en 2001, vient d’être condamné par le juge espagnol Baltasar Garzón à 7 ans de prison. La sentence a été mollement désapprouvée par l’organisation Reporters Sans Frontières qui "exprime sa surprise" et espère que des mesures seront prises "afin que la détention du journaliste n’aggrave pas son état de santé". Le condamné ayant fait appel, "elle attend avec impatience le nouveau verdict." Et c’est tout. Comment faire moins sans perdre tout crédit, même aux yeux des gogos ?

Qui est Tayssir Allouni quels sont les liens (organiques) qui unissent RSF et le juge, et enfin : le prochain prix Nobel de la Paix sera-t-il Espagnol ?

***

Bête noire du Pentagone en raison de ses reportages sur la guerre et sur ses ravages parmi la population civile, Allouni a échappé plusieurs fois à la mort. Son bureau en Afghanistan fut « accidentellement » bombardé par l’US Air Force. En Irak, son bureau de Bagdad fut encore « accidentellement » bombardé : un de ses collaborateurs fut tué. Le bureau de ses confrères d’Abu-Dhabi TV où il trouva refuge fut lui aussi « accidentellement » bombardé. Il crut trouver un asile sûr auprès des autres journalistes logés à l’hôtel Palestine, mais celui-ci essuya aussitôt un tir « accidentel » états-unien. Finalement, Allouni a été arrêté en Espagne le 8 septembre 2003 sur renseignements fournis au gouvernement de José-Maria Aznar par la CIA qui l’accusait d’être un militant d’Al Qaeda.

S’insurgeant contre cette incarcération, Aidan White, secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes, avait aussitôt déclaré : « Au cours des dernières années, une irritation des Occidentaux, particulièrement des États-uniens, s’est exprimée à l’encontre des médias arabes, et particulièrement d’Al-Jazeera. Ses bureaux ont été attaqués militairement d’abord en Afghanistan, puis deux fois en Irak. Avec cette arrestation, cela commence à ressembler au développement d’une chasse internationale aux sorcières. »

Quant à Robert Ménard de RSF, il ne bougea pas. Pas plus qu’il n’avait organisé le moindre rassemblement médiatisé pour alerter l’opinion contre les tentatives d’assassinat visant ce correspondant de guerre. Pis, il prétendit en octobre 2003 sur Canal Plus que le motif de l’arrestation « n’est pas lié à sa qualité de journaliste, mais à sa participation à des activités terroristes. » Ce verdict expéditif, prononcé « à chaud », deux ans avant que la Justice n’ait instruit le procès, valait condamnation à la prison à vie !

[1]

Il faudra attendre le 18 avril 2005 pour que Robert Ménard, invité du Forum du Nouvel-Observateur amorce un virage2 :

« Internaute : Que pensez vous de l’incarcération de Tayssir Allouni en Espagne ? Parce que c’est un journaliste d’Al-Jazeera ? Et si c’était un journaliste de CNN aurait-il le même sort ? Et ce que vous suivez son dossier ?

Ménard : J’étais encore la semaine dernière au Qatar avec la rédaction d’Al-Jazeera. Et RSF sera à Madrid lors de l’ouverture de son procès le 22 mai prochain. »

Ainsi donc, pour le patron de RSF, le terroriste de 2003 est redevenu journaliste en avril 2005, sa condamnation est surprenante en septembre 2005 (et pourquoi donc s’il est coupable ? Elle est clémente, au contraire) et il convient de bien le choyer en prison sans pour autant réclamer son élargissement qu’on attend néanmoins « avec impatience » sans bouger le petit doigt.

RSF a déploré que le procureur ait lourdement utilisé l’interview de Ben Laden par Tayssir Allouni3 comme élément à charge, amalgamant ainsi acte de terrorisme et exercice normal d’un métier. Par bonheur, RSF dispose d’une organisation interne, le Réseau Damoclès, chargée de défendre la liberté des journalistes et leur droit à enquêter. En toute logique, elle devrait intervenir. Elle ne le fera pas. Car (voici le scoop) : le président d’honneur du Réseau Damoclès est...le juge Baltasar Garzón.

La boucle est bouclée ? Pas tout à fait. La condamnation du journaliste intervient quelques jours à peine avant que soit examinée à Stockholm la candidature au prix Nobel de la paix d’un Espagnol : le juge Baltasar Garzón, qui accéda à la notoriété en pourchassant Pinochet (toujours libre), qui prétendit extrader les tortionnaires argentins (toujours en Argentine) mais qui vient opportunément de mettre sous les verrous un journaliste, au prétexte essentiel qu’il a rencontré dans le cadre de son métier une des deux figures symbolisant la guerre moderne (l’autre étant Bush, vainqueur en matière d’assassinat d’innocents, mais il n’en sera pas question ici).

Un prix Nobel dont le prestige rejaillira sur RSF vaut bien un petit sacrifice. Qui, à part Tayssir Allouni, prétendrait le contraire ? La profession des journalistes peut-être ? A voir et à espérer.

[1] Les trois paragraphes ci-dessus sont extraits de « Les Etats-Unis DE MAL EMPIRE », Danielle Bleitrach, Viktor Dedaj, Maxime Vivas, éditions Aden, septembre 2005. On trouvera également dans cet ouvrage une analyse du rôle de l’Espagne de J-M. Aznar dans le conflit irakien, dans le coup d’Etat anti-chaviste au Venezuela et en faveur d’une américanisation de l’Union européenne.

2 http://www.nouvelobs.com/forum/archives/forum_284.html

3 L’interview n’a d’ailleurs pas été diffusée par Al-Jazeera mais par par une agence US qui avait réussi à se la procurer.

Messages

  • Dans le monde entier est compris le rôle politico-économique des états unis dans la stratégie de la chasse aux"terroristes" ; Cependant force est de constater que ce sont ceux qui le disent qui le sont ! Il n’est que de voir ce qui se passe en Irak en ce momment ainsi qu’en Palestine avec les deux poids deux mesures que se soit sur le plan des colonies, sans oublier l’arme nucléaire qu’Isrël possède" pourquoi eux et pourquoi pas les autres" ? Ils en sont arrivés à la chasse aux journalistes c’est devenu pathétique de se rendre compte de l’état de la démocratie dans la sphère judéochrétienne de l’occident belliciste ! Il est de notoriété Mondiale de savoir que le courage politique de l’Union Européenne vis à vis des Etats-Unien relève de la lacheté, et seul reste comme perspective, la position de nain politique, hurler avec le loup ! Souhaitons que ce Journaliste de la chaîne d’Al-Jazeera retrouvera est sa liberté, ses droits, sa dignité sans oublier
    réparations intelectuelle de la part des responsables actifs ou passifs ! Espérons un sursaut de la DEMOCRATIE !!!!!!! Un journaliste doit dans le cadre de son travail d’informations être libre, avec tout ce que cela comporte comme désagréments stratégiques !

    • à paraître demain 29/09/05 dans le quotidien berlinois Junge Welt

      29.09.2005

      Interview
      Interview : Harald Neuber

       »Es gibt keine Beweise gegen meinen Mann« 

      Im spanischen Al-Qaida-Prozeß wurde ein Journalist zu sieben Jahren Haft verurteilt. Ein Gespräch mit Fatima Zahra Alouny

      * Fatima Zahra Alouny, Ehefrau des Al-Dschasira-Reporters Tayssir Alouny, hat ein internationales Komitee zur Verteidigung ihres Mannes gegründet.

      F : Ihr Mann Tayssir Alouny wurde am Montag in Madrid im bislang größten Prozeß gegen Al Qaida zu sieben Jahren Haft verurteilt. Wie geht es ihm ?

      Er ist natürlich traurig und zornig. Aber er hat sich mit dem Ausgang abgefunden und versucht, sich auf die nächsten Schritte zu konzentrieren.

      F : Hat Sie der Ausgang des Verfahrens überrascht ?

      Ich selber brauche wohl noch etwas Zeit, um dieses ungerechte Urteil zu verarbeiten. Die Anwälte, unsere Unterstützer und ich werden die Entscheidung des Gerichtes aber natürlich anfechten. Wir machen solange weiter, bis wir die Unschuld meines Mannes bewiesen haben.

      F : Hinter dem Verfahren stand mit Untersuchungsrichter Baltasar Garzón ein Vorreiter des spanischen »Antiterrorkampfes« . Schon während seines Feldzugs gegen die baskische ETA ist der Jurist in die Kritik geraten, weil er gegen Menschenrechte verstoßen habe. Trotzdem mußte er Ihren Mann zunächst wieder freilassen ...

      ... und das war ein positives Zeichen. Mein Mann wurde am 5. September 2003 festgenommen und wenige Wochen später entlassen. Nach der neuerlichen Festnahme hatten wir aber schon befürchtet, daß es zu einer Verurteilung kommen würde. Von einer so hohen Haftstrafe sind wir aber nicht ausgegangen.

      F : Ihrem Mann wird vorgeworfen, als Geldkurier für das Al-Qaida-Netzwerk gearbeitet zu haben. Welche Beweise wurden von der Staatsanwaltschaft dafür vorgelegt ?

      Keine.

      F : Wie kommt sie dann zu diesem Vorwurf ?

      Tayssir hat es im Oktober 2001 geschafft, ein Interview mit Osama bin Laden in Afghanistan zu führen. Er hatte Fragen von Al Dschasira und CNN übermittelt bekommen. Osama bin Laden zeigte sich aber wenig kooperativ. Auf die Fragen von CNN wollte er überhaupt nicht antworten und unterbrach das Interview immer wieder. Weil das gegen die getroffene Abmachung verstoßen hat, entschieden sich Tayssir und die Redaktion, das Interview nicht zu senden. Das hätte ihrem professionellen Anspruch widersprochen. CNN nutzte das Material aber, um Teile des Interviews auszustrahlen.

      F : Eben dieses Material war später das zentrale »Beweisstück« der spanischen Staatsanwaltschaft gegen Ihren Mann. Dabei war er nicht der einzige Journalist, der mit dem Anführer von Al Qaida gesprochen hat. Nur in seinem Fall hat es aber zur Strafverfolgung geführt. Denken Sie, daß die syrische Herkunft ihres Mannes eine Rolle gespielt hat ?

      Davon gehe ich aus. Tayssir war der einzige arabische und muslimische Journalist, der von Beginn des Afghanistan-Krieges an aus Kabul berichtete. Er hatte also natürlich Kontakte zu den Taliban, und nur so kam er an das Interview. Der Staatsanwalt hat in seinem Schlußplädoyer offen erklärt, daß er lange »große Zweifel« an der Schuld meines Mannes hatte. Nachdem er aber das Video gesehen und Tayssir dazu verhört habe, seien diese ausgeräumt gewesen.

      F : Sie haben ein internationales Komitee zur Verteidigung Ihres Mannes ins Leben gerufen. Wie werden Sie auf das Urteil reagieren ?

      Wir werden uns mit einem internationalen Team von Anwälten auf das Berufungsverfahren vorbereiten. Vor allem aber erwarten wir eine Zunahme der politischen Solidarität. Seit der Verurteilung meines Mannes bekomme ich Anrufe aus aller Welt. Die Empörung darüber, daß ein Journalist wegen der Ausübung seines Berufes angeklagt und als Helfer von Terroristen verurteilt wurde, ist groß – nicht nur in der arabischen Welt.

      F : Werden Sie nach diesem Urteil in Spanien bleiben ?

      Zunächst schon. Mein Mann und ich leben hier seit langer Zeit und haben die spanische Staatsbürgerschaft. Ich selber habe immer versucht, nach außen ein positives Bild von diesem meinem Land zu vermitteln. Wir beide haben uns als Spanier gefühlt. Nun bin ich mir nicht mehr sicher. Ich glaube, daß dieses Verfahren das Bild Spaniens besonders in der arabischen Welt schwer beschädigt hat.

      * www.freetayseer.com

  • Y’a pas à dire quand tu lis ça après une journée où tu t’es levé à 5H du mat’ pour taffer et que tu lis ça 18 h après tu sens un mal de tête nauséabond te monter à la gueule. Comment veux-tu que ça tourne avec un système jurdico-politichien international pourri jusqu’à la moëlle. Mais quand est-ce que la bande de (bip) qui nous dirigent auront les couilles d’assumer leur lâcheté. Le prix nobel pour l’autre ours de juge ??? Et puis quoi d’autre ? Un oscar à Gérad Pirès..!?
    Enfin, merci à Bellaciao pour la pertinence de ses articles qui nous permettent de garder la tête hors de l’eau :-)

    Hanamichi