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Les Entretiens de Valois sentent l’enfumage

Publie le vendredi 15 février 2008 par Open-Publishing
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Marché de dupes

Les Entretiens de Valois sentent l ?enfumage

En lieu et place d ?un « Grenelle de la culture », les Entretiens de
Valois
ont débuté le 11 février. Pendant ce temps, les DRAC sont condamnées en
régions aux basses ?uvres des coupes budgétaires. Nous continuons
l ?OBUS
(Observatoire des Budgets Unilatéralement Supprimés).

Une photographie de l ?AFP montre Christine Albanel, souriante, entourée
d ?une soixantaine de personnalités triées sur le volet. Au ministère de
la
Culture, les Entretiens de Valois ont débuté le 11 février, et la
ministre
de la Culture et de la Communication a tout lieu d ?être souriante :
cette
initiative fait « retomber la pression », comme confie un membre de son
entourage.
Dans le discours d ?ouverture de Christine Albanel, beaucoup de blabla,
histoire de passer la pommade : « un réseau dense, divers, solide », « 
un
des tout premiers réseaux en Europe et probablement au monde », grâce
auquel
« nous avons, en France, une vie artistique intense » ; « jamais le
spectacle vivant n ?a été aussi dynamique », etc. Derrière ces
lapalissades,
pointent de sérieux avertissements. Primo, Christine Albanel confie
qu ?elle
reste dans les clous de la lettre de mission du président Sarkozy : « 
la
question des chiffres de fréquentation sera l ?un des thèmes de travail
 ».
Secundo, « on sent bien qu ?on arrive à la fin d ?un cycle et qu ?il nous
faut
aborder avec lucidité une nouvelle étape de notre action commune ».
Tertio,
« l ?Etat n ?a pas vocation à intervenir partout et à tout niveau. L ?Etat
n ?a
pas vocation à participer de façon pérenne à tous les projets ».

Après avoir commandité un audit qui pointait l ?incapacité financière du
ministère de la Culture à tenir ses propres missions, a fortiori à
dégager
des « marges de man ?uvre », Jean-Jacques Aillagon le disait plus
crûment,
prôner de resserrer l ?action du ministère autour de quelques pivots
centraux, en accordant un « label d ?intérêt national » aux seuls lieux
et
manifestations d ?envergure, laissant les collectivités territoriales se
dépatouiller avec le menu fretin. L ?Etat devait alors distinguer ce qui
relevait de « l ?excellence artistique », lui réservant un traitement
régalien. Aujourd ?hui, au fond, Christine Albanel dit peu ou prou la
même
chose, mais sans employer les mots qui risqueraient de fâcher, se
réfugiant
derrière le constat communément admis d ?une nécessaire « refondation »
d ?une
politique publique en faveur de la culture.
Mais avec un budget passablement étriqué, le ministère de la Culture
s ?engage dans cette « refondation » sans aucune dynamique, si ce n ?est
celle
d ?une réduction contrainte et forcée de sa voilure. Christine Albanel
le
concède elle-même, disant du budget 2008 que ce n ?est pas un « budget
facile
 », d ?autant moins qu ?il est « plombé » par de nombreux engagements en
investissements. Concrètement, Christine Albanel a pu garantir que « le
financement du réseau national en 2008 sera comparable à celui de 2007
 » : « 
si j ?ai souhaité en particulier que les institutions structurantes et
pérennes de ce réseau soient préservées, c ?est parce que la mission de
ces
institutions est de nourrir la création et la coproduction, d ?organiser
la
diffusion et de soutenir l ?emploi culturel ». Outre que cette annonce
n ?exonère pas de la menace d ?un collectif budgétaire qui surviendrait
après
les élections municipales, reste à préciser ce que Christine Albanel
entend
par « réseau national ». En effet, les grands établissements publics,
les
centres dramatiques et les chorégraphiques, les scènes nationales
devraient
retrouver en 2008 le niveau de subventionnement qu ?ils avaient en 2007
(ce
qui, compte tenu de l ?augmentation du coût de la vie, constitue de
facto une
première baisse de moyens). Mais les scènes conventionnées, les
festivals,
les compagnies indépendantes, et d ?une façon générale, tout le tissu
associatif, constituent une variable d ?ajustement au sein de laquelle
le
ministère de la Culture se livre à l ?exercice du jonglage brutal.

Nous l ?avons déjà dit, tout le secteur du multimédia, particulièrement
innovant, est sabordé : en Ile-de-France, ce budget est ainsi amputé
deS 70%
 ! Plus grave encore : selon les premières informations collectées par
l ?OBUS
(Observatoire des Budgets Unilatéralement Supprimées) dans plusieurs
régions, toutes les actions inscrites dans le cadre de la transmission
des
savoirs et de la démocratisation culturelle sont dans la ligne de mire.
Un
exemple, un seul : à Marseille, les Pas Perdus et l ?Art de Vivre, deux
associations fort actives qui ont créé et animent depuis sept ans le
Comptoir de la Victorine, où se conjuguent une certaine excellence
artistique et projets de proximité viennent d ?apprendre, au moment même

la Ville de Marseille rachète le lieu pour éloigner le risque de
spéculation
immobilière, que la DRAC Provence Alpes Côte d ?Azur supprime 46 000
euros de
subvention de fonctionnement et programme d’activités. Un bel exemple
de « 
la coopération entre l ?Etat et les collectivités territoriales » que
vante
par ailleurs Christine Albanel !
Dans sa lettre de mission, Nicolas Sarkozy dénonçait sans autre forme
de
procès « l ?échec de l ?objectif de démocratisation culturelle »
poursuivi
depuis l ?ère Malraux. Quel était cet objectif, que devait-il être ?
Quelle a
été la part de réussite, quelle a été la part d ?échec ? : Ce sont là
trop de
subtilités pour un Président prompt à agir en dépit du bon sens, et
qui,
quelles que soient ses options politiques, semble lamentablement
confondre
détermination et précipitation. Bref dans son esprit, et compte tenu de
ce
que Le Maillon faible doit être l ?une de ses principales références
culturelles, si la démocratisation culturelle a échoué, il faut
l ?enterrer.
Et sans fleurs ni couronnes, ni cérémonie au Panthéon : dans l ?intimité
familiale, de préférence. N ?en pouvant plus mais, condamnées aux basses
 ?uvres liquidatrices, c ?est ce programme d ?enterrement que les
directions
régionales des affaires culturelles sont en train de mettre en ?uvre un
peu
partout sur le territoire. Ainsi, selon l ?un de nos correspondants en
Aquitaine, dans cette région, les budgets dévolus à la politique de la
ville
baissent de 30% ; l ?action territoriale est amputée du même pourcentage
(et
les crédits internationaux sont eux, carrément supprimés, ce qui ne
manque
pas de sel au moment où Bordeaux prépare sa candidature de capitale
européenne pour la culture !).

Dans un appel, les Fédérations d ?éducation populaire pour les arts et
la
culture au quotidien, qui regroupent des associations telles que les
CEMA
(Centres d ?Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active), la
Confédération
nationale des Foyers ruraux (FNFR), la Fédération Française des maisons
des
jeunes et de la culture (FFMJC), la Fédération Nationale Léo Lagrange
(FNLL), la Ligue de l ?enseignement, ou encore Peuple et Culture,
annoncent « 
suspendre sine die nos travaux et contributions dans le cadre de la
Charte
Éducation populaire - Culture tant que le Conseil national Éducation
populaire Culture n ?aura pas été réuni sous la présidence du Ministre
de la
Culture et de la Communication ».
« De profondes mutations sont en cours », écrivent ces fédérations
d ?éducation populaire dans une pétition en ligne :
« - un désengagement budgétaire et politique de l’État sur la culture
en
dehors des arts majeurs, des industries culturelles et du patrimoine
 une politique budgétaire qui tend à séparer la création, la
diffusion,
l ?éducation artistique et l ?action culturelle
 l ?avènement et la banalisation manifeste d ?un discours fondé sur la
libre
concurrence dite « nécessaire » entre secteur marchand et action
publique.Ces mutations se font sentir depuis plusieurs années, mais une
accélération évidente est en ?uvre. Elle remet en cause actions,
projets et
dispositifs d ?éducation populaire dans leur fondement, dans leurs
complémentarités comme dans leur simple existence. Le renvoi récurrent
au
mécénat ou au partenariat local fragilise les actions, aux dépens d ?une
politique nationale et de long terme (fondée sur des complémentarités
et des
péréquations), garantissant une forme d ?égalité entre les territoires
de la
République ».

Comme il était à prévoir, ces fédérations d ?éducation populaire n ?ont
pas
été conviées aux Entretiens de Valois. Pas suffisamment conciliantes,
sans
doute, pour répondre à l ?appel de la ministre de la Culture à « 
partager les
responsabilités » en acceptant le simulacre d ?une concertation qui
ressemble
à s ?y méprendre à un marché de dupes. Seule voix discordante à l ?issue
de
ces Entretiens de Valois, destinés à se poursuivre une fois par mois au
gré
de six groupes de travail, le Synavi, qui représente les compagnies
indépendantes, a qualifié la journée de « grand-messe dont on ne sait
pas
trop ce qu’elle va donner ». « Il n’est pas évident que l’on continue
très
longtemps à participer à ces entretiens : je ne veux pas donner le
sentiment
à nos adhérents que nous participons à la gestion de la pénurie », a
prévenu
Jean-Claude Parent au nom de ce syndicat. Pendant ce temps, il est vrai
les
« professionnels de la profession » traînent un peu de la main pour
contresigner la remarquable Contre-lettre de mission adressée par des « 
citoyens libres » à Mme Christine Albanel, Ministre de la Culture et de
la
communication.

Quelques informations glanées par l ?Observatoire des Budgets
Unilatéralement
Supprimés :

A Marseille : Vidéochroniques (vidéo et nouveaux médias dans l ?art
contemporain), ainsi que l ?Association des Instants Vidéo Numériques et
Poétiques (qui organisent notament depuis 1998 le festival
international de
la création vidéo et des arts multimédia) voient leur subvention
amputée de
30%.

En Bourgogne : la subvention au festival Entre cour et jardins est
totalement supprimée. Selon le directeur adjoint de la DRAC, ce
festival
n ?avait « aucune audience nationale ». Il y a pourtant eu des articles
dans
Libération, Le Monde, Mouvement ou Les Inrockuptibles. Mais c ?est parce
que
« les journalistes n ?avaient rien à dire ce jour-là » (sic).

En Rhône-Alpes, le budget action culturelle a perdu 600 000 ?. La ligne
budgétaire relative aux actions sur les territoires, projets
spécifiques...,
est diminuée d ?au moins 50 %. Les aides aux projets dans les domaines
de :
culture scientifique, culture multi média, réseaux de pratiques en
amateur
et développement culturel en milieu rural, sont supprimées.

A suivreS

Continuez à envoyez vos information pour la collecte de l ?OBUS
(Observatoire
des Budgets Unilatéralement supprimés) : redaction doK mouvement.net

(Lire sur notre site :
http://www.mouvement.net/index.php?idStarter=203873)

Jean-Marc ADOLPHE rédacteur

Messages

  • Le Local menacé

    Pétition à signer sur
    www.le-local.net

    Le Local , lieu de création , d’actions culturelles et de pratiques artistiques situé à Belleville, dans le quartier Politique de la ville Fontaine au roi (classé en Zone Urbaine Sensible) Paris XIème , est menacé par une forte baisse des crédits alloués par le ministère de la Culture .

    En effet, la totalité des DRAC de France ont supprimé tous les crédits dans le cadre de la Politique de la Ville.Ce qui se résume donc par une croix tracée sur l’action culturelle dans les quartiers dits sensibles.

    Ce lieu est emblématique d’un esprit, d’une façon de faire partager la culture, le spectacle vivant, en développant le croisement des publics.
    L’aventure du Local,« ce laboratoire d’utopies concrètes », menée par l’équipe de l’association Ombre en lumière, est dans son engagement pour un accès à la culture pour tous, emblématique d’une culture de proximité à Paris.

    Ce lieu accueille, dans des conditions avantageuses pour Paris, des artistes, des compagnies indépendantes de théâtre, de danse, de théâtre d’objets et marionnettes et propose une politique tarifaire à un public aux revenus modestes.

    L’association a construit un maillage d’actions culturelles pour créer une synergie humaine sur le quartier - en direction d’enfants sur le temps scolaire dans les écoles du Réseau d’Education Prioritaire du XIème arrondissement, d’élèves en difficultés au Collège Lucie Aubrac , de lycéens d’un lycée d’enseignement technique du Xème arrondissement, d’adultes migrants en alphabétisation… - en mettant en place au fil du temps, une dynamique de réseaux associatifs et artistiques , sans négliger les partenariats avec d’autres structures culturelles.

    Le Local, par l’aventure humaine, artistique et sociale qu’il impulse, participe au renforcement du lien social.

    Ce lieu n’est pas le seul c’est la démocratisation culturelle elle-même qui est mise en péril par la menace qui pèse sur des centaines d’initiatives locales.
    Cette entreprise de démolition constitue une régression brutale pour l’accès à la culture pour tous, pour les habitants d’un quartier, les écoliers, les collégiens, les lycéens et les rejette vers les facilités offertes par une culture de masse orientée vers la médiocrité et le profit.
    C’est le démantèlement du service public de la culture qui est en jeu.

    « Jean Vilar réveille-toi ils sont devenus fous ! »

    Gabriel Debray
    Directeur artistique et pédagogique du Local