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LE FACTEUR HUMAIN

Publie le jeudi 1er décembre 2005 par Open-Publishing
19 commentaires

de Le Yéti

Le jour n’était pas levé quand je suis sorti. Il fallait absolument que je sorte. La soirée de la veille avait été plutôt agitée. Vous savez, une de ces soirées où, sous le feu de l’excitation, les conversations dérapent et s’enveniment sans que plus personne ne puisse enrayer le flot des imprécations. Au petit matin, il vous en reste une petite boule amère de regrets au fond de la gorge et un vague sentiment de culpabilité.

Pour secouer, ça avait secoué ! Je l’avais bien cherché aussi : qu’est-ce qui m’avait pris de lancer ainsi à brûle-pourpoint qu’Arnaud Montebourg pouvait faire un présidentiable convenable pour les élections de 2007 ? ( Voir article précédent )

Réactions immédiates. Un torrent d’anathèmes, de protestations, une litanie de colères et de frustrations. Certains ne présentaient leurs propositions qu’en ayant bien à coeur de se distinguer du voisin et de marquer leur territoire. Les rares qui tentaient d’être vraiment constructifs étaient noyés sous le déluge de ce défoulement collectif incontrolé.

Il n’y avait encore personne dans les rues de la petite ville. Le vent coulis, glacial, apaisa mes tourments. Après tout, peut-être fallait-il en passer par là. Vider les abcès de toutes les humeurs malignes avant de passer à la phase de réconciliation, de reconstruction. Suis allé me mettre au chaud dans un bistrot ouvert, à une table en coin qui permettait l’observation.

Il y avait une quinzaine de clients dans l’endroit, autant au comptoir que dans la salle. Il règnait l’atmosphère paisible, presque rassurrante, des petits matins. Qui étaient-ils tous ces gens ? Ils étaient silencieux, tout juste accaparés par la fumée de leurs cafés, encore imprégnés des rêves de la nuit et de la chaleur soyeuse des draps. D’ailleurs, avaient-ils tous des draps ?

J’avais du mal à imaginer qu’ils aient pu participer à l’hystérie de la veille. Et pourtant c’était très probablement le cas. Mais ils étaient là, en chair et en os, en espoir et en désespoir, le cou enfoncé dans les épaules comme ces oiseaux migrateurs harassés qui se reposaient l’espace d’un instant dans le marais du lac. Certains conversaient à voix basse. Les masques étaient encore au vestiaire, les peurs et les haines assoupies. Je les ai même imaginés en culotte courte et en jupette, quand ils étaient enfants et que les fracas du monde ne les avaient pas encore endoloris.

Tout à coup, je me suis mis à rire. C’était plus fort que moi. Certains se sont retournés, un peu interloqués, ignorant que je les reconnaissais TOUS ! Tous, ils étaient tous là, dans ce bistrot : Esteban, la belle Rose et son amie Lila Indigène, Nose, Copas et Rosie la passionaria, Jyd et son front plissé... Le mystérieux Roberto nous épiait des cuisines. Ha, ha , ha... Ils se mirent à rire eux aussi. Une certaine Franca Maï au regard d’encre railla mes poils de yéti fatigué. Pas la moindre trace d’hostilité ou de mépris dans les rires. Trois nouveaux clients surgirent au son aigrelet de la porte d’entrée : MG Buffet, Besancenot et Arnaud M. écarquillèrent les yeux devant le spectacle présenté par les convives. Un peu sur la défensive, la première tira sur sa jupe plissée et les deux garçons réajustèrent leurs culottes courtes ...

Non, on ne pouvait pas parler aux autres de la même façon si on voulait bien les voir tant soit peu comme ils étaient vraiment, quand on pouvait en ressentir la complexité. (Hier soir, lors de la querelle, je crois que plus personne ne voyait, ni ne sentait plus personne.) Chacun a sa part d’ombres et sa part de lumières. Il faut absolument trouver les lumières, arrêter d’observer ses voisins planqués derrière la meurtrière de nos yeux, mais sortir sur le pas de nos portes et siroter ensemble quelques apéritifs. Il fallait parler doucement, en ouvrant tout grand nos écoutilles. Et préparer notre projet.

Je ne voulais pas faire d’angélisme. Malgré l’ambiance joyeuse, je savais que les fureurs, les peurs resteraient toujours tapies dans l’ombre. Mais je n’avais pas le choix. J’ai pris mon stylo et me suis mis à écrire cet article entre deux gorgées de café crème.

http://www.yetiblog.org

Messages

  • Ce texte est beau et émouvant. Humain, fraternellement humain. Le Yéti sait de quoi il parle. Il sait bien écrire aussi. Des gars comme ça, on a envie de les connaître.

    William

  • ok
    revenons sur terre
    il faut s’occuper de sarko on verra ensuite
    redcook

  • n’empêche que d’accord, mais quand même Montebourg non.

    jyd.

  • Si ce projet rassemble tous ces gens, peu importe le porte-voix, je vote pour.

    • Alors vient pas pleurer quand le leader que t’aura désigné fait l’inverse de ce qu’il a promis. La deception est la suite logique d’une élection. Portons notre projet, libérons du système salarial en brisant nos chaînes d’un mouvement collectif, et quand les bourgeois mourrons de faim de par notre contrôle des axes de communication comme de la production, ils capituleront.

      Sinon c clair que si on peut éviter sarko, ca éviteras beaucoup de contrôles de rafles, de peines de prisons, d’assassinat de tous nos frères. Sarko 2007 c’est Adolf 1933, le fascisme arrive par les urnes.

      Par conséquent, un leader qui relaierai le discours et les revendications de la base sans sombrer dans le populisme et l’exacerbation des préjugés, qui ne ferait pas la sourde oreille (comme ces députés qui condamnent des textes de rap pour une citation au lieu de comprendre qu’ils ont en face d’eux ceux qui parlent le mieux du ressentiment des banlieusard, et donc ceux qui tiennent une des clefs du renouveau à apporter - et ceux du PS,PC,LCR... consentent puisqu’ils ne dident mot) aurait des chances de battre sarko, et donc de nous donner quoi qu’il arrive une marge de manoeuvre plus large pour développer librement d’autres formes d’organisation, sans être classée comme marginaux. Rapellons qu’il est encore illégal en France de commettre des "actes de nature Anarchiste". (loi de 1894 !!! toujours pas abrogée).

      Rendez vous dans 18 mois

      sc_marcos94

  • le yeti
    au coté droit de Franca il y aurait un di2.Chan et à sa gauche un certain H.chavez.
    Je te promets, nous essaierons de nous taire ;-)
    envoie une invitation...
    di2

  • Le rire du Yéti nous a réchauffés.

    Il était clair et communicatif.

    Parce que… au bout du compte, nos ventres aspiraient à cette pause libératrice et décongestionnante.
    La vie n’était-elle pas qu’un jeu truqué ?

    Nous allions tous mourir un jour ou l’autre.
    Nos os ressembleraient aux autres os, perdus et dispersés dans l’humus bienfaiteur.
    Nos os seraient égaux face à la faucheuse.

    Ce rire a traversé le café où un feu de cheminée avait été allumé pour réchauffer nos carcasses fatiguées par les doutes et les questionnements… Il s’est propagé à l’infini.

    Et puis on a senti que les caméras de surveillance caressaient nos visages adoucis et on s’est mis à caillasser les délatrices robotisées par des âmes de nains de jardin et nous avons pensé :
    Rien ne nous empêche de croire à un autre monde,
    Nous avons des idées
    Ils possèdent la technique.
    Mais les idées perdurent
    Et la technique tombe souvent en panne.

    Merci le Yéti pour ce texte chaleureux.

    Franca Maï

  • Cher Le Yéti,

    Je t’estime beaucoup, et de te lire est pour moi un réel plaisir.

    Tu me cites dans ton texte, je ne le prends pas mal, mais si tu relis les commentaires de ton texte sur Arnaud Montebourg, tu t’apercevras que je n’ai pas commenté.

    J’aurai pu "participer" au "déferlement" que tu déplores, mais je ne l’ai pas fait.

    Tu as donné ton avis avec sérénité, sans agresser personne, sans phrases assassines, je n’ai pu que me taire et respecter cela.

    Il me manque ta sérénité et je m’enflamme quelquefois, mon impulsivité m’expose souvent à la critique, c’est le jeu, je l’accepte.

    Sans pour autant dénigrer l’avis des autres intervenants, reconnaît, cher le Yéti, que pour ce coup tu m’as vu dans le bar mais ce n’était pas moi. ;-)

    Fraternellement,

    Esteban

    • Moi, tu m’as bien vue, Yéti fraternel.

      Dans la trilogie républicaine, la fraternité est souvent le parent pauvre. Pauvres de nous.

      Trouvé un article de Christiane Taubira sur le site www.lesogres.org et aussi sur www.damnes-delaterre.org.

      madame.rose@wanadoo.fr

    • Cher Esteban (et les autres aussi),
      Si je t’ai cité dans mon texte, c’était au contraire pour que tu le prennes bien. Jamais il ne m’est arrivé de prendre tes fougues pour des déversements de bile, bien au contraire, je ne confonds pas aigreurs et excès d’enthousiasme. Tu étais vraiment, je t’assure, je l’espère, dans mon bistrot (en culotte courte et maillot rayé).
      Il y avait aussi plein de gens que je n’ai pas nommés (Francesca, Nicole, et pleins d’autres que je n’ai pas la place de citer ici mais qui, j’espère, se reconnaitront...)
      Par ailleurs, je n’ai pas écrit mon petit article pour verser dans le pathos sentimental ou l’humanisme sirupeux. Juste pour créer une petite respiration entre nos propos enflammés, avant de repartir au turbin (je parle de l’assaut contre la forteresse libérale).
      Et surtout, surtout, que les fougueux, hispaniques ou non, continuent de nous enfouguer...
      Le yéti

  • Ce qu’il s’est passé sur le forum de bellaciao est très sûrement à l’image de débat qui ont lieu à gauche aujourd’hui .

    Les propos furent vifs tranchés mais respectueux tout de même.

    L’important résidait dans la question et moins dans les réponses.

    Si l’acton de g.filoche (animateur du nps ) c’est bien lui qui a ouvert le débat, est interressante il n’en demeure pas moins que la methodologie l’était moins la question du projet fut peu abordée je dirai rendu obscure par la question de la candidature (la question du QUI et de la formation D’origine) la question du QUOI et DU POURQUOI fut peu détaillée execptée la proposition consensuelle d’un front populaire

    D’autre part la question du COMMENT fut obscurcie AUSSI par la proposition

    D’ADHERER ET FAIRE ADHERER AU PS
    DEUX QUESTIoNS (à mon sens furent différées)

    1/ l’émiettement fatale des candidatures en 2007

    2/la place dirigeante du mouvement social dans la définition et l’organisation continue de cette dynamique de type front populaire
    Puisque nous sommes en culottes courtes 2 choses me font réfléchire à l’issue de ce débat

    1/Les propositions issues du voisinage (par effet de proximité) de la rue de solférino
    font émerger des contentieux lourds très lourds à gauche

    2/La question du projet risquent bien d’être masquée demain par les débats liés à la candidature

    EN CONCLUSION LA PROPOSITION DU YETI me semble bonne

    Soit la proposition d’avancer ensemble pour un projet Ensemble (tous) pour un alternative réelle à la fusion idéologique (voire organique demain) droite - droite gauche

    REDCOOK

  • Salut Le Yéti

    Super convivial ton bistrot

    Ciao

    Le mystérieux Roberto.... ;-)