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Repentance et corrida : l’horreur d’une barbarie festive

Publie le samedi 19 janvier 2008 par Open-Publishing
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Après avoir voué toute sa vie à la corrida et avoir tué plus de 500 taureaux au cours de sa carrière, Chiquilín, alias Rafael Jiménez González, torero de Cordoue, est en plein repentir et parle de l’amour dont peuvent témoigner nos amis « les bêtes ».

« Désormais, je ne puis supporter d’assister à une mise à mort, les animaux ressentent la douleur et souffrent comme nous, les taureaux nous regardent comme avec un air de gentillesse. Maintenant j’ai pitié d’eux et je ne serai plus capable de tuer un taureau. Il m’en a coûté de porter mes dernières estocades quand j’ai compris la bonté de l’animal. Une fois, un taureau qui me tenait au sol, me regarda puis m’épargna. J’ai vu des taureaux pleurer. C’est une chienne que j’ai depuis huit ans et qui m’a incité à un nouveau regard vis-à-vis des animaux. Avant, j’allais à la chasse très souvent, mais maintenant je suis incapable de tuer une mouche. L’autre jour, un grillon m’a empêché de dormir une partie de la nuit, jusqu’à ce que je me lève et le découvre dans un pot de fleur. Je l’ai observé et je l’ai sorti. Il s’est passé quelque chose de très curieux dans mon rapport avec tous les animaux. » (D’après un article dans le journal espagnol ABC du 28 octobre 2007)

La tauromachie : une barbarie festive

«  Il m’a toujours semblé que lorsque le taureau était tué, une part même d’humanité périssait avec l’animal.  » Angelo Rinaldi

La puissance du taureau a toujours fasciné l’homme et bien des cultures ont sublimé le sacrifice du noble animal, mi-bœuf, mi-fauve, selon des rites collectifs ou initiatiques. Transfuge contemporain des jeux du cirque, la corrida moderne doit ses fondements aux divertissements taurins médiévaux, organisés pour divertir la noblesse espagnole. Bien qu’en appelant à des critères strictement païens, cette boucherie sanguinaire fait bon ménage avec le christianisme affiché par l’Espagne la plus conservatrice.

De nos jours, on compte un torero tué pour 33 000 taureaux.

Le risque de périr dans l’arène est donc quasiment nul pour le bourreau. À titre d’exemple comparatif, l’éventualité pour un patient de succomber à une anesthésie générale est de 1 pour 8000… Le taureau, quant à lui, n’a aucune chance, c’est clair. En Espagne, un cachet de 200 000 euros n’est pas exceptionnel pour un torero de renom. Depuis le XVIIIe siècle, et pour des millions taureaux mis à mort, les chiffres de la nécrologie tauromachique ne révèlent que 55 matadors, 111 novilleros, 59 picadors et 120 bandilleros tués dans l’arène. Quant au cheval, compagnon d’infortune du taureau, le caparaçon ne protégeant pas l’abdomen, il fini souvent éventré. Les yeux bandés, entre un mors sévère et des éperons acérés, la plus belle « conquête » de l’homme (l’expression révèle l’état d’esprit !) supporte un purgatoire. Ces chiffres tant disparates sont expliqués tant par le formatage des animaux, que par le panel de manigances qui président au combat.

Vierge de toute intervention dans son patrimoine génétique, le taureau sauvage pèse plus de 600 kg et sa puissance le rend inabordable. Dès la fin du XIXe siècle, des élevages spécialisés parviennent à produire une race plus inoffensive et ne pesant que 400 kg. L’apprentissage au combat consiste à faire endurer au jeune animal une série de tests sélectifs et souvent cruels. Les taureaux « recalés » deviendront souffre-douleur pour l’entraînement des candidats matadors, ou prendront le chemin des fêtes populaires barbares. Les plus dignes subiront la préparation cosmétique susceptible d’épargner les hommes qui feront semblant de les affronter. Tout d’abord, le rite de l’afeitado qui veut que l’on scie 5 à 10 cm de corne.

La mutilation qui dure une demi-heure consiste à repousser la matière innervée (telle celle d’une dent) vers sa racine et à reconstituer la pointe en résine synthétique qui sera poncée, puis vernie. Les sabots sont limés et incisés afin d’y encastrer entre les onglons des coins de bois. Le « grand jour » du combat arrivé, les yeux du taureau sont enduits de vaseline afin de lui faire perdre le sens de l’orientation, puis on lui administre tranquillisants, paralysants et hypnotisants. La brûlure causée par l’essence de térébenthine dont on enduit ses pattes fait qu’il n’aura de cesse de s’agiter. Des aiguilles dans les testicules l’empêcheront de se coucher, du coton au fond des narines lui rendra la respiration pénible, on lui inflige des coups de planche sur l’échine et les reins, plusieurs dizaines de fois on lui bombarde les reins de sacs de sable de 100 kg. Le reste n’est plus que l’épouvantable torture qui pendant vingt minutes va mettre en émoi les pires instincts d’un public aussi fat que de mauvaise éducation.

La fanfare fait retentir son minable paso doble, la cuadrilla des « poupées aux costumes de papier » (Francis Cabrel) fait crânement son entrée dans les arènes, « Un peu de sable du soleil et des planches / Un peu de sang pour faire un peu de boue. » (Jacques Brel), le spectacle affligeant peut commencer ! Le protocole est quasiment toujours le même : les peones affolent, essoufflent et fatiguent l’animal. Les deux picadors le lardent de leurs longues piques plantées entre les quatrième et septième vertèbres dorsales, afin de toucher les muscles du cou, puis entre les quatrième et sixième vertèbres cervicales pour sectionner les ligaments de la nuque. Chaque pique pénètre à 15 cm jusqu’à huit fois de suite. C’est un travail d’artiste-boucher…

L’animal gardant la tête baissée donne une impression de bravoure et les spectateurs l’imaginent prêt à charger, alors qu’il est déjà à moitié décapité. Arrivent ces harpons de 5 cm que sont les banderilles. L’objectif est de laisser le sang s’évacuer et d’empêcher une hémorragie interne mettant une fin précoce au « beau » spectacle. Quand les trois paires de banderilles sont plantées et que le bain de sang est à son comble, arrive le tercio, le dernier acte, celui de la mort du loyal animal. Une faena de muleta habile et raffinée annonce la mort prochaine. Avec des poses efféminées que l’Église réprouve (!), le matador porte l’estocade. Le premier coup est la plupart du temps raté et l’épée mal plantée dans le garrot ne fait que transpercer un poumon ou ressort par les flancs. Les taureaux peuvent recevoir jusqu’à dix coups d’épées avant de « mordre la poussière ». Un peon lui assénera le coup de grâce, un poignard planté dans la nuque sectionnant la moelle épinière. Encore secoué de spasmes, le corps du taureau est tiré par un attelage, précédé d’un tour de piste en cas de corrida « réussie ». Sous une pluie de fleurs, la « danseuse » exhibe fièrement les oreilles et la queue coupées. En transes, le public d’aficionados est en complet délire. Le raffinement de l’ « humanerie » est à son apogée. Six taureaux se succèdent ainsi lors de chaque lidia (corrida). « Ah ! / Est-ce qu’en tombant à terre / Les toros rêvent d’un enfer / Où brûleraient hommes et toreros défunts ? » (Jacques Brel).


Les corridas en Espagne, au Portugal et en France

Dans les années 1960, il y avait en Espagne 400 corridas par an. Leur nombre actuel évolue autour de 1 600 ! Ceux qui pensaient qu’il s’agissait d’un spectacle franquiste, à savoir instrumentalisé par le dictateur pour amuser les foules frustrées, ont eu tout faux. La barbarie la plus primitive triomphe encore dans la jeune démocratie et les citoyens libres d’aujourd’hui n’ont rien gagné en dignité et en conscience par rapport aux sujets opprimés d’hier. Mais il est rapporté qu’aujourd’hui seul un quart de la population espagnole resterait fidèle à l’innommable fête.

La majorité des Ministres du gouvernement Zapatero serait disposée à édulcorer la « fête nationale » en interdisant la mise à mort par estocade en public. L’Espagne suivrait alors l’exemple du Portugal où, au terme de la corrida, le taureau est tué hors plaza. On baisse d’un cran dans l’horreur. Le combat du gouvernement socialiste en faveur du statut des animaux, depuis si longtemps persécutés dans ce pays, s’est déjà illustré par l’adhésion, non transformée, au projet Grands singes, par la prohibition des combats de coqs et de chiens, par le durcissement des peines de prison à l’encontre des bourreaux d’animaux. La tradition taurine n’est pas partout dans la Péninsule aussi bien ancrée : Barcelone s’est autoproclamée ville antitaurine depuis 2004. Mais les Catalans sont-ils Espagnols ? Moins que les Nîmois, semble t-il !

La France ne compte guère plus de 5 000 énergumènes amateurs de corrida, essentiellement dans les villes dites taurines du Sud-Ouest, là où, selon Claude Nougaro, l’Espagne « pousse un peu sa corne ». Bien qu’interdite par la Loi Grammont depuis 1850, pour combler le déficit de ses activités coupables, la filière « tauro-machiste » profiterait indûment des subventions agricoles européennes à destination des bovins mâles et des vaches allaitantes. Les élevages français de taureaux destinés aux corridas présentant l’avantage de ne pas être identifiés comme tels, l’estimation des subventions ainsi « détournées » n’est pas facile à calculer. Selon l’Anti Bullfighting Committee Belgium, elle atteindrait 2 millions d’euros.

L’abandon et les tortures chez les chiens de chasse

L’indignation légitime contre la corrida espagnole ne doit pas servir à cacher d’autres pratiques et traditions qui ne sont pas davantage à l’honneur d’un État de notre communauté. Un secteur traditionnel de chasseurs espagnols, les galgueros, pratique la chasse avec lévriers. D’autres lévriers courent dans des épreuves non officielles avec des paris engagés. Après ses jeunes années (deux-trois ans), le galgo cesse d’être « utile » et en aucun cas les propriétaires n’envisagent d’assurer à leur compagnon une retraite heureuse. Qui plus est lorsque le brave chien a « déshonoré son maître » par son inaptitude à courser le lièvre ou par un mauvais score lors des compétitions. Nous sommes au pays de l’honneur ! Absolument dépréciés en Espagne, nullement considérés comme chiens de compagnie, les lévriers sont relégués au rang de matériel jetable, ils sont bons à éliminer quand jugés... en fin de course. Même les refuges ne peuvent les proposer à l’adoption et s’ils les recueillent, c’est en qualité d’anti-chambre de la mort. Alors, les « utilisateurs » de galgos les fusillent, les brûlent, les mutilent avant de s’en débarrasser sur une décharge, les pendent, les balancent dans des puits ou les abandonnent massivement (10 000 abandons annuels). Il est difficile de comprendre que l’on puisse abandonner son chien, mais qu’on lui impose des tortures raffinées et des sévices sadiques auparavant relève alors d’une psychopathie collective, pour ne pas dire toute nationale. Et pourtant, d’innombrables lévriers sont retrouvés éborgnés, pendus les pattes frôlant à peine le sol afin que la mort tarde, ou agonisant sur des bords d’autoroutes avec une patte volontairement brisée. Telle est, en Espagne, la mort cauchemardesque des lévriers, ces non-chiens dont la courte vie peuplée de brutalités « inhumaines » aura été un pénible purgatoire. Ici, d’étranges hommes ont promulgué l’apartheid dans le monde canin.

Michel Tarrier

http://www.notre-planete.info/actualites/lireactus.php?id=1504

http://internationalnews.over-blog.com/article-15598819.html

Portfolio

Messages

  • Les corridas, comme les matches de foot, de rugby, les combats de chiens,de coqs ou autres -aux Antilles contre une mangouste et le serpent tueur des bananerais -ou comme le star-system ne s’acomplissent qu’avec la volonté express des dominants qui pressentent bien l’urgente nécessité de la permanence des strates inférieures de l’humanité pour assurer la permanence de leur domination. Autrement dit : le brave populo applaudit les pires frasques de la minorité qui l’aliène. Jesse

    • Jesse

      "le brave populo applaudit les pires frasques de la minorité qui l’aliène".
      dites-vous.

      Si j’en crois le texte que nous commentons :

      1)- "Aujourd’hui, seul 1/4 de la population espagnole resterait fidèle à l’innommable fête" tandis que "Barcelone se déclare depuis 2004 Ville antitaurine"

      2)-"La France ne compte guère plus de 5000 énergumènes amateurs de corridas, essentiellement dans les villes dites taurines du Sud-Ouest."

      Cela me paraît plutôt positif et tend à tempérer fort agréablement l’idée un peu trop généralisante et pessimiste de la grande masse du "populo" irrémédiablement voué par nature à l’abrutissement imposé par la "minorité qui l’aliène".

      Ne nous laissons pas avoir par les apparences, le changement de mentalités fait son chemin, et gardons en tête les paroles de repentir du toréador à la retraite qui devrait en faire réfléchir plus d’un, tout comme le descriptif assez insupportable de la préparation du toro. Je suis sûre que beaucoup d’amateurs de corridas et de spectateurs vacanciers occasionnels ne connaissent pas ces détails, sinon il y en aurait encore moins.

      Cependant, le vrai souci, c’est que ce manque de sensibilité, cette cruauté épouvantable s’appliquent dans tous les rouages et domaines de la société par "la minorité possédante et aliènante" à travers ses lois et règles de vie et ses valets et kapos exécutants :

       dans les prisons (voir l’article poignant de la Louve) où les plus grands escrocs et criminels sociaux ne sont pas et où on s’acharne à pousser ceux qui sont plutôt des victimes de cet ordre inhumain au pétage de plomb pour justifier des traitements indignes du genre humain.

       dans les entreprises qui licencient sans état d’âme à tour de bras, et où les pressions au rendement et harcèlements divers poussent de plus en plus les salariés au suicide,

       dans l’éducation nationale aux classes surchargées, aux programmes assujéties aux besoins spoliateurs des entreprises qui veulent des travailleurs à leur merci

       dans les hôpitaux où l’accès aux soins pour tous est de plus en plus compromis du fait de la marchandisation de la santé, et avec un manque chronique de personnel et de lits

       sans parler de la crise du logement (hors de prix) et des immigrés

      etc, etc,

      Changer de mentalité, c’est réfléchir à tout ça en même temps, et pas l’Homme plus que les animaux ou l’inverse, car tout se tient, et tout dépend du choix de société que nous faisons ou que par paresse de comprendre, peur ou résignation nous nous laissons imposer par cette minorité aliènante dont tu parles.

      Il faudra bien, sous peine de devenir des zombis décervelés s’en libérer en France comme ailleurs pour nous et nos enfants et au delà.

      Et quand je lis sur l’humanité les compte rendu de luttes dans toutes les professions y compris artistiques et intellectuelles je me dis que malgrè certaines apparences on n’en est pas loin.

      A nous de donner des perspectives pour rassembler, et d’être à l’écoute de tous ceux qui souffrent (dont nous faisons partie.)

      Maguy

    • Jesse tu mélange tout, dans le foot et le rugby il n’y a pas que le fric
      et l’aliénation il y à aussi le plaisir de jouer au ballon pour la large
      majorité des pratiquants et contrairement à la corida on n’exécute pas
      encore le perdant. D’un côté des assassins de l’autre des gens qui
      s’amuse après un semaine de boulot.JP