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Du multipartisme au "parti unique"

Publie le lundi 25 juin 2007 par Open-Publishing

de Mohamed Belaali

« Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser » écrivait Montesquieu en 1748 dans « De l’Esprit des lois ». Pour éviter cet « abus », il faut que « le pouvoir arrête le pouvoir ». Les pouvoirs doivent donc être séparés. De ce point de vue Montesquieu reste le penseur de la pluralité politique. Que reste-t-il aujourd’hui de ce pluralisme et plus particulièrement du multipartisme ? Les partis politiques sont censés réguler le jeu démocratique et constituent de ce fait un rempart contre d’éventuels « abus » de pouvoir dont parlait Montesquieu. Or force est de constater que le bipartisme existe, si non de droit, du moins de fait dans de nombreux pays.

Aux Etats-Unis le jeu politique se focalise sur seulement deux partis. Qui se souvient du quatrième candidat aux élections présidentielles américaine de 2004 (David Cobb) et à fortiori du quatorzième (John Parker) ? Et il ne s’agit là que des candidats présentés par des partis. D’autres, se sont présentés à titre individuel (33 exactement). La vie politique américaine est donc dominée par le parti républicain et le parti démocrate.

La scène politique britannique produit, dans des conditions différentes, un spectacle similaire joué par deux acteurs principaux, les travaillistes et les conservateurs nonobstant l’existence de nombreux partis qui vont de l’extrême gauche ( le Socialist Workers Party par exemple) à l’extrême droite ( le British National Party). Là encore deux partis se partagent la réalité du pouvoir politique.

En Allemagne les sociaux-démocrates du SPD et les chrétiens-démocrates de CDU/CSU se succèdent au pouvoir depuis la deuxième guerre mondiale du moins dans sa partie occidentale. Il faut souligner, toutefois, le rôle important joué par le parti des Verts et depuis 2005 celui du Linkspartei (parti de gauche). L’avenir seul nous dira si ce dernier parti sera capable de briser cette alternance SPD/CDU-CSU obtenue avec l’aide des Verts et du parti libéral.

L’Espagne, en dépit d’une configuration politique complexe marquée par l’opposition régionale/nationale connaît, elle aussi, un bipartisme dominé par le Parti Populaire (PP) et le Pari Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) qui se partagent le pouvoir depuis les élections générales de 1989.
Le cas de la France est un peu particulier. Quelques tendances de fond se dégagent néanmoins si l’on considère uniquement les résultats des élections présidentielles et législatives de 2007.

Le scrutin du 17 juin montre nettement une bipolarisation de la vie politique au profit de l’UMP et du PS puisque ces deux partis, à eux seuls, totalisent plus de 90% des sièges de la nouvelle assemblée ! Ce bipartisme a été déjà consacré par les résultats du 22 avril et du 6 mai 2007. Avant, les majorités de gouvernement se construisaient par alliances à gauche comme à droite (Union de la gauche d’un côté, le centre et la droite de l’autre). Il faut peut être compter maintenant avec deux partis l’UMP et le PS. Ce dernier est condamné à évoluer et à se transformer à l’instar du parti travailliste britannique (New Labour) ou du SPD allemand.

On est à mille lieux du pluralisme de Montesquieu. Il s’agit plutôt d’une concentration de pouvoirs économiques, politiques et médiatiques entre les mains non pas d’un individu ou même de deux partis mais d’une classe sociale. Si l’on regarde de plus près, non pas leurs discours mais leurs actes, on constate, malgré des nuances voire parfois des différences, que ces deux partis servent en dernière analyse les intérêts de la classe dominante. On peut se demander s’il ne s’agit pas là d’une certaine forme de parti unique. La bourgeoisie a tout intérêt à stabiliser le jeu politique à l’aide de ce balancier.

Le bipartisme permet également une redistribution des richesses qui va, pour simplifier au maximum, des plus pauvres aux plus riches : baisse des dépenses sociales d’éducation, de santé, suppression progressive des services publics, atteinte au droit de grève, privatisation, baisse de l’impôt pour les classes aisées etc. etc. Il faut souligner que ces mesures sont prises indifféremment par l’un ou l’autre parti au pouvoir. Concernant la politique étrangère, il devient de plus en plus difficile de trouver des différences, non pas de degré mais d’essence, tellement leurs positions se ressemblent (le cas de B. Kouchner est significatif à cet égard).

Mais l’alternance peut aussi entraîner une certaine lassitude des classes populaires qui constatent, ébahies, que leur situation matérielle ne s’améliore guère malgré la multiplication d’élections en tout genre. Lorsqu’ elles sont tentées de ne pas jouer le jeu en rechignant à aller voter par exemple ou en descendant massivement dans la rue, on mobilise contre elles les médias, les instituts de sondage, les « experts » et certains intellectuels pour les culpabiliser et pour les ramener, de gré ou de force, à la « raison ».