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Che Guevara : l’homme intégral

Publie le mardi 29 janvier 2008 par Open-Publishing
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Un être politique du rang du Che, estampillé idéologiquement, inspire tantôt la ferveur tantôt la fureur selon les valeurs et les présupposés philosophiques de chacun. Pour rendre compte de la réalité et de la complexité d’Ernesto Che Guevara, il faut dépasser non seulement ses préjugés mais aussi le phénomène mythique. Un mythe est en effet construit sur un ensemble de faits avérés ou non, des récits dont la réalité historique importe peu. Si on prend le Che au sérieux, il préférable de rendre corps à son esprit révolutionnaire, de l’humaniser. L’idéalisation engendre facilement la schématisation et aboutit à étouffer la sonorité intérieure de l’être. Le Che était un penseur en action et donc en constante mutation. La théorie et la pratique étaient en fécondation réciproque conformément à la praxis révolutionnaire. Le marxisme est à la fois une analyse socio-critique pluridisciplinaire mais aussi une pratique de transformation du monde. Le rôle d’un révolutionnaire est de faire la Révolution disait le Che. Ce truisme apparent est un mot d’ordre anti-déterministe qui critique la position attentiste des partis communistes orthodoxes. Il avançait en formulant des interrogations. Là où il y a des hommes, il y a des imperfections et ni les jeunes dirigeants révolutionnaires ni la jeune révolution cubaine n’en étaient exemptes. Cela dit, le Che était disposé à éprouver ses vérités face à ses détracteurs et face aux faits. Il a d’ailleurs animé de vives controverses avec des conseillers et d’autres dirigeants de la Révolution cubaine sur les modes de gestion politique et économique les plus appropriés. La vérité ne doit s’imposer que par la force de l’argument pour ne pas entraver le libre développement de l’intelligence disait-il.

L’éthique et la violence révolutionnaire :

A l’occasion des 40 ans de sa mort, surgissent de part et d’autres des campagnes de dénigrement pour disqualifier l’homme et ses idées. Qu’en est-il vraiment ?Pour comprendre le Che, il faut embrasser la personne dans sa globalité. Tous ses choix sont induits par des valeurs humaines profondes et un objectif final : l’émergence d’un monde meilleur ainsi que d’une nouvelle conscience humaine. Chaque partie s’insère dans le tout dont le fil narratif est la réformation des relations humaines. Chaque décision est prise en considération de cette fin. On ne peut pas privilégier de façon arbitraire un aspect déterminé de sa vie sous peine de s’interdire de le comprendre. Une des raisons principales de la résonance actuelle du Che tient justement à ses indéniables qualités humaines. Il a su non seulement conquérir le pouvoir et surtout le quitter pour préserver sa ligne de conduite. Jamais il n’utilisera la cause révolutionnaire à des fins personnelles. Son rapport au pouvoir est d’une absolue intégrité. L’acte d’accusation contre le Che le présente comme un dirigeant cynique ayant fait un usage excessif de la violence. Cette thèse s’appuie sur la courte période des tribunaux révolutionnaires qu’il a présidé où 300 tortionnaires du régime déchu ont été jugés, condamnés et exécutés. Ces faits ont été pleinement assumés par le Che en personne à la conférence de l’Onu à Genève en 1964 : « nous avons fusillé, nous fusillons et nous fusillerons si nécessaire ». La lutte contre l’impérialisme est très clairement pour lui une lutte à mort. Il s’agissait pour le nouveau gouvernement de ne pas laisser impuni les actes de barbarie que le régime de Batista avait commis et de rendre justice au peuple pour éviter le chaos. Il faut savoir que du coup d’Etat de Batista en 1952 jusqu’au triomphe des forces insurrectionnelles en 1959, ce sont quelques 20.000 personnes qui ont été assassinées sans compter les innombrables victimes de torture. La lutte révolutionnaire peut impliquer la violence mais cette violence répond à la violence de structures sociales rétrogrades qui laissent dans l’indigence et l’ignorance absolue de grandes couches de la société. La période de violence révolutionnaire est justifiée parce qu’elle signifie l’effondrement et la fin de l’oppression de classe au bénéfice d’un ordre plus juste. C’est cette qualification finale qui la rend légitime. La violence révolutionnaire est menée à des fins de justice et non pour assurer la domination d’un groupe sur autre. La vertu sans la fermeté est vouée à l’impuissance aurait dit Robespierre. Il ne faut pas confondre cette violence contre les appareils de répression de l’Etat bourgeois avec la terreur. Le Che était opposé à deux titres au terrorisme : pour des raisons éthiques et des raisons d’efficacité. L’objet de la guérilla est de conscientiser les masses et de coaguler les forces et non de détruire par les armes l’ennemi.

L’homme intégral :

De la même façon, le modèle de fonctionnement social préconisé par le Che en tant que ministre de l’Industrie (centralisation budgétaire contre l’autogestion financière, anti-bureaucratisme, stimulants moraux contre les incitants matériels) est en rapport intime avec son sens de la société communiste. Il propose une société nouvelle qui diffère non seulement du modèle capitaliste mais également du modèle soviétique. La Révolution n’est pas pour lui un strict phénomène de production mais surtout un phénomène de conscience. Le Che place le sujet au cœur de sa réflexion. Il ne s’agit pas dès lors de développer les forces productives du pays par n’importe quel moyen au risque de ne généraliser que la culture bourgeoise ; il faut éviter de recourir dans la mesure du possible aux leviers du capitalisme (égoïsme, stimulant matériel, loi de la valeur). Pour que la révolution soit aboutie, il faut non seulement changer l’organisation économique mais aussi tous les points d’appui de l’ordre capitaliste. C’est ainsi en tant que vecteur d’éducation que le travail volontaire et les stimulants moraux étaient privilégiés. Le communisme n’est pas la standardisation de l’homme mais au contraire l’essor de ses potentialités humaines et de ses virtualités créatrices. L’émancipation collective était pour lui condition de l’émancipation personnelle. On lui reproche aussitôt d’être idéaliste, de ne pas prendre la mesure de la médiocrité de l’homme, de la puissance écrasante de l’intérêt égoïste. En somme, de ne pas assez tenir compte de la nature humaine. C’est le nœud du problème. La nature humaine fait elle-même question ; rien n’est moins naturel que cette nature humaine. Les capitalistes prétendent que leur système est le plus adapté à cette nature humaine et qu’aucun autre système n’est praticable. La conviction d’un marxiste comme le Che est toute autre. Le matérialisme dialectique pose la loi du changement comme principe de base et l’homme n’y fait pas défaut. L’homme est toujours enclin à se conformer à son environnement social. En changeant les structures sociales, on rend possible l’évolution des structures mentales. Pour y parvenir, il faut que la société soit une grande école.

L’internationalisme prolétarien :

Pour consolider l’indépendance politique du pays, le Che tentera de diversifier l’infrastructure économique de Cuba qui n’était qu’un pays de monoculture, la canne à sucre en l’occurrence. L’aile prosoviétique s’opposera vigoureusement à son initiative. Pour l’URSS, il n’était pas question de redéployer ses connaissances technologiques mais de maintenir son hégémonie par la division internationale du travail : agro-exportation en échange de produits manufacturés. L’internationalisme prolétarien du Che, expression la plus haute de son humanisme, a été un autre champ de tension avec l’URSS nationaliste. Là où Fidel opta pour la consolidation de la Révolution cubaine, le Che maintiendra un cap révolutionnaire. Ses engagements en Afrique et en Amérique du Sud ne tenaient pas compte de la polarisation du monde et du jeu des superpuissances mais d’une nécessité substantielle de solidarité entre les peuples. L’impérialisme étant par essence transfrontalier, la résistance ne devait pas tenir non plus compte des limites nationales.

Les victoires du Che :

Les engagements d’un révolutionnaire conséquent dépassent sa vie physique. Le Che conditionnait ses engagements à l’analyse du système-monde et non à un gage de succès immédiat. Il ira là où il se sentait le plus utile et fera ce qu’il lui semblait le plus juste. On ne peut inférer d’une défaite militaire la non-validité de ses conclusions. Fidel a toujours su convertir une défaite militaire en victoire politique. Le mouvement guérillero qui a triomphé à Cuba provient d’un groupe qui a échoué dans un premier temps en attaquant une caserne militaire en 1953. Mais le combat avait été engagé et il pouvait survivre à ses inspirateurs. Le Che a certes été tué en Bolivie mais il n’a jamais été vaincu. L’ennemi n’est pas parvenu à nous convaincre de la fausseté de son combat. Au contraire, le Che continue encore de gagner des batailles à Caracas comme à La Paz. Il est devenu un référentiel dans le sein de la gauche de combat anti-capitaliste en Amérique latine comme en Europe. Le Che était un esprit d’anticipation et nous commençons à peine à prendre la mesure de son apport théorico-pratique à la cause de la Révolution : anti-dogmatisme, anti-bureaucratisme, solidarité internationale, l’homme nouveau,.... Tant que ces questions resteront irrésolues, la puissance d’interpellation du Che fera encore écho.

Emrah KAYNAK

Messages

  • Bravo monsieur Emrah Kaynak,enfin quelqu’un qui dit la réalité du CHE,je vous félicite pour cet article qui raconte vraiment le CHE,il est regrettable qu’il ait été assassiné,parce qu’il avait encore beaucoup de choses à nous faire découvrir,je suis content d’avoir lu votre article parce que j’ai assez souffert de lire les idioties ecrites par quelques journalistes qui ne connaissaient absolument rien de lui et l’ont dénigré,même à la télevision sans avoir une personne qui puisse les contredire,il est vrai que nos médias devraient reviser la déontologie journalistiques.Encore une fois bravo,je vous salut amicalement.A L de TOULOUSE.
    HASTA LA VICTORIA SIEMPRE