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Jean-Pierre Raffarin signe l’acte de naissance des fonds de pension

Publie le dimanche 25 avril 2004 par Open-Publishing

Le gouvernement a publié au "Journal officiel", jeudi 22 avril, le décret
sur le plan d’épargne retraite populaire (PERP). Ce nouveau produit
s’adresse en priorité aux 9,2 millions de salariés du privé imposables. Il
réalise un engagement de Jacques Chirac durant la campagne présidentielle de
2002.

Les fonds de pension individuels à la française sont nés. Huit mois après la
promulgation de la loi du 21 août 2003, le plan d’épargne retraite populaire
(PERP) va devenir réalité. Le décret d’application qui le met en place a été
publié au Journal officiel du 22 avril, après avoir été signé, la veille,
par Jean-Pierre Raffarin. A cette occasion, Matignon a salué dans un
communiqué ce "nouveau produit d’épargne" concrétisant l’engagement pris par
le gouvernement "d’offrir davantage de liberté aux personnes actives pour
mieux préparer leur retraite, tout en préservant le régime par répartition
qui demeure, grâce à la réforme, le socle de notre système".

Pendant les 29 jours qu’ont duré les débats parlementaires sur la réforme
des retraites, François Fillon, alors ministre des affaires sociales, avait
pris soin d’éviter les mots qui fâchent, comme celui de "capitalisation".
"Nous n’entendons pas ouvrir l’espace aux fonds de pension", avait-il même
assuré sans convaincre, plus de 500 amendements ayant été déposés sur les
quatre articles du projet de loi consacré à l’épargne-retraite.

Malgré ces dénégations officielles, c’est bien un troisième pilier de
l’assurance-vieillesse qui voit le jour, à côté des régimes de base et des
caisses de retraite complémentaire. Il est censé permettre à tous - en
réalité aux personnes qui ont les moyens d’épargner et sont imposables - de
se constituer un bas de laine supplémentaire en vue de leurs vieux jours.
Sachant qu’une pension des régimes obligatoires (Sécurité sociale et caisses
complémentaires) représentait en moyenne 66 % du dernier salaire d’un
retraité en 2000, qu’elle en représentera 53 % en 2015, et que cette baisse
programmée du taux de remplacement est particulièrement marquée chez les
cadres.

Très attendu des professionnels, assureurs et banquiers, qui l’ont négocié
pendant des mois avec Bercy et en qualifiaient la première mouture d’"usine
à gaz", le PERP est un produit d’épargne inédit. C’est un engagement de long
terme, très contraignant, assorti d’avantages fiscaux à l’entrée et qui ne
prévoit pas de sortie en capital. "Celui qui souscrit un PERP en prend pour
perpète, avait relevé, dans nos colonnes (Le Monde du 24 février 2004),
Patrick Turbot, consultant associé chez EPS Partenaires. Le souscripteur
entre dans un double tunnel : le premier avec le versement de cotisations
jusqu’à sa retraite, le second en touchant des rentes jusqu’à sa mort."

A quelques exceptions près, en effet, comme la cessation d’une activité non
salariée à la suite d’une liquidation judiciaire, le basculement "en fin de
droits" à l’Unedic après un licenciement ou l’invalidité, l’épargne ainsi
constituée reste indisponible jusqu’au départ à la retraite et elle est
alors reversée sous forme de rente viagère soumise à l’impôt. En cas de
décès prématuré, la rente sera reversée au conjoint survivant ou à tout
bénéficiaire préalablement désigné, sous la forme d’une rente viagère ou
d’une rente temporaire d’éducation pour les enfants mineurs.

Le PERP est un contrat à adhésion exclusivement individuelle et facultative.
S’il est proposé à tous les épargnants, il s’adresse en priorité aux 9,2
millions de salariés du privé qui sont imposables. Les fonctionnaires avec
la Prefon (fonds de retraite complémentaire) depuis 1968, les travailleurs
indépendants depuis 1994 et la loi Madelin, les exploitants agricoles depuis
1998 et la mise en place de Coreva ont déjà la possibilité, au moins
théorique, de se constituer un supplément de retraite fiscalement attrayant.
Ils ne sont pas pour étant écartés du nouveau produit d’épargne.

Ce contrat individuel est obligatoirement souscrit auprès d’une société
d’assurance, d’une institution de prévoyance ou d’une mutuelle. Les
souscripteurs doivent former des associations d’assurés intitulées
groupements d’épargne retraite populaire. Comptant au moins 100
souscripteurs, ils devront former un comité de surveillance dans les six
mois suivant la signature du plan.

Le même souci de protection des épargnants explique qu’il soit prévu que
"les activités d’une association résultant de ses missions au titre d’un
plan d’épargne retraite populaire sont exercées distinctement de celles qui
résultent des éventuels autres plans de même nature souscrits par
l’association ainsi que, le cas échéant, de ses autres activités". Par souci
de sécurité et pour éviter aux titulaires d’un PERP de perdre dans une crise
boursière l’épargne accumulée au long d’une vie, les cotisations doivent
être investies à 90 % en obligations moins de deux ans avant la retraite. La
part des placements en obligations, jugés plus sûrs que les actions,
augmente progressivement : 40 % entre dix et vingt ans avant la retraite, 65
% entre cinq et dix ans, et 80 % entre deux et cinq ans.

Les versements effectués sont déductibles du revenu net global dans la
limite de 10 % des revenus, hors frais professionnels. Le montant minimal de
déduction fiscale a été fixé à 2 971 euros en 2004 (soit 10 % du plafond
annuel de la Sécurité sociale) et son montant maximal à 23 769 euros, soit
10 % de huit fois ce plafond. Les sommes investies par une même personne sur
d’autres produits de retraite doivent être déduites de ce montant.

Seules les catégories socioprofessionnelles les plus aisées, en quête de
produits défiscalisés, devraient pouvoir s’intéresser à ce nouveau produit.
Pour les établissements financiers, ce marché est loin d’être négligeable :
il pourrait atteindre le milliard d’euros dès cette année, alors que 7,3
milliards ont été collectés en 2003 par les différents contrats de retraite
existants.

La loi du 21 août 2003 avait aussi prévu la création d’un plan d’épargne
pour la retraite collectif (Perco). Géré paritairement avec les
organisations syndicales, le Perco sera alimenté par les primes de
participation et d’intéressement, le versement volontaire étant plafonné à 2
300 euros par an, avec une possibilité d’abondement de l’employeur pouvant
aller jusqu’à 4 600 euros. A la différence du PERP, il pourra bénéficier à
tous les salariés, imposables ou non.

Les textes d’application de ce plan collectif, qui constitue peu ou prou une
nouvelle mouture du plan Fabius de 2001 destiné à développer l’épargne
salariale dans les PME, n’avaient pas encore été publiés, vendredi 23 avril,
au Journal officiel.

LE MONDE