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Le monde littéraire : Le chant du cygne

Publie le mercredi 12 octobre 2005 par Open-Publishing

de Franca Maï

Une petite question au hasard ?...

Lorsqu’un livre est vendu 10€ sur le marché engorgé et de plus en plus rétréci -quant au contenu- de la littérature française, combien touche son auteur ?

1€ moins les droits caisse de je ne sais quoi où de toutes façons, l’auteur ne touchera rien, puisqu’à l’aube de son repos bien mérité, il sera déjà mort et enterré, épuisé par la logique infernale des actionnaires de la maison d’édition, penchés sur lui.

Nous arrivons donc à la modique somme de 0.76€ par exemplaire vendu.

Vous avez bien capté ?

A ce tarif, ce n’est plus un métier mais la misère à l’état dépouillé.

S’il a eu la chance de toucher un à-valoir symbolique en signant son roman, il vit paré de 150€ par mois.

Il se trouve donc dans l’accul de trouver un job en parallèle, dit alimentaire.

Donc, ce dernier des mohicans, au regard illuminé, traversé par un feu qui le dépasse bien souvent, travaille doublement.

Le jour pour nourrir son ventre et sa tribu. La nuit, pour calmer sa boîte crânienne en tentant d’apporter des agapes imaginatives et intellectuelles à ses fidèles lecteurs et aux futurs pressentis.

Il s’imagine qu’un choix réel - un droit à la différence- mis généreusement à la disposition sur les gondoles des librairies ligotées pourrait faire bouger cette société en évitant toute la paresse et l’apathie du mirage publicitaire proposé.

Il rêve éveillé. On ne trouve jamais son livre dans les sphères dites conventionnelles ou alors au compte-gouttes. Son lecteur doit faire preuve de pugnacité, emprunter les chemins de traverse et ne peut jamais satisfaire son désir, sur le champ.

Au-delà des chiffres mirobolants annoncés par certaines maisons d’édition concernant les ventes supposées de leurs locomotives -à faire pâlir les étoiles de concupiscence- le quotidien de la plupart des écrivains ressemble à une noyade permanente avec quelques moments de respiration puisés dans la genèse même de leurs romans.

Si à une certaine époque, le monde de l’édition accouchait de ramifications indépendantes aux clairvoyances géniales et esthètes - pressurisé et bradé maintenant aux groupes industriels carnassiers souvent, incultes- celui-ci s’étouffe et s’asphyxie dans une agonie lente, sous les yeux repus des petits joueurs patentés et devant l’indifférence générale des lecteurs consommateurs, pressés d’acquérir le roman dont on parle, sans même la plupart du temps, en lire une seule ligne. L’achat compulsif sous influence.

Certains directeurs littéraires - ultimes dinosaures érudits cloués à l’autel du sacrifice- à la sensibilité à fleur de peau, se retrouve ainsi « placardisés » dans leur propre maison désormais en ruines, vampirisés par le souffle dévastateur du devoir du chiffre.

Ils se coltinent désormais -la rage au ventre- le corrigé de la énième bio de la réussite du voisin ou du manuscrit à répétition pêchant par son insipidité, très prisé des actionnaires à l’âme fleur bleue. "Surtout pas de vagues, exploitons le filon des maisons concurrentes. Puisque cela marche".

Lorsque l’on apprend que Breton n’a touché des droits d’auteur qu’une année avant sa mort, l’écrivain anticipant le tour de manège, s’envisage poussière pour vite être encensé dans le monde des fantômes.

Les prédateurs des temps nouveaux ont donc décidé d’assassiner l’univers des lettres en le formatant comme ils ont formaté la taille et le goût des légumes. A l’aide de calculettes dans les poches, l’innovation et la créativité en jachère.

L’auteur rêve de livres abandonnés aux flammes, d’une terre brûlée et carbonisée où enfin la possibilité de nouvelles graines ferait surface.

Un attentat poétique.

Car rien ne vaut l’amour, le thé brûlant et un sacré bon bouquin qui percute les neurones en vous propulsant loin du gris peau de souris.

http://www.e-torpedo.net/article.php3?id_article=474