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Soutien aux militants autrichiens emprisonnés

Publie le lundi 16 juin 2008 par Open-Publishing

Etes-vous tous au courant ?

Si non, jetez un coup d’oeil ici :

http://www.l214.com/repression-autr...

Et en primeur pour antre, voici la traduction d’un message de Martin
Balluch (président de VGT)

Mon message au mouvement international pour les droits des animaux

Ma vie a basculé le mercredi 21 mai. Nous avions préparé une nouvelle
campagne portant sur une modification de la constitution en faveur
des animaux, qui aurait été soumise au vote du Parlement début
juillet. Cette campagne devait être lancée le lendemain même. Pour
cette campagne, nous avions réussi à unir le mouvement tout entier en
Autriche, à faire que tous tirent dans la même direction. Comme ceux
d’entre vous qui me connaissent le savent, c’est là l’un de mes
principaux objectifs : unifier le mouvement pour en redoubler la force.

Mais cette campagne ne devait pas voir le jour. Mercredi, au petit
matin, la police a lancé la plus violente attaque jamais connue dans
l’histoire autrichienne moderne contre un mouvement pour la justice
sociale et contre des ONG. Des centaines de policiers armés et
masqués ont défoncé les portes de 21 domiciles privés et de 6 bureaux
appartenant à des ONG différentes, et celui d’un dépôt contenant du
matériel utilisé dans des manifestations. 25 personnes ont été
arrêtées et interrogées par la police. 10 personnes ont été placées
en garde vue, dont moi-même.

Afin de « m’attraper », la police a fait irruption non seulement chez
moi, mais aussi chez deux de mes frères ainsi que chez mon amie.

Des policiers cagoulés de noir se sont précipités à travers la porte
brisée et ont couru arme au poing jusqu’à nos lits. Ils ont pointé
leurs pistolets sur ma tête et m’ont jeté nu hors de mon lit. Mon
frère a été plaqué contre un mur, un pistolet pointé sur le cou.

L’une des dix personnes que la police avait l’intention d’arrêter
n’était pas chez elle. Alors, ils lui ont téléphoné et… devinez
quoi ? Il s’est présenté en toute confiance au commissariat, ne
redoutant pas le moindre ennui. Aujourd’hui, 19 jours plus tard, il
moisit encore dans une cellule, et il ne sait pas pourquoi. Notons
qu’il s’agit du directeur de campagnes de l’association bien connue
Four Paws, implantée dans 6 pays différents.

Après nous avoir arrêtés, la police a fouillé chacune de nos maisons,
y compris les domiciles de ceux de mes frères qui ne sont pas
impliqués dans le mouvement pour les animaux. La police a
principalement saisi des ordinateurs, mais aussi des brochures, des
livres, des vidéos et des téléphones portables.

On pourrait imaginer que cette opération policière à grande échelle
est la réaction d’un État confronté à un haut niveau de criminalité
lié à la question animale. Mais le fait est qu’au contraire
l’activité de l’ALF en Autriche est beaucoup plus faible que dans les
autres pays où le mouvement pour les droits des animaux est bien
implanté.

On pourrait imaginer aussi que la police avait reçu des informations
selon lesquelles de dangereuses attaques de l’ALF se préparaient, ou
lui indiquant des caches de bombes incendiaires et de matériel
terroriste. Rien n’est plus faux. Ils n’avaient reçu aucune
information de la sorte, et ils n’ont même pas cherché ce genre de
matériel. La seule chose qui les intéressait, c’était les
ordinateurs, les livres et les vidéos, c’est-à-dire des objets qui
disent quelque chose de la façon d’être des personnes arrêtées. Voilà
de quoi il s’agit : de ce que des gens sont et font, pas de crimes
spécifiques.

Si la police détenait de quelconques éléments à charge contre les
personnes arrêtées concernant des crimes ou délits qu’elles auraient
commis, ces éléments seraient maintenant dits et connus. Mais les
ordres d’arrestation parlaient d’autre chose. Voici le motif de notre
arrestation à tous : « constituer une vaste organisation criminelle
dotée d’une structure hiérarchique à la façon d’une entreprise. » Et
les crimes que cette organisation est supposée avoir commis sous le
nom d’ALF se sont rien de moins que la TOTALITÉ des délits liés à la
cause animale qui se sont produits en Autriche ! On dirait une
blague. Ce n’en est pas une. Tous les délits liés à la cause
animale : chaque serrure engluée, chaque pneu crevé, chaque fenêtre
fracturée… mais aussi – croyez-le ou non – chaque altercation, chaque
manifestation, chaque enquête menée incognito sans aucun caractère
délictueux, et cela concernant tous les domaines possibles : la
fourrure, la vivisection, l’élevage industriel, le cirque… Notre
organisation criminelle est supposée avoir accompli tout cela.

On pourrait imaginer que, vous soupçonnant de tant de crimes odieux,
la police et le ministère public viendront vous interroger après
votre arrestation. Erreur là encore ! Depuis que j’ai été placé en
détention préventive, personne ne m’a posé la moindre question sur
cette affaire. Mon avocat a demandé à la police de voir les éléments
à charge et c’est ainsi que nous avons vu quelques 2500 pages. On
trouve notamment dans ces pages des expertises médico-légale de
quelques-uns des délits liés à la cause animale commis ces deux
dernières années, y compris la recherche de traces d’ADN sur un
verrou placé sur une porte. Et aucune preuve contre aucune des 10
personnes arrêtées. La police a aussi mis nos téléphones sur écoute,
nous a mis sous surveillance, a placé des caméras pointant sur nos
portes, a introduit des taupes dans nos groupes et a lu nos
courriels. Tout cela deux ans durant ! Et ils n’ont rien trouvé.
Alors ils ont lancé la grosse opération policière, cherchant
désespérément à découvrir quelque chose à nous reprocher, n’importe
quoi, fût-ce des indices de fraude fiscale.

Voici comment sont justifiés mon arrestation et mon placement en
détention préventive. Il existe une délinquance associée à la cause
animale, même si elle est relativement faible. Il doit donc y avoir
une grosse organisation dotée d’une structure hiérarchique, conduite
à la manière d’une entreprise, qui est responsable de cette activité.
Puisque je milite depuis des années pour les animaux, puisque je suis
influent, et puisque j’ai des contacts internationaux, je dois être
le chef de cette organisation. Point final. Voilà les preuves à
charge. Vous arrivez à y croire ? Moi non, mais d’après tout ce que
je vois, cela semble être la réalité.

Mais comment est-il possible que je me retrouve en détention
préventive au nom d’un motif de « suspicion » aussi absurde ? Bonne
question. Deux semaines durant, on ne m’a communiqué aucune
information sur la raison de mon arrestation. Puis, j’ai pu avoir
accès au « dossier » et je suis passé devant un juge le vendredi 6
juin. Le procureur a donné lecture de la liste entière des crimes et
délits liés à la cause animale des 11 dernières années, ainsi que
d’actions sans caractère délictueux. Ce fut passablement long.
Ensuite, il a déclaré que j’étais soupçonné d’être à la tête d’une
organisation criminelle responsable de la totalité de ces faits. Mon
avocat a dit qu’il n’y avait aucune preuve. Ensuite, j’ai voulu faire
une déclaration, mais la juge ne m’y a pas autorisé. Elle m’a
simplement tendu un verdict tout préparé, qui stipulait que je devait
rester en détention provisoire quatre semaines de plus, et qu’ensuite
elle examinerait mon cas à nouveau. Elle a procédé de la même façon
avec chacune des 10 personnes arrêtées, y compris le directeur de
campagnes de Four Paws International.

Qu’y a-t-il donc derrière tout cela ? Je pense qu’il s’agit de
l’attaque la plus grave contre le mouvement pour les droits des
animaux qui se soit jamais produite dans le monde depuis que ce
mouvement existe. Il y a 11 ans, nous nous sommes lancés dans une
nouvelle forme de militance en Autriche. Nous avons utilisé la
tactique classique des campagnes sur le terrain, le contact avec les
media, et des actions de désobéissance civile, afin d’obtenir des
réformes législatives. Et nous avons connu beaucoup de succès.
D’abord, nous avons fait interdire l’élevage d’animaux à fourrure,
puis les animaux sauvages dans les cirques, puis les cages en
batterie et l’expérimentation sur les singes et, dernièrement,
l’élevage de lapins en cage. Ces succès ont beaucoup inquiété des
groupes puissants dans la société. Une fois obtenue l’interdiction de
l’élevage des poules en batterie en 2004, nous avons commencé à
ressentir une répression policière croissante. La section anti-
terroriste de la police a commencé à nous surveiller et à nous
diffamer en diffusant des communiqués disant que nous étions
soupçonnés d’activités criminelles. Puis, le ministre de l’intérieur
nous a publiquement qualifié de groupe violent. Nous avons tenté de
porter plainte contre lui pour cela, mais la plainte n’était pas
recevable en raison de l’immunité dont il bénéficiait en tant que
ministre. Lorsqu’il a été questionné au Parlement à ce sujet, il a
cependant admis que son accusation s’était fondée sur des hypothèses
erronées. Nous l’avons traité publiquement de menteur. Il est
significatif qu’il n’ait pas réagi.

Enfin… nous avons cru qu’il ne réagissait pas. A peu près à la même
époque, un groupe spécial de police fut constitué et il démarra une
opération de surveillance à grande échelle, visant à la fois des ONG
et des individus du mouvement pour les droits des animaux. Vous
connaissez déjà la suite.

Comme après des années de surveillance intensive, la police n’avait
toujours pas découvert d’éléments à charge, ils durent se contenter
de nous déclarer suspects d’avoir commis un délit pour lequel il
n’est pas nécessaire d’apporter de preuve. Selon la loi, il est
illégal de former une grande organisation (c’est-à-dire une
organisation de plus de 10 personnes), possédant une structure
hiérarchique et conduite à la façon d’une entreprise, dont le but est
d’influer sur la vie politique ou économique, et qui à cette fin
commet aussi des crimes et délits, au moins occasionnellement.
Puisque nous menons des campagnes pour influer sur la vie politique
et économique, et puisqu’il existe une forme de délinquance – peu
développée, concernant des délits mineurs – liée à la cause animale,
et même si nous n’y sommes mêlés en rien, cela a suffit au Procureur
général pour utiliser cette loi, pour la première fois dans
l’histoire, à l’encontre d’une ONG. Et n’oubliez pas, parmi les « 
crimes » recensés par l’accusation figurent des distributions de
tracts, des blocus, et des enquêtes menées incognito dans des
élevages intensifs. C’est une évolution très inquiétante. La police
est en train d’utiliser la loi anti-terroriste contre des campagnes
non délictueuses relevant de l’exercice légitime des droits
politiques. Amnesty International a exprimé son inquiétude. Un député
du parti des Verts m’a rendu visite en prison et les Verts ont
exprimé leur désapprobation et questionné le ministre de l’intérieur
au Parlement. Mais il s’est refusé à tout commentaire. Au lieu de
quoi, le Procureur général à diffusé un communiqué de presse
diffamatoire disant que nous étions suspectés d’être les auteurs
d’incendies et « d’attaques au gaz ».

Il s’agit d’une opération politique : une attaque de grande envergure
contre des campagnes visant à réformer les lois qui se sont avérées
efficaces. Je vous en prie, faites entendre vos protestations contre
les criminels qui sont les instigateurs de cette attaque, et qui sont
probablement haut placés dans le gouvernement.

Je soutiendrai ce mouvement de protestation autant que je le pourrai.
Dès mon arrestation, j’ai entamé une grève de la faim. Mis à part une
collation avant mon passage devant la juge, je n’ai rien mangé
depuis. J’ai passé la dernière semaine à la prison de l’hôpital. J’ai
des troubles de la vision et me suis déjà évanoui une fois. Ils ont
dit qu’ils commenceraient bientôt à m’alimenter de force.

J’ai besoin de votre aide. Je compte sur vous. Merci de tout le
soutien que vous nous avez déjà apporté. Je vous en prie, croyez-moi
quand je vous dis qu’il n’y a vraiment aucune preuve de quelque
activité criminelle que ce soit me concernant. Il n’y en pas
maintenant, et il n’y en aura jamais.

Martin Balluch

Association autrichienne contre les fabriques d’animaux

Depuis l’hôpital de la prison de Vienne

9 juin 2008