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L’incertain bonheur doctrinal d’être perdant

Publie le mercredi 16 mai 2007 par Open-Publishing
4 commentaires

1. La dégelée

Pour une dégelée à gauche, c’est une dégelée ! Personne n’imaginait, n’avait imaginé possible, un an plus tôt, post anti-TCE post anti-CPE, qu’il puisse y avoir, qu’il y aurait, in fine en 2007, une victoire si éclatante de la bête droite en place. De Raffarin à Villepin, la messe avait été largement dite dans le mauvais, socialement comme économiquement, et les feuilles de route UMP se maintenaient sinistrement au massacre du social, flottant encore dans le pays (les "archaïsmes" comme disent les grands journaux), à quoi s’adjoignait le coup du déficit national interprété quotidiennement au cornet à piston. Bref, t’avais pas plus antipathiques qu’eux. Bref, c’est eux qui ont gagné.

2. Les analyses

Depuis le 6 mai, tout a été dit, parfois excellement, sur les raisons ou causes de ce fiasco. On a regardé à la loupe par divers biais le PS et ses antécédents, Ségo elle-même avec François en très perso jusque dans les draps (Cf. "La femme fatale") , regardé la sociologie de la France en général, regardé l’exiguïté numérique trop tard perçue de la gauche globale, regardé le mauvais vote particulier de ces tordus de vioques (Ah, salauds de vieux !). Il est vrai que la gauche de la gauche, qui morfle pourtant aussi très rudement dans cette affaire, ne s’est peut-être pas regardée encore tellement (D’ailleurs, parmi nous, certains te démontrent mathématiquement que Sarko a perdu et qu’il est minoritaire, oui ! alors tu vois c’est pas la peine !).

3. Concept exigeant +pragmatisme minus

A gauche de gauche donc (même un peu au PS), qu’a-t-on fait dès le départ et même après continument ?, on s’est demandé "Qui est de gauche ?", et on a fourni là-dessus un gros travail conceptuel : "c’est quoi finalement être de gauche ?". D’habitude on ne se pose jamais la question, la réponse va de soi mais là c’était pas le cas, on se l’est vachement posée : Deux fois. Avant le 1er tour : Ségolène ne serait-elle pas de droite ? Avant le 2e tour : Bayrou peut-il être de gauche ? On a douté de la première, qui était peut-être comme qui dirait un peu catho, tradi, 16ème, puis on s’est en maugréant ralliés, positionné le corps en fente, de moitié. On a gagné et perdu à moitié, pour commencer. Ca laissait une moitié d’espoir.

Pour Bayrou au deuxième tour, d’entrée y avait pas photo, il était de droite, lui qui avait des chevaux, donc quand même fallait pas perdre son âme. On a donc gardé l’âme hein ! et on a perdu résolument en entier l’élection. Un front républicain, qui eût été gagnant à tous les coups (on n’a pas dit un "front de gauche"), n’était pas imaginable cette fois-là : remettre à 2012 n’est guère envisageable non plus ; d’ailleurs sera-t-on encore jouable à ce moment-là et dans quelles conditions ? et Bayrou ? quid de Bayrou ? Sarko le trucide déjà.

4. Que faire donc et qu’espérer à présent ? si ce n’est la joie mélancolique d’être battu

Les gens qui y ont intérêt (dans la presse et les médias) te bassinent tout partout bien sûr sur la rénovation du PS et sa refondation qui redonnerait, à ce qu’on dit, du jus à tout le monde à gauche. S’il s’agit de mettre des quinquas à la place des septuagénaires qui encombrent chez eux, ouais, là tu peux rénover ! s’il s’agit de rendre le PS compatible avec l’économie de marché, je t’informe que c’est déjà fait depuis longtemps.

Finalement, il y a de la torture à penser à soi, quand on a été autant battu, excepté la joie peut-être d’y être arrivé par sa seule volonté.

5. Conclure : Au fait, c’est quoi être de gauche ? et qu’est-ce qui nous a déplu dans cette élection vue depuis l’Ocséna ?

Quand on regarde la (les) définition(s) de ce qui fait la gauche, il y en a sans doute autant que de courants de pensée.

La première définition (du plus faible intérêt) est la déf. topologique, celle des origines : tu trouveras en effet toujours -d’une manière ou d’une autre- un groupe à gauche d’un autre dans n’importe quelle assemblée, tu l’appelleras la gauche. Même à l’Assemblée de la Chine communiste, même dans une dictature fasciste, etc... Il y a toutefois une idée en plus qui fait que la gauche peut être occasionnellement identifiée, même étant assise à droite et même éparpillée, c’est l’idée en elle du mouvement, l’idée du mouvement comme progrès collectif.

Dans n’importe quelle démocratie, si on veut peaufiner, il faudra déjà appeler gauche premièrement ceux qui retiennent de la démocratie qu’elle est non seulement "du" peuple et "par" le peuple, mais également "pour" le peuple, c’est la dimension sociale. (La droite est aussi dit-elle pour le peuple mais indirectement, par le truchement de l’économie. C’est l’histoire en gros du gâteau. Les uns, à gauche, ont le souci de partager le gâteau, les autres disent qu’ils veulent d’abord l’augmenter au bénéfice de tous et qu’ils sont les meilleurs gestionnaires pour ce faire, ils disent aussi que c’est généreux).

Au dela, la gauche c’est encore, selon les engagements spécifiques de chacuns, être plus précisément contre le capitalisme, être contre l’économie de marché, contre le libéralisme, le néo-libéralisme, contre l’exploitation de l’homme par l’homme, contre la propriété privée des moyens de production, être de gauche rime encore communément avec marxisme, trotskisme, socialisme libertaire, anarchisme, etc. Pour coiffer ou prendre à la racine le jaillissement de ce qui est de gauche, tu as encore les deux options fondamentales qui s’opposent : évolution, révolution (Ainsi la gauche PS est sans doute devenue au fil des ans évolutionnaire, la gauche de gauche française à encore de fortes références révolutionnaires.)

Si le souci du peuple, la sociale, est la marque première du socialisme, il convient assurément te diront beaucoup de rajouter des dimensions nouvelles auxquelles on n’avait pas initialement pensé mais concernant intrinséquement l’homme.Les écolos et bovétistes peuvent de la sorte juger que tu n’es pas de gauche si tu n’es pas en conscience contre le réchauffement climatique, pour le bio et contre la purée d’OGM.

Dans cet ordre du plus, du toujours mieux, il faut probablement intégrer aujourd’hui aussi des préoccupations qu’on dira systèmiques, à savoir que ce qui dans le sytème est préjudiciable à la démocratie, à l’homme, doit être rectifié ou détruit, et que ce qui lui est profitable doit être préservé ou promu.

Pour en revenir à l’Ocséna, l’approche que nous voulons rapidement finir par exprimer en quelques mots ici dans le registre systémique, c’est que la bataille pour la présidentielle n’a été sensiblement convaincante pour nous ni sur le plan de l’architecture du système, ni sur le plan de sa vitesse de réaction et cicatrisation :

1° Il était essentiel pour le peuple que l’on entende résoudre économiquement en toute urgence les problèmes de l’emploi, du logement et du pouvoir d’achat (Celui qui est chômeur depuis 3 ans ne peut plus attendre un seul moment, idem celui qui n’est pas logé ou l’est mal : là-dessus, nous donnerons ultérieurement nos solutions ).

2° Il a été très choquant sur la question de l’Etat, alors même que les candidats prétendaient tout changer, que la question de l’ENA ait immédiatement été rejetée sans souffrir l’examen. Il est ultra-choquant que l’injustice éducative de l’enseignement supérieur notoirement à deux vitesses ait été masquée comme d’hab par les blablabla de l’excellence.

On a perdu, très connement, mais dans un monde de toute façon où rien de majeur n’était prévu : J’ignore encore en vérité si oui ou non ça nous console.

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Les pensées zaz de l’Ocséna

Ocsena, Organisation contre le système-ENA... (et pour la démocratie avancée)
 http://ocsena.ouvaton.org
 ocsena.org@wanadoo.fr

Messages

  • Définir la gauche de la droite est un traditionnel piège à cons, où se cachent bien des attrape-nigauds ....

    Cela a toujours été un moyen de glisser des affaires frelatées et bien des renoncements pour de grandes messes à genoux devant des options politiques qui n’allaient nulle part et certainement pas vers les interets des travailleurs.

    Car ces derniers interets sont une des deux seules boussoles qui nous restent l’autre étant la recherche d’une piste nous menant à une société autogestionnaire (extension de la démocratie dans les lieux de travail ).

    La gauche.... c’est un peu ce qu’on voit en ce moment se développer à belle échelle, les élections servant à faire fermer la gueule des poseurs de questions dans le PS, dans le PC, au nom du tout faire pour avoir de chers élus (chers et coûteux) .... Afin que nous allions, coeurs battants, au devant de nouvelles raclées.

    Détaillons : La gauche c’est quoi ? C’est comme un montage financier d’un grand groupe capitaliste :
    Vous avez 3% sur votre courant de gauche, mais vous vous alliez à un groupe qui fait 2%, ainsi, vous contrôlez 5%, ces 5% vous permettent de contrôler un groupe de 9%, qui permettent de contrôler un groupe de 17%, qui permettent de contrôler un groupe de 33%, puis un groupe de 47% (ou 53% si on veut).

    Tout au long du processus il faut essayer de faire fermer la gueule aux minoritaires, sinon tout explose, et surtout de les empêcher d’unir leurs "turpitudes"....

    Cette merveille permets, par exemple, de se retrouver avec 2 candidats rassemblant une écrasante majorité des votants alors que le soutien de ces deux garnements à une constitution anti-démocratique et ultra-libérale, au référendum de 2005, auraient dû les faire passer par la fenêtre.... Et surtout d’avoir des électeurs completement déboussolés... S’éparpillant sur Sarko, Royal ou dans l’abstention au 2eme tour, de se rendre compte que ce sont les gens qui sont sur des positions de "gauche" "anti-libérales", qui ont sauvé le soldat Royal au premier tour, et ont été chair à canon de la gauche au 2eme.

    Gauche-droite, il faut cesser les marches militaires.... (...)...

    Je ne fais pas un hommage là à la division, mais il faut se rendre compte que ce concept, + le système de soumission en place par une certaines conception caporalisatrice et électoraliste de la gauche populaire , tue toute possibilité de bloc majoritaire pour de réelles avancées sociales, et in fine, permet à la droite la + agressive de gagner.

    La gauche ultra-liberale (Jospin, Fabius, DSK , etc, et son dernier avatar Royal) par sa gestion concrete vous arrache un bras une fois au pouvoir, comme ça, face à une droite revenue, revancharde et agressive, vous n’avez plus qu’un membre pour vous défendre, etc..

    Là, une droite faillie, ayant sucité de grandes mobilisations de resistance, une droite qui a brûlé ces premiers ministres, ayant pris deux belles raclées electorales, se retrouve gagnante, grace à l’esprit de corps couillon du peuple de gauche qui s’est précipité pour soutenir celle qui semblait être la mieux placée.... plutôt que celles et ceux qui correspondaient le mieux à leurs interets et leurs opinions. Résultat : la baffe....

    Non ! Il ne faut pas tout faire pour avoir des députés de gauche qui seront de toute façon minoritaires. On doit se concentrer sur l’essentiel possible : Reconstruire une gauche qui a de l’allonge, indépendante, fidele aux interets des travailleurs. Et après on pourra toujours s’interroger sur réformisme ou révolution ou ce qu’on veut, et reconstruire des capacités de résistance des travailleurs (travailler à la réunification syndicale par exemple aiderait )...

    Mais la SA (société anonyme) La Gauche, basta !

    Copas

    • Remerciements à Copas pour son aimable intervention.

      L’Ocséna

    • Ocséna,

      J’ai réagi au thème de la définition de la gauche et en regardant le chemin écoulé (les dizaines d’années écoulées) mais ce n’était pas une critique de ton texte, par ailleurs très interessant.

      Je pense toutefois et finalement que c’est une impasse que de chercher des définitions à la gauche . Je ressens cela comme un mauvais point de départ, qui sucite bien des dérives et des tournages en rond, et finalement je ne pense pas que cela soit un thème fécond, sinon, justement, dans sa critique .

      Donc mes excuses pour ma férocité sur le thème mais ce n’était pas une critique de ton texte.

      Copas

    • Tout excusé, Copas. D’ailleurs "l’approche doctrinale" (définition formelle, préétablie, de la gauche) était, comme tu l’as vu, une demi-critique que nous nous adressions évidemment à nous même, la gauche.

      Je vois d’ailleurs que plusieurs interventions depuis vont dans le sens d’une interrogation similaire qu’on peut résumer ainsi : qu’est-ce qui dans cet échec électoral a merdé dans nos têtes à tous ?

      Amitiés

      L’Ocs