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CHOMDU 8

Publie le mardi 5 février 2008 par Open-Publishing

de P’tit Nico

(... suite)

Un p’tit bourgeois, c’est un "donneur d’leçons", y dit Polo, c’est sa fonction, pour éduquer et surveiller le prolo et la
prolote. C’est pour ça qu’y l’aime bien l’école, l’éducation et la culture universelle pour tous. Y l’a découvert les beaux
livres des grands qu’expliquent comment la société elle marche et qu’y fallait qu’y l’explique tout’ cette belle vérité
universelle lumineuse aux ouvriers qui comprennent jamais rien, les cons. C’est c’qu’y l’appelle "sa vocation".

Comm’ y dit m’sieur Sartre, ell’ dit la soeur à Polo : "je fus préparé de bonne heure à traiter le professorat comme un
sacerdoce et la littérature comme une passion. (...). Je regagnais mon sixième symbolique, j’y respirais de nouveau l’air
raréfié des Belles-Lettres, l’Univers s’étageait à mes pieds et toute chose humblement sollicitait un nom, le lui donner
c’était à la fois la créer et la prendre. Sans cette illusion capitale, je n’eusse jamais écrit."

Alors qu’nous, y dit Djamel, quand on va à l’école d’la deuxième chance des militaires, y nous disent qu’on est "des
voitures ; le problème, c’est qu’elles ne fonctionnent pas. Nous, on est là pour vous refaire fonctionner. Ici, c’est un
garage !"

C’est qu’y veulent « transformer votre adolescent rebelle en un citoyen docile et travailleur » comm’ y disaient dans un
documentaire sur « Les enfants perdus de Tranquility Bay » en Amérique où qu’c’est pas la joie.

C’est parce que « la formation professionnelle ouvrière et le « savoir technique » ouvrier pour l’essentiel ne s’enseignent
pas (ne peuvent être « enseignés ») dans l’école capitaliste, même dans ses filières et appareils d’enseignement
technique. Ce qu’on enseigne principalement à la classe ouvrière, c’est la discipline, le respect de l’autorité, la vénération
d’un travail intellectuel qui se trouve toujours « ailleurs » dans l’appareil scolaire », y dit l’pote Paul Beaud. Ça c’est bien
vrai qu’y dit Djamel qu’a fait des stages avec la Mission Locale.

Le père d’Afid y l’appelle l’travail à l’usine "l’école d’la vie". D’la vie d’prolo, oui, y lui répond toujours Afid qu’ça met
son père en colère. C’est pour ça qu’il est d’accord, son père, avec not’ président qui veut qu’on s’lève tôt comm’ à l’armée
parce qu’y veut qu’on apprenne à être soldat pour participer à la guerre.

Alors qu’le p’tit bourgeois, y doit apprendre à parler l’bourgeois, qu’c’est pas d’la tarte parce que c’est compliqué exprès
pour que l’prolétaire y soit pas intéressé. Comm’ y dit m’sieur Queneau : « L’origine de l’orthographe, ça a été une
invention des imprimeurs, des maîtres imprimeurs pour que tout le monde ne soit pas imprimeur. La défense d’un
monopole. L’orthographe ça a été quelque chose de compliqué, de difficile, pour qu’on monte dans les corporations,
d’apprentis à maître. » C’est pas pour ça qu’y faut pas apprendre quand même y dit Polo, sinon on a plus les mots pour
s’expliquer.

Mêm’ si, comm’ y l’explique l’pote Paul Beaud, « l’évolution des idéologies qui entourent l’école est un bon exemple des
dispositions propres à la nouvelle petite bourgeoisie, de sa « conscience possible » du social, des processus par lesquels
elle oriente idéologiquement et concrètement en sa faveur les institutions sociales auxquelles elle doit sa position. (...)

L’égalitarisme petit bourgeois se traduit par mille variations sur la notion "d’échec scolaire", dont le seul résultat –
même et surtout lorsque cette notion semble être mise en rapport avec l’origine sociale, les fameux "cas sociaux" – est
de masquer la réalité de ce système, d’individualiser et de "psychologiser" ce prétendu problème en le traitant
"scientifiquement" pour réparer les inégalités. Mais parler d’échec en ce domaine et en ce sens est aussi peu pertinent
que de parler d’échec à la roulette : si le système d’enseignement n’est pas un casino – le hasard n’y a bien évidemment
aucune place – il lui ressemble cependant sur deux points : les gains possibles y dépendent du capital – et celui-ci peutêtre
nul – et d’autre part, l’échec en est le principe structurel de base. De même que la roulette n’est pas faite pour qu’on
y gagne mais bien pour qu’on y perde – l’échec est sa fonction, non sa dysfonction – l’enseignement, parce qu’il
sélectionne et sanctionne par l’exclusion, n’est pas d’abord fait pour que certains obtiennent des diplômes mais pour que
d’autres se voient interdire de le faire, en fonction du niveau de compétence que la société leur a depuis longtemps
assigné, en fonction de l’organisation de la production. L’échec scolaire n’est qu’un numerus clausus à l’échelle de la
société. L’inégalité devant l’école n’est pas une perversion de son but avoué : l’égalité, mais son principe de classe que
dissimule l’idée de démocratisation et de mérite individuel. »

La différence entre l’bourgeois et l’p’tit bourgeois, c’est qu’le bourgeois, qu’est pas feignant comm’ le p’tit bourgeois qui
s’lève à pus d’heures comm’ ell’ dit la mère à Afid, ses études c’est pas d’la tarte, ell’ dit la soeur à Polo qu’a lu des récits
d’bourgeois du XVI° siècle qu’le p’tit bourgeois nouveau y l’existait mêm’ pas : « Nous étions debout à quatre heures, et,
ayant prié Dieu, allions à cinq heures aux études, nos gros livres sous le bras, nos écritoires et chandeliers à la main.

Nous oyons toutes les lectures jusqu’à dix heures sonnées, sans intermissions ; puis venions dîner, après avoir en hâte
conféré une demi-heure ce qu’avions écrit des lectures. Après dîner, nous lisions, par forme de jeu, Sophocle ou
Aristophane ou Euripide et quelquefois Démosthène, Cicéron, Virgile ou Horace. À une heure aux études, à cinq heures
au logis, à répéter et voir dans les livres les lieux allégués jusqu’après six heures, puis lisions en grec ou en latin. Les
fêtes à la grand’messe et vêpres ; au reste du jour, un peu de musique ou de promenoir. Quelquefois, nous allions dîner
chez nos amis paternels, qui nous invitaient plus souvent qu’on ne nous y voulait mener. Le reste du jour aux livres. »

Et c’est quand qu’y regardaient la télé ou qu’y z’allaient mourir à Nintendo ? Y d’mande Fred. A sept ans, l’bourgeois y lit
déjà des livres qu’tu sauras jamais qu’y z’existent. C’est son "environnement culturel", comm’ y disent les sociopathes
qu’étudient la société pour qu’not’ président y sache quoi faire pour nous donner l’communisme..

Alors qu’les ouvriers, ces feignants, jusqu’à la révolution, y faisaient qu’travailler tout’ la journée, de cinq heure du matin
à huit heure du soir hiver comme été. Feeeignants...!

C’est mêm’ pour ça qu’« en 1770, des prédicateurs anglais proposent que les enfants soient employés dans des
manufactures où il leur serait dispensé deux heures d’instruction par jour, car, (...) il est tout à fait souhaitable qu’ils
soient, d’une façon ou d’une autre, constamment employés au moins douze heures par jour, qu’ils gagnent leur vie ou
non ; par ce moyen, nous espérons que la jeune génération sera si habituée à une activité constante que cette activité lui
apparaîtra avec le temps comme agréable et distrayante. » Ç’est comm’ ça qu’y deviennent résilients, y dit Fred.

C’est pour ça qu’la convention de "l’peuple" en 1792, elle a fait un décret pour abolir tous les jours fériés « qui causaient
tant de préjudice aux amis du commerce et de l’industrie ». Et qu’après, Napoléon, l’frère de not’ président, y l’a dit que
« les ouvriers doivent avoir le droit de travailler le dimanche, puisqu’ils mangent tous les jours ». C’était le travailler
plus pour gagner plus qu’not’ président y l’a inventé aussi pour nous.
Alors l’p’tit bourgeois, qu’à un peu les sous pour continuer l’école mais pas trop l’environnement culturel, y découvre les
livres qui lui font découvrir l’monde d’la vie qui connaît pas, mais en langage bourgeois, c’est pour ça qu’ça s’appelle l’
"savoir" ou la "connaissance" ou la "conscience".

« Les individus qui ne sont plus subordonnés à la division du travail, les philosophes se les sont représentés, comme
idéal, sous le terme d’"homme", et ils ont compris tout le processus que nous venons de développer comme étant le
développement de "l’homme" ; si bien qu’à chaque stade de l’histoire passée, on a substitué "l’homme" aux individus
existants et on l’a présenté comme la force motrice de l’histoire. Tout le processus fut donc compris comme processus
d’auto-aliénation de "l’homme" (...). Grâce à ce renversement qui fait d’emblée abstraction des conditions réelles, il a
été possible de transformer toute l’histoire en un processus de développement de la conscience », y dit l’pote Karl.

Mais en vrai l’langage bourgeois c’est l’langage d’la marchandise : « Les marchandises diraient, si elles pouvaient parler :
notre valeur d’usage peut bien intéresser l’homme ; pour nous, en tant qu’objets, nous nous en moquons bien. Ce qui nous
regarde c’est notre valeur. Notre rapport entre nous comme choses de vente et d’achat le prouve. Nous ne nous
envisageons les unes les autres que comme valeurs d’échange » y l’explique l’pote Karl.

L’homme nouveau capitaliste c’est qu’l’porteur porte-voix des marchandises. « Les marchandises ne peuvent point aller
elles-mêmes au marché ni s’échanger elles-mêmes entre elles. Il nous faut donc tourner nos regards vers leurs gardiens
et conducteurs, c’est-à-dire vers leurs possesseurs. Les marchandises sont des choses et, conséquemment, n’opposent à
l’homme aucune résistance. (...). Pour mettre ces choses en rapport les unes avec les autres à titre de marchandises, leurs
gardiens doivent eux-mêmes se mettre en rapport entre eux à titre de personnes dont la volonté habite dans ces choses
mêmes, de telle sorte que la volonté de l’un est aussi la volonté de l’autre et que chacun s’approprie la marchandise
étrangère en abandonnant la sienne, au moyen d’un acte volontaire commun. Ils doivent donc se reconnaître
réciproquement comme propriétaires privés. Ce rapport juridique, qui a pour forme le contrat, légalement développé ou
non, n’est que le rapport des volontés dans lequel se reflète le rapport économique. Son contenu est donné par le rapport
économique lui-même. (...) Les personnes n’ont affaire ici les unes avec les autres qu’autant qu’elles mettent certaines
choses en rapport entre elles comme marchandises. Elles n’existent les unes pour les autres qu’à titre de représentants de
la marchandise qu’elles possèdent.

Ce qui distingue surtout l’échangiste de sa marchandise, c’est que pour celle-ci toute autre marchandise n’est qu’une
forme d’apparition de sa propre valeur. Naturellement débauchée et cynique, elle est toujours sur le point d’échanger son
âme et même son corps avec n’importe quelle autre marchandise, cette dernière fut-elle aussi dépourvue d’attraits que
Maritorne. »

C’est pour ça qu’le rapport bourgeois est un rapport d’vulgarité, y dit mon ancien délégué syndical CGT.

Qu’déjà avec les premières montres qu’c’était pas encore les Rollex d’not’ président, l’bourgeois l’était vulgaire : « Ces
montres sonnent en passant, comme les horloges, et un code de bon ton publié en 1644 en France déclare que ce bruit
trouble la conversation : « Ceux qui ont une montre sur eux, où ils regardent les heures, les demi-heures et les quarts
d’heure, s’en peuvent quelquefois servir pour la mesure et la contenance de leur visite. Néanmoins, cela sent trop son
homme d’affaires d’y regarder en présence de chacun ; de plus, cela est désobligeant envers les personnes chez qui vous
êtes, d’autant qu’il semble que vous ayez promis ailleurs, et qu’il vous tarde d’y aller. Pour les montres sonnantes, elles
sont fort incommodes, à cause qu’elles interrompent la conversation.. »
Dans l’idéologie libérale de l’individu mû par son seul intérêt, y continue mon ancien délégué syndical CGT, la seule
façon de « faire voir » socialement sa réussite, c’est-à-dire sa capacité personnelle à réussir, c’est d’étaler le résultat de
cette réussite qui ne peut être que matérielle (matérialisable), donc correspondre à ce que peut se payer un bourgeois
comme "signe" à une époque donnée.

Ainsi la montre au XVII° siècle, le portable dernier cri au XXI° siècle. C’est donc
forcément trivial puisque lié à un objet dont l’intérêt social est aussi éphémère que l’effet de mode puisque voué à se
généraliser, c’est-à-dire à se "vulgariser". Le bourgeois court donc toujours après le dernier objet "nouveau" ou participe
d’une fuite en avant dans la démesure (qui aura le plus gros yacht pour y mettre dedans not’ président et tout’s ses
femmes) et dans l’mêm’ mouvement il est un agent de diffusion d’ces objets (leader d’opinion y z’appellent les
publicitaires). Ça se résume donc vulgairement à une histoire de p’tites bites qui ont besoin, en permanence, de s’la
montrer pour savoir qui a la plus grosse. Et pour les femmes ? Y d’mande Fred. Elles, elles font les réunions
Tupperware, y dit Polo qu’ça mère elle en faisait pour gagner des boîtes en plastique qu’c’est bien pour le camping.
La société d’consommation ne peut donc que "démocratiser" cette vulgarité bourgeoise. Comm’ l’golf qu’le p’tit frère à
Djamel y l’en a fait au CLSH.

C’est pour ça aussi qu’on a mal au dos, j’dis, parce qu’en plus d’la bête aliénation qu’on a dedans et qui nous tord la
colonne vertébrale, y faut porter les marchandises ou pousser l’caddie, qu’en plus ça fait mal au ventre rien qu’à voir
l’prix d’la salade.

Mais l’riche, lui, y sait très bien qu’c’qu’y l’apprend c’est pour pouvoir être élevé par les pauvres. Qu’c’est pourquoi
m’sieur Tocqueville, qui voulait pas qu’ce soit l’inverse avec l’assistance publique, y l’a dit : « Je suis profondément
convaincu que tout système régulier, permanent, administratif, dont le but sera de pourvoir aux besoins des pauvres,
fera naître plus de misère qu’il n’en peut guérir, dépravera la population qu’il veut secourir et consoler, réduira avec le
temps les riches à n’être que les fermiers des pauvres, tarira les sources de l’épargne, arrêtera l’accumulation des
capitaux, comprimera l’essor du commerce, engourdira l’activité et l’industrie humaines, et finira par amener une
révolution violente dans l’État, lorsque le nombre de ceux qui recouvrent l’aumône sera devenu presqu’aussi grand que
le nombre de ceux qui la donnent, et que l’indigent, ne pouvant plus tirer des riches appauvris de quoi pourvoir à ses
besoins, trouvera plus facile de les dépouiller tout à coup de leurs biens que de demander des secours. » Ben, on va
s’gêner, y dit Djamel. Mêm’ si ça plaît pas à m’sieur Michéa.
L’bourgeois, lui, y sait bien trier les livres qui servent et les livres qui servent pas pour être riche, parce qu’on lui
apprend ça tout petit en mêm’ temps qu’le savoir commander au pauvre. Alors qu’le p’tit bourgeois y l’est impressionné
par tous les beaux livres avec de jolies couvertures qui sentent bon et y sait plus où donner d’la tête.

« La formation du travail intellectuel correspond pour l’essentiel, et à des degrés divers, à l’inculcation d’une série de
rituels, de secrets et de symbolisations de l’ordre entre autres de la « culture générale », dont le but principal consiste à
la distinguer du travail manuel. Ainsi distingué, ce travail intellectuel est, pour une large part, universalisable, car il est
situé dans l’ordre de l’universel » qu’y dit l’pote Poulantzas.
Alors l’p’tit bourgeois y croit qu’c’est l’savoir universel qui lui donne conscience d’sa mission d’apprendre au pauvre
comment y doit faire son élevage d’riches. Sauf qu’c’est pas ça. « Comme l’explique Z. Bauman, y dit m’sieur Belin qu’y
dit Polo qui va chercher des trucs ch’ais mêm’ pas où, la première modernité était sur ce point moins républicaine que
nous le laisse paraître une illusion rétrospective : pour l’essentiel, ce qu’on a pu présenter comme des institutions de
socialisation, des instruments d’émancipation des masses, n’étaient rien d’autre que des dispositifs de surveillance et de
disciplinarisation de celles-ci. Le sujet moderne, clivé, rationnel, était le sujet de l’élite ; la population, ce sont les nains
de jardin. »

L’p’tit bourgeois, y l’est fasciné par tout c’savoir des sciences des Lumières qu’éclairent l’monde. C’est pour ça qu’la
bibliothèque, c’est son fantasme au p’tit bourgeois, qu’c’est pour ça qu’y veut pas qu’on les brûle.

« Qui tue un Homme tue une créature de raison à l’Image de Dieu ; mais celui-là qui détruit un bon Livre tue la raison
elle-même, tue l’Image et comme le regard de Dieu. » qu’y disait m’sieur Milton, un poète du XVII° siècle, qu’était pour
la liberté d’la presse, qu’ell’ dit la soeur à Polo qu’sa prof d’philo ell’ lui a dit. Mêm’ qu’avec LE Livre, c’est comm’ ça qu’y
z’appellent la bible des croyants d’la croyance, y z’en ont tué un paquet d’bonshommes partout dans l’monde. C’est qu’ça
fait mal un gros livre, y dit Djamel, comm’ l’annuaire du téléphone qu’c’est la bible des flics pour te taper sur la tête sans
faire d’traces et t’faire entrer la raison dedans.

« La Raison occidentale renvoie à la violence comme à sa condition et son moyen, y dit l’pote Clastres qu’Polo y l’aime
bien parce qu’y parle des sauvages pas sauvageons, car ce qui n’est pas elle-même se trouve en "état de péché" et tombe
dans le champ insupportable de la déraison. »
L’p’tit bourgeois y l’aimerait savoir tout c’qu’y a dans tous les livres, mais sans s’lever à quatre heure du mat et sans rater
l’match d’foot. C’qui fait qu’en fait y’en a pas tant qu’ça quand même qui lisent des livres, sauf des romans qu’c’est plus
facile et qu’ça donne du rêve, surtout s’y sont à la mode Goncourt ou qu’y parlent des histoires d’cul d’not’ président.

Les p’tits bourgeois intellectuels fonctionnaires de l’idéologie, eux, quand y z’écrivent des livres, y s’parlent entre eux, ça
concerne pas l’ouvrier mêm’ si ça parle d’lui, avec des mots qu’l’ouvrier y comprend pas, mêm’ en regardant la définition
dans l’dictionnaire.

C’est comm’ quand l’mécano y leur parle mécanique au p’tit bourgeois, y s’poile Djamel, y comprennent rien non plus,
c’est pour ça qu’y peut les arnaquer aussi, c’est l’donnant-donnant.

Ouais, mais ça c’est triste parce que ça fait qu’tout
l’monde devient vicieux et qu’ça ça amène l’fascisme par l’éclatement d’la société, y dit Polo. Pourquoi, le fascime y l’est
pas déjà là, y répond Djamel ?

Les écrivains, eux aussi, y z’écrivent avec une idée derrière la tête, pas qu’pour faire des sous, comm’ m’sieur Disney
qu’y veut donner une représentation du monde qu’tout est beau comm’ dans les rêves d’enfant de not’ président qu’a
trouvé la bonne fée qui transforme tous les français en gentils z’enfants heureux.

La prof d’philo d’la soeur à Polo, ell’ dit qu’par exemple Zola, y paraît qu’çui-là y fait des films sur la misère des ouvriers
comm’ Depardieu et l’p’tit gars Renaud, quand il écrit, c’est pour « posséder le mécanisme des phénomènes chez
l’homme, montrer les rouages des manifestations intellectuelles et sensuelles telles que la physiologie nous les
expliquera, sous les influences de l’hérédité et des circonstances ambiantes, puis montrer l’homme vivant dans le milieu
social qu’il a produit lui-même, qu’il modifie tous les jours, et au sein duquel il éprouve à son tour une transformation
continue. »

« En fait, y fait des expériences d’psychologie dans le livre comm’ l’chercheur y fait des expériences d’chimie dans son
laboratoire. « J’ai simplement fait sur deux corps vivants le travail analytique que les chirurgiens font sur des
cadavres. » « Je tâcherai de trouver et de suivre, en résolvant la double question des tempéraments et des milieux, le fil
qui conduit mathématiquement d’un homme à un autre homme. » « 
L’homme n’est pas seul, il vit dans une société, dans
un milieu social, et dès lors pour nous, romanciers, ce milieu social modifie sans cesse les phénomènes. Même notre
grande étude est là, dans le travail réciproque de la société sur l’individu et de l’individu sur la société. Pour le
physiologiste, le milieu extérieur et le milieu intérieur sont purement chimiques et physiques, ce qui lui permet d’en
trouver les lois aisément.

Nous n’en sommes pas à pouvoir prouver que le milieu social n’est, lui aussi, que chimique et
physique. Il l’est à coup sûr, ou plutôt il est le produit variable d’un groupe d’êtres vivants, qui, eux, sont absolument
soumis aux lois physiques et chimiques qui régissent aussi bien les corps vivants que les corps bruts. Dès lors, nous
verrons qu’on peut agir sur le milieu social, en agissant sur les phénomènes dont on se sera rendu maître chez
l’homme. » C’est pour ça qu’y voulait bien connaître les ouvriers pour qu’not’ président y sache comment y fallait leur
parler pour les entuber.

Cest pour ça que mêm’ les livres des révolutionnaires, c’est plus les intellectuels amis de not’ président qu’est ami du
commerce et de l’industrie qui les lisent qu’les ouvriers. Comm’ ça y peuvent étudier comment faire pour empêcher
l’prolétaire de s’libérer d’ses chaînes d’Homme Nouveau d’la société d’production et d’consommation d’la masse.

C’est pour ça qu’ça pose un problème au pauvre comm’ y dit l’p’tit gars Majid Cherfi de Zebda d’avant quand y l’a parlé à
la radio de not’ président avec sa chanson : « J’étais de ceux qui soignaient la syntaxe, pour unir les plus couns comme
les plus furax (...). Je voulais porter le poids de la misère, en respectant les règles de grand mère (...). Qui donc a raison
entre le flingue et la conjugaison ? ».

« J’ai pu, comme ça, faire un bout de cursus scolaire » qu’y dit.
« Et donc, je commençais à apprendre quelques mots châtiés de la langue française et chaque fois que j’en sortais un
comme ça dans la cité, on m’disait "pédé". Chaque fois qu’un mot érudit comme ça sortait de ma bouche, c’était : "pédé" !
Comme si posséder le langage, c’était... Alors c’était pas la connotation sexuelle, c’était plus "gros con", en fait "traître".

 Y z’auraient pu vous traiter d’auditeurs de France Culture, ça veut dire ça [y réagit l’pédé animateur de l’émission tout
frétillant] – Oui, oui, tout à fait. Et donc, moi, j’ai fini par apprendre un maximum de langage, et quand j’ai accumulé
une connaissance importante, j’ai basculé dans une société de langage, des "militants", des "intellos" en tout genre, des
gens qui critiquent la société, des gens qui lisent, des gens qui écrivent, etc. Et on se rend compte que ces gens-là, que,
une fois qu’on a accès au langage, vous disparaissez parce que ce qui nous intéresse c’est là où il y a le problème. Donc,
je serais resté un exclu du quartier, je restais un centre d’intérêt parce qu’on pouvait me regarder comme un animal dans
le zoo. À partir du moment où vous accédez au langage : bon, maintenant tu es de notre camp, dégage ! Donc, à partir de
là, faut s’occuper des autres, faut aider les autres, chacun cherche son beurre. Et moi, j’avais pas envie d’aller chercher
mon beurre, j’avais envie de me chercher moi. Et donc, c’était une forme d’exclusion dans la conjugaison, et une forme
d’exclusion dans le flingue, puisque les deux sont une impasse ».

Choisis ton camp camarade ! y l’ironise Djamel. À moi les p’tites pièces pour faire plaisir à maman et à toute la famille
qui l’mérite bien, y a pas d’raison d’pas profiter du système quand on peut. C’est pour ça qu’un transfuge ça devient un
bâtard, y dit Djamel, y l’est plus d’l’ancienne classe, y s’ra jamais d’la nouvelle, et donc, y prônera la paix et l’union
universelle sans classes. Y s’retrouve l’cul entre deux chaises, sauf qu’y a plus d’chaises.

Et l’tour est joué, y dit mon ancien délégué syndical CGT.
« L’idéologie qui se dégage de telles « théories » ( que le "retard", la "résistance au changement" sont dûs d’abord à des
systèmes culturels, des mentalités, des attitudes) indique bien son origine et son projet : une petite-bourgeoisie
fraîchement promue à la gestion des instances de contrôle social et qui projette sur la société l’image qu’elle se fait
d’elle-même, qu’elle se fait de son itinéraire, bien évidemment fondé sur le mérite, l’effort individuel, quand il est en fait
solidaire d’une évolution globale de la structure sociale, de la diversification de l’appareil d’État et de l’élargissement de
sa base sociale » y l’explique l’pote Paul Beaud.

(à suivre...)

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