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Inter-LGBT : Boutin, grave erreur de casting

Publie le samedi 28 juin 2003 par Open-Publishing

Monsieur le Premier ministre

Le 22 avril, vous signiez une lettre de mission adressée à Christine Boutin la chargeant d’un rapport parlementaire sur « les incidences sociales des situations d’isolement » et sur le suicide. Ainsi, la députée se retrouve-t-elle avec la responsabilité d’élucider les causes des taux de suicide en France « les plus élevés dans l’Union européenne pour les jeunes de 15 à 24 ans et les personnes âgées ». Proposant déjà vous-même quelques premières conclusions de ce travail, vous lui suggérez de travailler « par public concerné ».

Si vous l’ignoriez, le « public concerné », qui est celui des associations gaies, lesbiennes, bi et trans, a une expérience particulière du suicide : dans nos permanences, sur nos lignes d’écoute téléphonique, dans les e-mails qui nous sont adressés, c’est un sujet récurrent. Au bout du rouleau, des jeunes, et des personnes plus âgées, nous font part de leurs pensées suicidaires. Et le passage à l’acte suit trop régulièrement. Des enquêtes menées aux Etats-Unis ont établi que, par rapport aux autres jeunes du même âge, le risque de faire une tentative de suicide est de 5 à 14 fois plus élevé pour les garçons gais ou bisexuels, et supérieur de 40 % pour les filles lesbiennes ou bisexuelles.

Des études sociologiques concordantes ont pu rejeter différentes hypothèses : que des troubles mentaux seraient corrélés à une orientation sexuelle non conventionnelle, que le style de vie de ces jeunes les pousserait à vivre davantage de stress et à prendre davantage de risques. Toutes ont conclu, au contraire, que c’est bien l’homophobie, et l’isolement qu’elle provoque chez ces jeunes, qui explique les risques accrus de tentative de suicide, et non pas leur orientation sexuelle. L’absence de référence positive qui empêche de se projeter dans un autre avenir que celui imaginé par les parents, les injures dans les cours de récréation, les humiliations subies dès lors que l’on développe des comportements ou une apparence contraire à ceux assignés par son genre sont autant de facteurs aggravants.

Par ses propos et les manifestations qu’elle a organisées, notamment celle du 31 janvier 1998 contre le Pacs, Christine Boutin s’est fait le relais d’une homophobie des plus destructrices auprès des jeunes. Sa récente conversion à une approche compassionnelle pour la prétendue souffrance des « personnes homosexuelles » n’est qu’un moyen de les enfermer dans une communauté qui devrait montrer sa « dignité » dans le silence, d’accréditer la thèse selon laquelle l’homosexualité serait la cause de cette souffrance, et de rejeter toute responsabilité de la société. Nous ne dialoguerons pas avec une femme qui a provoqué les blessures qu’elle dit aujourd’hui vouloir guérir.

Cette nomination est une injure faite à l’ensemble de notre mouvement. Nous vous demandons solennellement, Monsieur le Premier ministre, de retirer à Christine Boutin cette mission, pour enfin travailler sérieusement sur la question du suicide.

Alain Piriou, Inter-LGBT (Interassociative lesbienne, gaie, bi et transgenre)