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La Knesset vote une loi discriminatoire

Publie le mardi 5 août 2003 par Open-Publishing

Journal l’Humanité
Rubrique International
Article paru dans l’édition du 4 août 2003.

Israël
La Knesset vote une loi discriminatoire

La Knesset a voté une loi empêchant les Palestiniens mariés à des Israéliens
d’obtenir la citoyenneté israélienne.
Jérusalem,
envoyé spécial.
Israël, qui vient d’annoncer que la première phase du mur visant à séparer
les Israéliens et les Palestiniens est maintenant terminée (selon la presse,
la deuxième phase devrait être achevée à la fin de l’année), a trouvé le
moyen de dresser une nouvelle barrière : la Knesset, le parlement, a
approuvé jeudi à une forte majorité en dernière lecture un projet de loi
empêchant les Palestiniens mariés à des Israéliens d’obtenir la citoyenneté
israélienne. La loi a été votée par 53 voix pour, 25 contre et une
abstention, à l’issue d’un débat houleux. Des députés arabes israéliens,
ainsi que du Hadash (communiste), du Parti travailliste et du Meretz (gauche
sioniste), ont qualifié cette loi, passée précédemment en première et
deuxième lectures, de " discriminatoire et raciste ". Le député du Hadash,
Ahmad Tibi, a dénoncé ce texte " inhumain ". La parlementaire Zeeva Galon a
déclaré à la tribune du parlement que " la Knesset va souiller son recueil
de lois par cette honte et cette injustice (...). C’est une loi raciste qui
porte atteinte aux droits de l’homme ". Elle a cité l’exemple de " deux
frères arabes israéliens de Nazareth dont l’un a épousé une Italienne, qui
pourra devenir israélienne, alors que la Palestinienne qui a épousé le
deuxième frère ne pourra pas, comme ses enfants, obtenir ce statut ".
Le ministre chargé de relations avec le parlement, Gidéon Ezra, a justifié
la nouvelle loi en expliquant à la radio publique israélienne que " trente
Israéliens ont été tués par des Palestiniens ayant obtenu par mariage la
citoyenneté israélienne. Le phénomène a pris des allures incontrôlables,
avec plus de 100 000 Palestiniens de Judée-Samarie [Cisjordanie- NDLR] et de
la bande de Gaza qui ont obtenu une carte d’identité israélienne depuis les
accords d’Oslo en 1993 ". Le chef du Shin Beth (service de sécurité
intérieure), Avi Dichter, a également plaidé en faveur de ce texte devant le
parlement en affirmant que le projet de loi était " vital pour la sécurité
d’Israël ". Le ministre de l’Intérieur Avraham Poraz, considéré comme un
libéral du parti centriste laïc Shinouï, gêné, a également approuvé la
nouvelle législation, mais a voulu se justifier. " J’aurais préféré qu’un
tel texte ne soit pas nécessaire, mais il y a des considérations de sécurité
dont il faut tenir compte ", a-t-il affirmé.

Jusqu’à présent, la loi prévoyait qu’un Palestinien qui épouse une
Israélienne, ou vice versa (qu’il s’agisse de juifs, de musulmans ou de
chrétiens), pouvait d’abord demander le statut de résident permanent. Ce
n’est qu’une fois ce statut obtenu que la citoyenneté israélienne pouvait
être réclamée, ainsi que tous les droits sociaux accordés aux Israéliens.
Dans la pratique, il en est tout autrement. Bien avant le vote de cette loi,
l’administration israélienne a toujours retardé les démarches. Ainsi,
contrairement à ce que l’on pourrait penser, le statut de résident permanent
était octroyé pour des durées limitées. La situation de Michel, trente-sept
ans, un chrétien palestinien de Jérusalem témoigne des multiples situations
qui existent, résultante de l’occupation. Michel est né en 1966, à
Jérusalem-Est. Un an plus tard, la ville était entièrement annexée par
Israël. Michel est devenu israélien en 1994. Il avoue honnêtement que " les
démarches n’ont pas été compliquées et j’ai eu la nationalité rapidement ".
Israël, qui veut faire reconnaître Jérusalem comme sa capitale, veut ainsi
montrer que tous les citoyens de Jérusalem sont des Israéliens. Mais en
1995, Michel se marie à Jérusalem avec Sarah, qui est née et vit à Bethléem.
Un simple laissez-passer est accordé à la jeune femme, dont la durée varie
arbitrairement. Tout dépend de l’administration militaire de Gush Ezion (un
centre militaire près de Bethléem). Une fois il est valable quatre mois
puis, au moment du renouvellement on lui accorde seulement un mois. " En
1998, ils nous ont assuré que cette fois était la bonne. Mais ils n’ont pas
tenu leur promesse ", explique Michel. Il se résout alors à faire appel à un
avocat pour plaider sa cause, et surtout celle de son épouse, devant la
cour. En 2002, après avoir dépensé 2 000 dollars, les époux obtiennent gain
de cause. Sarah est résidente permanente pour un an. Ils sont actuellement
en attente d’une prorogation ou, mais ils n’osent l’espérer, un statut
permanent de résident permanent ! Mais sans la nationalité israélienne,
Sarah ne peut sortir du pays. " La nationalité, on ne va même pas la
demander, on connaît déjà la réponse ", précise Michel. Le couple a deux
enfants, âgés de quatre et un an. Ils sont inscrits sur la carte d’identité
de Michel. Mais il ne sait pas quel sera leur statut à leur majorité.
L’avocate Orna Cohen, du Comité pour les droits de la minorité arabe en
Israël (Adalah), s’est élevée contre " cette punition collective ". Elle
s’étonne : " Vous avez un citoyen israélien qui est Arabe et vous ne lui
permettez pas de vivre avec son épouse ? Si ce n’est pas du racisme, alors
peut-être faut-il une nouvelle définition. ".
Pierre Barbancey.