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LA DÉBUT D’UN MONDE ? [2/2] (réflexion sur un engagement politique)

Publie le dimanche 6 novembre 2005 par Open-Publishing

1ère partie : LA DÉBUT D’UN MONDE ? [1/2] (réflexion sur un engagement politique)

de Le Yéti

Plus je réfléchis au monde qu’il nous faudrait reconstruire sur les décombres de la pitoyable forteresse libérale, plus je me dis que c’est d’une simplicité enfantine, une évidence tellement criante que je ne comprends pas par quelle aberration infernale l’espèce humaine a pu s’en être autant éloignée. [Enfin si, je comprends, mais cette une autre histoire !]

Sur mon territoire passent souvent des voyageurs de tous horizons, campagnes ou mégalopoles, France ou pays étrangers. De tous les milieux, populaires ou plus aisés. Tous semblent harassés par leur voyage. Leurs souliers sont crottés par les chemins incertains qu’ils ont empruntés, leurs vêtements maculés par les marais où ils se sont embourbés, leurs visages crispés, agités de tics, une boule dans la gorge.

Mais regardez ! Sous l’effet d’une douche chaude ou d’un bain moussant, de linge propre, de paroles amicales, de lait brûlant ou de vins doux, et les voici qui s’apaisent. Masques et oripeaux sociaux ne tardent pas à tomber. L’espace d’un instant, les gorges se dénouent, les respirations se calment, les visages se détendent. Et ce sont des enfants qui repartent vers leurs horizons. L’espace d’un instant.

Une politique qui ne prendrait pas en compte, l’aspiration profonde des individus à l’apaisement, conduirait vers les mêmes navrants précipices que ceux où nous basculons aujourd’hui.

[« Utopie ! Utopie ! » Tais-toi, geai braillard, et lisse tes plumes ! Loin de moi l’idée angélique d’un retour aux sources, d’une fuite vers un bucolisme baba où, en sabots garnis de paille sèche, nous fabriquerions des fromages de brebis !]

La politique de l’ "apaisement" à laquelle j’aspire, doit prendre pied là où nous vivons présentement, dans nos villes, dans nos banlieues sinistrées et, oui, même dans les milieux où nous travaillons. C’est une politique laïque, d’un hédonisme tranquille si cher au philosophe Michel Onfray. Elle vise à bâtir, comme dit notre philosophe, « des édifices modestes, certes, mais habitables, non pas d’immenses cathédrales invivables, impraticables, mais des bâtisses à même d’être réellement habitées. »

La politique que je souhaite revient à la raison d’être de l’économie qui est de produire des biens et des services destinés à satisfaire les besoins de la population, non d’engranger des profits stériles captés par une clique de privilégiés. Elle veille à réguler la juste répartition des richesses et des tâches. Le travail devient non plus une valeur symbolique écrasante sans laquelle l’individu n’est rien, mais un simple outil de production de biens et de services qu’il convient d’organiser dans l’intérêt de tous.

Rentrer dans le détail des mesures techniques à prendre n’est pas de mise dans cet article. Je laisse cela aux spécialistes. Mais qu’il me soit permis de donner ici un exemple. D’aucun prétendent qu’en France le travail coûte trop cher, que les entreprises françaises ne peuvent rivaliser avec leurs concurrents des pays émergents, qu’elles ne doivent leur salut qu’à des délocalisations plus ou moins sauvages. Foutaises pour gogos ! Ce n’est pas le travail qui coûte cher en France, mais la clique qui en pille les bénéfices à son seul profit. Que les indemnités de départ d’un dirigeant ou le salaire d’un footballeur équivalent à plusieurs centaines d’années de SMIC devrait quand même alerter. Une politique volontaire s’emploiera à réguler les lois de fonctionnement des entreprises privées, et particulièrement les attributions des fonds engrangés par icelles : régulation drastique de la distribution des stock-options, régulation drastique de la masse salariale dévolue aux cadres dirigeants (indexée sur les résultats de l’entreprise, par exemple), régulation drastique de la part consacrée au versement des dividendes.

Fuite assurée des capitaux et des élites vers l’étranger ? Allons, allons, il y a fort à parier que les capitaux reviendront sous une forme ou une autre. Si nous ne sommes pas parvenus à les taxer au départ, attendons-les au retour. Quant à nos z’élites, qu’ils fuient, disparaissent si ça leur chante. Ne dispose-t-on pas de réserves suffisantes parmi nos jeunes bac + 7 laissés en jachère ou parmi nos cadres de plus de cinquante ans mis au rebut ? Non, non, je suis persuadé qu’un peu d’audace nous réserverait quelques joyeuses surprises. Et s’il faut faire des économies de « coûts de fonctionnement », comme ils disent, c’est sur leurs émoluments et leurs dividendes obscènes. Je vous parie que nos entreprises redeviendraient soudain un tantinet plus "compétitives".

Le projet politique (du grec "politikos", ce qui est relatif à la vie de la cité) que je souhaite est un projet radical. Il élimine d’emblée ceux qui au nom d’un prétendu "réalisme" composent avec la mafia libérale encore au pouvoir, quand ils ne finissent pas par en faire partie. Une politique de l’apaisement n’est pas une politique de la compromission. Elle ne pourra être menée qu’une fois éradiqué le totalitarisme libéral. Seuls des candidats, des groupes, des partis résolus à aller en ce sens peuvent avoir mon soutien.

Mais qu’ils ne s’avisent pas de nous emberlificoter à nouveau comme des lapins. C’en est fini de ces chapelles aux vitraux séduisants, dont on sait vers quels murs de la honte elles nous ont menés par le passé. Pas question d’accorder le moindre blanc-seing à coups de bulletins de vote. On a déjà donné !

Il nous faudra veiller à établir les contre-pouvoirs nécessaires. Des moyens de contrôles populaires qui auront charge d’entériner les décisions des élus, de veiller à leur conformité avec les promesses et les programmes électoraux. Sur ce sujet, j’engage les volatiles qui me lisent à se rendre sur le site d’Étienne Chouart. Il fourmille d’idées et de liens en la matière.

Un dernier mot : une telle politique ne nous isolerait-elle pas du reste du monde ? de l’Europe ? Quel monde, quelle Europe ? Celle des dirigeants ou celles des peuples dont on a vu combien ces deux univers pouvaient différer lorsqu’un référendum permettait à chacun de donner son avis.

[« Oui, oui, yéti écumant, mais crois-tu que les rapaces se laisseront aussi facilement éloigner, et qu’ils ne reviendront pas bientôt à la charge ? Toi-même disait que la nature humaine prédatrice... » Agiter l’épouvantail du futur est aussi stérile que de ruminer les fautes du passé, dindon glouglouteur. Poursuivons vaillamment notre chemin et essayons de ne plus être ceux de la farce.]