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CPE et après ? Voici une première réponse

Publie le lundi 27 mars 2006 par Open-Publishing
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Le néolibéralisme se rebiffe
par Akram Belkaïd (T.C du 27-03)

On ne compte plus les ouvrages publiés récemment qui traitent de la maladie du capitalisme, de ses travers ou de la nécessité de le repenser (1). Les scandales boursiers -comme la faillite frauduleuse du courtier américain Refco- mais aussi le mécontentement social qui traverse l’Europe, semblent ousser les grands argentiers du monde -et leurs serviteurs- à se pencher avec un oeil critique sur les dérives du libéralisme. Faut-il y croire ? Pas sûr. Jour après jour, des indices montrent que rien ne change vraiment et que le pseudo aggiornamento libéral n’est qu’une opération supplémentaire de communication où l’on trouve aussi des concepts tels que la « gestion sociale » ou la « responsabilité éthique ». De la poudre aux yeux destinée à tromper les opinions publiques tandis que l’objectif demeure le même : la création de valeur pour l’actionnaire dont une des incidences est l’érosion continue du modèle social européen.

Un exemple ? Moins de six mois après le non
franco-néerlandais au projet de Constitution européenne, une information en provenance de Bruxelles apporte des relents de provocation surprenants. Face à l’atonie de la croissance de la zone euro (1,2% en 2005 contre une prévision initiale de 1,6%), la Commission européenne se penche sur les effets que pourrait générer une baisse des salaires sur l’activité économique. Et selon ses premières conclusions, une baisse des salaires de 3,7 % dans la zone euro contribuerait à un point de croissance supplémentaire pour le PIB. Simple hypothèse de travail ? Pas à en croire Klaus Regling, directeur général en charge des Affaires économiques à la Commission. Selon lui, cette baisse serait un objectif que les pays membres de l’Union devraient se fixer de manière concrète (2). Le dossier pourrait même être évoqué lors d’un prochain Conseil des ministres européens des Finances. Cela étant, Bruxelles prend soin d’expliquer que ce « choc salarial » aura des effets positifs au bout de quelques années, le retour de la croissance permettant une nouvelle hausse des salaires. Voilà qui est rassurant...

Un autre exemple ? Il y a quelques jours, l’Organisation pour la coopération et le développement économique a publié un rapport où une remise en question de la notion d’âge obligatoire de départ en retraite est prônée. Selon l’OCDE, si rien n’est fait en Europe d’ici à 2050, on comptera un inactif pour chaque personne au travail. La solution ? Supprimer l’âge obligatoire de la retraite « incompatible », selon elle, avec les politiques qui visent à permettre aux « seniors » de rester dans le monde du travail. Voilà bien une préoccupation louable mais on aimerait être sûr que « la levée de l’âge obligatoire de la retraite » ne signifie pas « impossibilité de prendre sa retraite sans l’accord de l’employeur ». Ou, pire, qu’elle ne signifie pas « travail ad vitam aeter-nam ». La nuance est de taille. De même, on frémit à l’idée que pareille proposition soit récupérée par les courants xénophobes qui s’opposent au recours à l’immigration pour faire face au déclin démographique de l’Europe. Enfin, on aimerait plutôt que les pays européens mettent en place de vraies politiques pour protéger les emplois des plus de 50 ans plutôt que de réfléchir aux moyens de contraindre les salariés à repousser sans cesse le jour de leur départ à la retraite. •

1. « Lire Le capitalisme total » (Seuil), l’excellent essai de Jean Peyrelevade.
2. La Tribune, 7 octobre 2005.

Akram Belkaïd est journaliste à La Tribune. Il vient de publier « Un regard calme sur l’Algérie » (Seuil).

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