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La pensée française devient-elle floue et brownienne ? (zaz)

Publie le mercredi 27 juin 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

1. Introductif. Ca s’arrange pas à l’étranger dans les méninges, mais c’est peut-être pire chez les Français

1.1 Chocs impromptus dans la réalité pensée

J’entre dans une ambassade amie.
 Que voulez-vous ? me demande l’accorte dame dans un parisien impec appris chez elle à 3000 mètres en moyenne.
 Un visa touristique de 15 jours, du 2 au 18 août, pour votre beau et accueillant pays.
 Malheureusement, je le crains fort, ce ne sera pas possible.
 Allons bon ! et pourquoi ?
 Parce que du 2 au 18 ça représente déjà 17 jours (NB : Ce qui me paraît d’un cartésianisme incontournable, j’admire !)
 On fait quoi dans ces cas-là ?
 On prend un mois, mais c’est plus cher.
 Bah ne lésinons pas, je prends donc le visa d’un mois, de 10 euros taxé plus lourd.
 Parfait, monsieur ! Vous noterez toutefois que dans ces conditions vous devrez rester un mois complet.
 I beg you pardon !?

Sans avoir pleinement résolu le précédent et délicat problème, pensif, je me retrouve dans le métro. J’y télescope d’entrée deux amies étrangères arrivées de la veille.
 Vous partez pour où, les filles ? et avec l’intention de visiter quoi ?
 Nous n’allons nulle part, nous visitons le métro.
 Pardon !?
 Oui, Ijrina est tellement impatiente de "LE" connaître.
 Mais c’est celui de Moscou qu’on visite, ses marbres, ses quasi-palais. Il y aurait donc un intérêt pour celui de Paris ?
 Oh oui ! tout à fait ! il est si typique, so lovely, si merveilleusement cradingue.
 Derechef, en moins d’une demi-heure, j’accuse un autre gros coup. Si ce n’était la due courtoisie, je dirais à voix très haute "Elles sont marteaux aussi, ces nanas tchèques !".

Sur le champ, j’appelle Gégé, un gros bonnet de la RATP.
 C’est quoi Gégé, ce gros bordel et pourquoi qu’il est cradingue et qui’ schlingue ton patain de métropolitain ?
 Ne m’en parle pas, c’est un vrai souci. Je pense qu’il y a une carence technologique d’une part, doublée d’un manque de moyens d’autre part. Avec trois balais plastique plus une seule serpillière pour les deux quais, excuse-moi, je peux pas faire mieux ! De toute façon tu sais qu’il y a bien pire : la forte densité dans l’air en particules métalliques.

Mes amies me quittent, moi, mon air accablé et mes protestations. Compatissantes, hum ! elles disent :
 Vous êtes tellement choux, les Français ! (Peut-être qu’elles ont dit fous ou flous, en vérité. Je sens qu’il n’y a pas qu’avec Bordeau-Chesnel et ses rillettes qu’on découvre un gap des valeurs avec le reste du monde).

Avec les étrangers, c’est eux ou c’est nous ! A moins qu’il faille à plus ample informé voir les chose autrement.

1.2 C’est quoi une pensée rationnelle, au fait ?

Une pensée rationnelle est une pensée cohérente mettant en jeu certaines catégories de l’esprit supposément partagées par tous selon certaines règles tenues pour validement logiques.

Une pensée rationnelle prétend en outre, c’est un minimum attendu, vouloir atteindre une vérité, sinon franchement elle ne servirait trop à rien.

Cette vérité doit être univoque pour un registre donné (c’est à dire pas multiple de sens, et pas ostensiblement contradictoire dans l’espace où tu causes) : dans l’arithmétique des enfants du CM2, les trains doivent inexorablement se croiser à une même heure sur le papier ou dans les têtes blondes.

Evidemment, peu de gens savent, c’est le hic, que d’un registre à l’autre, la vérité peut changer du tout au tout, qu’il y a justement, pour compliquer, des registres extrêmement divers entre lesquels on peut à tout instant par inadvertance (ou même par advertance) allégrement glisser. S’il n’y avait ça, tu penses ! si tordus soit-on, on serait toujours finalement d’accord.

A ce point de ma réflexion j’ouvre la revue de presse hebdomadaire que les copains-copines ont préparé pour nous. Waoooo ! Ach so !

2. Dans l’actualité : La pensée collective française deviendrait-elle floue en même temps que brownienne ?

2.1 La liste de Shangaï et l’Université française (Starring : Le Figaro, Sarko, Pécresse et Bartolone)

"La liste de Shangaï", précisément celle de l’Université Jiao Tong de là-bas, classe les universités de chacun des hémisphères selon des critères précis, et remporte chaque année un gros succès dans la presse de France laquelle adore ce genre de classements. Cette année, le résultat est certes un poil meilleur pour nous, mais ce qui fait la motivation du Figaro, c’est que globalement et par chance, il est en gros toujours aussi mauvais. Or il est majeur pour le Figaro et pour d’autres que l’Université française soit mauvaise et les Grandes écoles bonnes. Aucun argument que vous pourriez sortir contre Jiao Tong ne sera donc entendu, sauf cette proposition que, puisqu’ils sont si doués, il faudrait leur filer le Gault et Millau et le classement des vins de Bordeaux.

Donc l’université française, on s’en occupe gouvernementalement au plus haut niveau, et il n’est de jour sans qu’une chaîne de télé indépendante du pouvoir ne vous montre abondamment tous les tags qui la dégueulassent et la rendent crado, exactement comme pour le métro tout à l’heure. A première vue on veut la rendre propre c’est un bon sentiment. On veut "l’améliorer" c’est pour beaucoup plus inquiétant.

Sarko lui-même vous l’a dit : comment un président d’université peut-il gérer un conseil d’administration où il y a 60 administrateurs, surtout des étudiants. Registres, registres, tu vois, que vous êtes glissants ! : L’argument est certes sérieux en termes gestionnaires, il étonne en termes démocratiques dans la bouche d’un président de la République qui a mobilisé pour son élection 45 millions de Français. Mais basta !

On parle désormais de 12 membres au Conseil d’administration, mais dans le respect du modèle français, hein ! dit Pécresse, c’est à dire sans sélection, sans augmentation des droits de scolarité. Avec autonomie à la carte. Tout cela, bien informés, vous le savez déjà vous l’avez lu dans les gratuits.

Bon ! Bartolone qui a du talent écrivait dans le Parisien ce dimanche 24 juin, que "le monde universitaire ne pourra accepter un projet qui entraînerait des inégalités entre les universités : les favorisés d’un côté les délaissés de l’autre."

L’avis de l’Ocséna est le suivant : Le "monde universitaire" résistera, possiblement, les "universitaires" pas du tout. Ceux-là rêvent en effet d’un monde dit "d’excellence", lequel monde d’excellence, se fabrique sans secret ni mystère avec de la sélection draconienne et un afflux très massif de pognon. Ce n’est d’ailleurs sans doute point tout à fait un hasard si Bernard Laporte sélectionneur du Quinze de France entre dans le gouvernement à la rentrée prochaine.

Les universitaires français rêvent en vérité sans l’exprimer d’une université française qui serait exactement américaine, nos ancêtres gaulois couraient déjà après l’université de leur temps qui était romaine, on les appela galop-romains à cause de leur empressement.

L’équivoque entretenue est ici dans le discours qui appelle démocratique ce qui se situe en fait dans un autre registre, celui du rendement et de l’efficacité supposées. On sait où va l’université française, son destin est scellé et tout le monde le sait. Il y a de la galéjade dans la Une du Monde d’aujourd’hui "Universités : Sarkozy temporise".

2.2 La police

Je trouve dans ma revue de presse un épisode marseillais douloureux, sur lequel par décence il ne va pas falloir pour le moment trop rentrer, il s’agit de la mort d’un jeune homme causée par une voiture de police (D’ailleurs MAM, toujours présente sur les bons plans intelligents propose de faire donner des stages de conduite aux keufs qui justement conduisent) . La police qui triomphe déjà dans les concours de pimpoms municipaux va t-elle définitivement réussir comme la police de la route dans le gymkhana normal ? Nulle part il est vrai la police des villes comme celle des champs ne respecte le code de la route, mais c’est qu’elle en est légitimement dispensée par la loi parce ses performances en seraient contrariées.

De toute façon il n’est pas indispensable, soyons francs, d’avoir de la police pour se faire mal sur les routes. Chacun sait oeuvrer par ses propres capacités : Voyez ce couple d’adolescents faisant l’amour la nuit qui s’est fait écraser par un 4X4 civil sur un chemin vicinal passant à travers blés.

2.3 Ségolène Royal et le SMIC

Pas possible actuellement de parler de la tournure des choses dans ce pays sans évoquer Ségolène Royal. De toute façon, on a de la matière sur elle dans toutes les pages des journaux. Elle se marie virtuellement en 2006 (le demande, le souhaite), en juin 2007 elle balance François qu’a quelque peu ergoté. Elle soutient le SMIC à 1500 euros puis l’évapore y a une semaine en exprimant que c’était une connerie à laquelle le parti l’avait contrainte.
 Elle serait pas un peu brownienne, ta Ségolène ?
 Pas du tout, me répond un de ses supporters armé d’un très blindé argumentaire. Primo, le SMIC à 1500 était une hérésie économique, ce qui compte vraiment c’est le pouvoir d’achat.
 Ah !
 Deuxio, mettre tant de gens (17% de la population active) à 1500 euros, c’est vexatoire pour ceux qui, les gagnant déjà, deviennent smicards à leur corps défendant. C’est une turpitude qui leur serait porté au bas du dos.
 Oh !
 Tertio. Enfin, si Ségo est tout de même un peu brownienne, c’est qu’il lui faudra bien cela, pour sonner et mettre au pas les caciques du parti. Ségolène est une femme obstiné, courageuse, ils la descends de croix où ils l’ont mise, elle y remonte pour les faire chier.
 Ben ouais, tu vois, on connaît même pas le nom de son amant !

3. Conclusion, si tant qu’il y ait une conclusion en ces domaines

Flous, glissant entre registres, browniens, non, il n’y a pas qu’elle, Ségolène ! Y a pas que la police non plus, les universitaires, les amours malchanceuses et mes trois belles étrangères. De ce bois -équivoques, incertains, cafouilleux et bougeants- sont aussi juges, journalistes, d’autres encore, avocats (l’un ce matin fait convoquer Sarko), députés, créateurs de valeur, comme on dit aujourd’hui, pour les chefs d’entreprises. On en oublie.

Oui tout ce monde, nous-mêmes, sommes flous nouvellement (Toute notre société en vérité, et pas la française seulement ! )

Mais que se passe-t-il, bon dieu que se passe-t-il ? qu’on n’a pas encore en clair collectivement compris ?

Tu te rappelles Hegel et ses ruses de l’Histoire : Tout ce qui est rationnel est réel. Tout ce qui est réel est rationnel, même ce qui transitoirement surtout n’en a pas l’air.

Il se passe seulement que la démocratie mute en douce de partout et que cette mutation passe dans le pays (idem dans plein d’autres) par une période de fièvre agitée extrêmement paradoxale : nos yeux la touchent mais tardent à reconnaître la chose :
* La démocratie moderne n’est plus le bête pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple,
* la démocratie moderne, (ça prend du temps à le dire parce qu’on n’ose pas encore simplement vous l’avouer), se définit exactement comme "la gestion rationnelle organisée".

 Mais ça devient quoi alors la démocratie du citoyen ?
 Réponse : le tri sélectif volontaire des ordures ménagères. Crois-moi c’est déjà pas mal.
 C’est la fin de la démocratie ! tu sais que c’est terrible ce que tu nous dit !
 Si terrible que ce soit (j’emprunte à un autre qui l’a fait la semaine dernière dans d’autres conditions), pour ce qu’on en faisait, ce sera de toute façon moins terrible que la mort de son petit chat.

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Les pensées zaz de l’Ocséna

Ocsena, Organisation contre le système-ENA... (et pour la démocratie avancée)
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