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L’AGEN répond aux faussaires de Charlie Hebdo.

Publie le lundi 26 mai 2008 par Open-Publishing
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Lettre ouverte de l’AGEN (Association Générale des Etudiants de Nanterre) à la rédaction de Charlie Hebdo

Le 23 mai 2008

40 ans après mai 68, Charlie Hebdo fantasme sur commande

Charlie Hebdo dans sa livraison du 30 avril 2008 publie un « reportage » halluciné sur la fac de Nanterre « 40 ans après mai 68 ». Idée ni originale ni impertinente mais qui va permettre de déverser un nombre record de médiamensonges. L’article se résume à un montage bourré d’intox, de bidonnages et de préjugés rendant un fier service à une direction universitaire qui n’en attendait pas tant.

Sous forme d’un long article « richement » illustré, les lecteurs sont invités à parcourir une pseudo-enquête sur la fac de Nanterre en 2008.

Que s’agit-il de prouver coûte que coûte ? Avant tout, pour la journaliste dénommée Agathe André, il faut montrer que la cité-u de Nanterre est un cloaque dangereux où les filles se prostituent pour une piaule, ou encore, comble de subtilité, que la fac est dominée par d’abjects racistes chasseurs de juifs. Nul besoin de prouver, on peut balancer n’importe quoi, de toute façon qui vérifiera ? Mais surtout ce type de description menaçante de la cité-u correspond au projet très actuel de détruire la cité-u, c’est-à-dire de lui retirer son caractère social. Un nettoyage social et ethnique qui frappe des dizaines d’étudiants.

Le fond de cet article ? S’appuyer sur le mythe de la cité-u de Nanterre en 68 pour présenter les étudiants d’aujourd’hui (notamment les résidentes de la cité-u) comme des êtres prostrés dans la peur, menacés par l’embrigadement islamiste et aspirant aux délices de l’ordre policier. Autant de bobards qui alimentent le fond de commerce habituel du consensus sécuritaire et de l’antiracisme sélectif. En somme, une autre manière, journalistique cette fois ci, de « liquider mai 68 ».

Intox. Dès le chapeau de l’article on apprend que « les étudiantes réclament des vigiles pour protéger leur vertu et tapinent pour boucler leur fin de mois ». Derrière le clinquant des formules, d’où viennent ces assertions ? Où et quand s’est exprimée cette revendication ? Au fond, on ne le saura jamais. Et pour cause. Sur la soi-disant demande de vigiles pour le « coupe-gorge » que serait devenue la cité-u, les seules « sources » citées sont justement deux piliers du sécuritaire à Nanterre. A savoir, Jean-Luc Guinot , responsable sécurité, chef des vigiles, qui prétend qu’avant son arrivée la fac était comme une cité, zone de non-droit gangrénée par « les gauchistes et la criminalité » , mais aussi la dénommée Baya Raghis qui mène une carrière dans un bureau lustré où elle est en charge du "dossier" des filles agressées du campus.

Qui ne fait pas d’enquête n’a pas le droit à la parole. Nous sommes fondateurs de l’ARENE (Association es Résidents de Nanterre). Nous sommes donc les mieux placés pour savoir que jamais une telle demande d’augmentation des vigiles n’a existé. Pour une raison simple d’abord : lorsque J.L Guinot a envoyé des maîtres-chiens à la cité-u il y a quelques années, ce sont justement ces derniers qui ont menacé, agressé et harcelé les résidentes ! A la demande unanime des résidents, ils ont été retirés illico. On pourrait ajouter que les vigiles de Nanterre n’ont jamais protégé les étudiant(e)s mais qu’à l’inverse ils ont régulièrement attaqué les mouvements étudiants (cf. les vidéos sur dailymotion si notre journaliste veut approfondir son ’enquête’). En fait, ce n’est pas une demande de vigiles mais de changement complet de leur rôle qui a pu être entendu du côté des étudiants. Nuance. Mais il existe une raison plus grave encore à la méfiance qu’inspire le service des vigiles à Nanterre. Cette année lorsqu’une résidente a effectivement subi une agression violente sur le chemin du RER aucune de ses requêtes auprès de la direction n’a été prise en compte. Elle-même et les résidents (à plusieurs centaines et par voie de pétition) ont demandé entre autres que l’avocat du CROUS soit mis à sa disposition gracieusement (et non pas qu’il serve comme aujourd’hui à poursuivre les résidents pauvres que le CROUS chasse en nombre) ou encore que les images de la vidéosurveillance soient mises à sa disposition. Aucune de ces demandes pourtant minimales n’a été satisfaite. Les directions de l’université et du CROUS n’ont même pas daigné la recevoir. En définitive, l’affichage sécuritaire en direction des filles agressées n’est qu’une couverture habile de la répression de toute contestation (en 5 ans, on compte une dizaine d’attaques par les vigiles de mouvements étudiants).

Conclusion : force est de constater que notre ’journaliste’ a déformé les faits. Au bénéfice de qui ?

Pourquoi nourrir l’image apocalyptique d’une cité-u effrayante ? Pourquoi passer sous silence le cas de Marco étudiant poursuivi par le service de sécurité parce qu’il a participé avec des dizaines d’autres à la mobilisation contre la LRU ? Pourquoi ne pas mentionner l’occupation et les charges de CRS en novembre 2007, fait majeur des derniers mois ? A qui profite ces silences et ces intoxications médiatiques ?

Ce ne sont pas les comportements d’étudiants qu’il faut stigmatiser mais les agissements liberticides de la direction universitaire.

Dans l’article de Charlie Hebdo, Il s’agit au final d’agiter à nouveau un épouvantail au détriment des revendications étudiantes.

La tonalité faussement rebelle et provoc de l’article est basée sur le sexe (gros titres « ça bande mou dans le dortoir des filles »-« CRS desserrez les fesses »-« opprimés de tous les pays caressez-vous ») Il commence d’ailleurs par l’idée fausse mais ultra rabâchée que « mai 68 s’amorce par une belle histoire de cul » (les garçons dans le bâtiment des filles !). Grâce à ces procédés on évacue complètement les raisons de lutter d’hier à aujourd’hui.

Silence : on expulse ! Autre point litigieux. On ne peut que rester sidéré par le traitement réservé aux expulsions de résidents à la cité-U. Pas d’explication dans l’article sur les 257 chambres supprimées par la rénovation de la cité-u de Nanterre, pas un mot sur les descentes d’huissiers, les poursuites au tribunal et les opérations de police pour expulser manu militari les résidents en difficulté de paiement ou les redoublants (opérations du 15 mars 2006, 1er août 2006, juin 2007, 21 mai 2008). Sur ce point la parole est complaisamment laissée à la directrice de la cité-u qui justifie les expulsions en affirmant qu’il s’agit d’une « tripotée de faux étudiants ». Pourtant, il aurait été facile de confronter cette version à celle des résidents. Mais ’l’enquêtrice’ n’a interrogé une porte-parole de l’ARENE que sous l’angle unique et obsessionnel de la sécurité ! N’obtenant pas les réponses escomptées notre journaliste en herbe a tout simplement occulté une voix dissonante.

Dans la même veine, la prostitution étudiante qui a fait la Une des médias ces derniers mois subit dans notre article un traitement on ne peut plus sensationnaliste. Ce fléau réel est vendeur. Il est aussi sarkocompatible. L’article exhibe des ’preuves’ bien crasseuses mais invérifiables et sans intérêt sur « des annonces à peine masquées (…) qui foisonnent dans l’UFR de Droit » d’une déclaration d’une étudiante qui serait fière de faire ce « boulot qui rapporte plus que le Mc Do ».

L’antisémitisme imaginaire. Dernier bidouillage et non des moindres. Nous relèverons, celui des amalgames dignes d’un « choc des civilisations » à la sauce hexagonale. En effet, L’article continue sur sa lancée en abordant la présence aux élections universitaires cette année de l’EMF (Etudiants des Musulmans de France). On apprend, si il en était besoin, qu’il s’agit de la branche étudiante de l’UOIF créée en 1989 qui a choisi Nanterre comme base d’implantation dans la région parisienne. On n’apprend pourtant pas l’essentiel pour les luttes étudiantes, mais sûrement ne s’agit-il pas du but de l’article, soit l’opposition de l’EMF aux mouvements conte le CPE en 2006 et contre la LRU (loi sur l’autonomie) en 2007 ainsi que son copinage prolongé avec l’UNI branche universitaire de l’UMP.

Non l’essentiel ici c’est une fois de plus de coller les mots « voile »-« musulman »-« Dieudonné »-« Palestine »-« sale juif noir ». Et là encore c’est un bidonnage. L’article cite un « discours d’opprimé rodé » de l’EMF sur « l’islamophobie » puis passe sans transition à l’affirmation que la Palestine est la cause fédératrice de l’EMF pour introduire une déclaration d’un membre de l’UEJF (Union des Etudiants Juifs de France) sur l’idée que depuis « la seconde Intifada » (depuis l’an 2000 donc) les membres de l’UEJF en prennent « plein la gueule » comme lors « d’une conférence donnée en 2003 par Dieudonné sur la fac sur le ’nouvel antiracisme’, tous les militants de l’UEJF étaient refoulés à l’accès. L’un d’entre nous, noir, a réussi à entrer. Quand il a donné sa vision des choses, il a été sifflé à coup de ’Sale Juif noir !.’ ».

Là, c’est simple, tout est faux. Primo en 2003 comme les dates l’indiquent aucune structure se réclamant des « étudiants musulmans » n’était présente à l’époque à Nanterre. Si le regroupement ethnique ou religieux des étudiants nous semble une impasse, nous n’acceptons pas que l’on impute des faits (imaginaires de surcroît) à une catégorie d’étudiants pour mieux les diaboliser.

Ensuite, le meeting sur « le nouvel ordre raciste » a bien eu lieu en 2003 mais sans Dieudonné. C’était un meeting organisé par l’AGEN (Association Générale des Etudiants de Nanterre) avec Saïd Bouamama (collectif des sans-papiers du Nord), Tarek du MIB ( Mouvement de l’immigration et des Banlieues) et un syndicaliste de la CGT d’Air France. Ce meeting portait sur les discriminations, le traitement injuste des immigrés et de leurs enfants et s’opposait au ’racisme respectable’ qui s’exprimait dans la loi sur le voile. Certes, déjà à l’époque l’AGEN dénonçait la propagande assimilant le soutien à la Palestine à de l’antisémitisme comme une des formes affirmée du nouvel ordre raciste.

Quant à Dieudonné, nouvel épouvantail commode, s’il est bien venu sur la fac à l’époque de son lynchage médiatique pour le « sketch du rabbin », c’était en 2004, et pour présenter la liste Europalestine (soit, pour être honnête, bien avant ses amitiés politiques actuelles avec l’extrême- droite). A cette occasion l’étudiant « juif noir » qui s’est exprimé pour défendre la colonisation israélienne de la Palestine n’a pas été accueilli par des sifflets mais par les rires de l’amphi et une réponse argumentée de la tribune sur l’apartheid qui sévit au Proche-Orient. Les membres de l’UEJF se tenaient courageusement et volontairement à l’extérieur et lançaient quelques insultes à destination des partisans de la Palestine avant de repartir piteusement.

Troisièmement, les membres de l’UEJF qui jouent la victimisation inversent les faits : ceux qui en ont pris « plein la gueule » au sens propre en 2003 ce sont Brahim.B et Kamel.K, le premier est employé administratif de Nanterre, attaqué et gravement blessé sur le campus par une bande d’extrémistes pro-israéliens appelée par des membres de l’UEJF ; le second est militant de l’AGEN, attaqué et défiguré par 20 nervis de la LDJ (Ligue de Défense juive) à Paris le 30 décembre 2003 en présence d’un membre notoirement connu de l’UEJF. Ces faits ont donné lieu à des manifestations et à des procès durant lesquels l’implication de l’UEJF a été prouvée. Toutefois, ces deux agressions racistes n’ont donné lieu ni à une condamnation médiatique ni à des mesures disciplinaires dans l’université. C’est le règne du fameux deux poids, deux mesures.

Au final, nous pouvons être consternés mais non surpris d’être diffamés à ce point par un journalisme de commande. Illustrer des thèses fausses mais si réconfortantes doit être le prix à payer aujourd’hui pour parler et vendre la fac de Nanterre dans les médias. Charger les étudiants les plus défavorisés ou ceux qui sont solidaires du peuple palestinien n’est pas réservé aux CRS.

A coup sûr ce document constitue une pièce supplémentaire dans la vertigineuse chute dans le conformisme du journal Charlie Hebdo. Laborieux passage à l’ennemi d’un journal autrefois contestataire recyclé aujourd’hui dans la bien-pensance et les fonds de tiroir réactionnaires.

Lutter contre cette vision c’est refuser la criminalisation du mouvement étudiant.

Mais ce qui importe davantage encore pour nous, c’est que les luttes sur les campus reprennent de l’ampleur comme c’est le cas actuellement dans les campus marocains.

Qu’à l’occasion des 40 ans de mai 68 cent luttes fleurissent contre la répression sarkozyste, du côté des opprimés d’ici et d’ailleurs au-delà de la forteresse Europe !

AGEN

Association Générale des Etudiants de Nanterre
http://agen-nanterre.over-blog.com/

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