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La bombe atomique d’Hiroshima couverte par un brevet français ?

Publie le mercredi 6 août 2008 par Open-Publishing
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63ème anniversaire d’Hiroshima et de Nagasaki

L’énergie atomique se manifesta publiquement pour la première fois le 6 août 1945 : destruction à peu près complète et instantanée d’Hiroshima.

La "performance" fut répétée trois jours plus tard sur Nagasaki avec le même succès. Si la surprise fut grande dans l’opinion publique, parmi les savants il n’en fut rien car ils envisageaient ce développement scientifique depuis 1939.

Contrairement à ce qui a été écrit plusieurs années plus tard, ces destructions de masse ne traumatisèrent ni le milieu scientifique ni l’opinion publique. Elles furent perçues comme le début d’une ère nouvelle, "l’âge atomique" confirmant la fiabilité de cette nouvelle source d’énergie. Le mercredi 8 août 1945, on put lire à la une du journal Le Monde : "Une révolution scientifique : Les Américains lancent leur première bombe atomique sur le japon".

L’unanimité fut assez parfaite dans l’ensemble de la presse. L’ampleur du désastre, ces êtres humains qui, en quelques millionièmes de seconde, furent "volatilisés" et ne laissèrent qu’une ombre sur les murs, loin de déclencher horreur et indignation, fut reçue comme la preuve objective d’un avenir radieux pour une humanité qui allait enfin être débarrassée à tout jamais des contraintes du travail.

La matière se révélait source inépuisable d’énergie, qu’il serait possible d’utiliser partout sans limite, sans effort, sans danger. D’invraisemblables projets étaient présentés sérieusement comme à notre portée dans un avenir très proche. On parlait de faire fondre la glace des pôles par bombardement atomique pour produire un climat tempéré sur la terre entière, d’araser le Mont Blanc ou de combler la Méditerranée pour irriguer le Sahara (Joliot), etc.

Le délire scientiste n’a plus jamais atteint de tels sommets. Les explosions sur le Japon furent glorifiées et bénies par tout ce que l’establishment scientifique avait de disponible : à l’époque cela s’appelait "les savants". La mobilisation fut spontanée pour nous initier à cet avenir que les prix Nobel du "Projet Manhattan" nous avaient soigneusement préparé. Hiroshima devait ouvrir à l’humanité une ère de liberté, on entrait dans la modernité libératrice.

La seule voix discordante fut celle d’Albert Camus dans l’éditorial de Combat le 8 août 1945 : "Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique.

On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes, que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. [...] Il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer une découverte qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles". Ces positions lui valurent, quelques jours plus tard, de violentes critiques.

Pour France-Soir, l’ère nouvelle fut inaugurée le 16 juillet 1945, date de l’essai de la première bombe atomique. Il titre le 8 novembre 1945 : "Le 16 juillet 1945 à Alamogordo, par une nuit d’orage, le monde est entré dans une ère nouvelle". L’article se poursuit ainsi : "L’espèce humaine a réussi à passer un âge nouveau : l’âge atomique".

Ce même journal titrait un article le 9 août 1945 : "L’emploi de la bombe atomique ouvre des horizons illimités".

Le 10 août 1945, après la destruction de Nagasaki, France-Soir confiait ses colonnes à "un prince, académicien français et prix Nobel de physique" qui titrait son article : "L’homme pourra demain tirer plus d’énergie de quelques grammes de matière désintégrée que de la houille, de l’eau et du pétrole, par le prince Louis de Broglie, de l’Académie française".

Le 8 août 1945, le journal Libération titrait en première page : "La nouvelle découverte peut bouleverser le monde. [...] Charbon, essence, électricité ne seraient bientôt plus que des souvenirs".

L’Humanité du 8 août 1945 titre en première page : "La bombe atomique a son histoire depuis 1938, dans tous les pays des savants s’employaient à cette tâche immense : libérer l’énergie nucléaire. Les travaux du professeur Frédéric Joliot-Curie ont été un appoint énorme dans la réalisation de cette prodigieuse conquête de la science". Les journaux mentionnent à de nombreuses reprises la part jouée par la France dans cette prodigieuse découverte.

Ainsi on trouve dans le Figaro du 9 août 1945 un communiqué de l’AFP : "Paimpol 8 août - M. Joliot-Curie fait de Paimpol la communication suivante : L’emploi de l’énergie atomique et de la bombe atomique a son origine dans les découvertes et les travaux effectués au Collège de France par MM. Joliot-Curie, Alban et Kowarski en 1939 et 1940. Des communications ont été faites et des brevets pris à cette époque".

Un de ces brevets porte sur les "Perfectionnements aux charges explosives", brevet d’invention n° 971-324, "demandé le 4 mai 1939 à 15 h 35 min à Paris".

Cependant, personne en 1945 n’osa réclamer au gouvernement américain des royalties, bien que finalement on affirmât que la destruction de Hiroshima était couverte par un brevet français ! Seul un bénéfice moral était attendu en exigeant que l’opinion mondiale reconnût la contribution française aux massacres d’Hiroshima et de Nagasaki.

Témoignages sur Hiroshima :

 Récits des jours d’Hiroshima du docteur Shuntaro Hida

 Hiroshima 54 jours d’enfer du Docteur Michihiko Hachiya

 Futaba Kitayama, atomisée à 1 700 mètres de l’hypocentre à Hiroshima

 Hideo Shimpo atomisé â 1 300 mètres de l’hypocentre à Hiroshima

 Ube Makoto atomisé à 3 kilomètres de l’hypocentre à Hiroshima

 Fleurs d’été de Tamiki Hara atomisé à Hiroshima

Ces destructions de masse de la bombe atomique ne traumatisèrent ni le milieu scientifique, ni la presse, ni l’opinion publique...

Ecoutez : "Micro-Climat" (réglez le son assez fort), une émission de Radio Libertaire du 9/8/1988 avec Roger Belbéoch sur Hiroshima et Nagasaki, 1h34 en Real 8,5 Kb.

A lire :

 L’homme qui défia la censure

 Les véritables raisons d’Hiroshima

 Hiroshima et Nagasaki anéanties pour rien, Le Nouvel Observateur n°2125 (en PDF), 26 juillet au 3 août 2005.

 Les ingénieurs oubliés de la bombe

 Un extrait du livre "Plus clair que mille soleils" de Robert Jungk

 L’histoire de la protection des brevets de l’équipe Joliot

 L’Allemagne et la course à l’atome : Pourquoi Hitler n’a pas eu la bombe atomique, Science & Vie n°915, décembre 1993 en PDF (un article sur le livre : "Opération Epsilon").

A voir :

 "Guerre du Pacifique : Nagasaki", un documentaire de Serge Viallet, 51mn en Realvideo 33Kb.

 "Rain of ruin" un documentaire de 1 heure en Realvideo 33Kb sur les bombardements atomiques qui bien qu’entièrement aligné sur les thèses officielles américaines (centaines de millier de vies américaines sauvées, refus du Japon de se rendre etc.) est très instructif sur la préparation et les infrastructures mises en place pour arriver aux bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki.

http://www.dissident-media.org/infonucleaire

Messages

  • Les armes blanches, machettes, couteaux, sagaies ont fait plus de morts que les armes nucléaires au cours du XX° siècle.
    Voir le conflit au congo ex-belge.

    • Le dernier commentaire à propos des "machettes, couteaux, sagaies" qui auraient fait plus de morts que la bombe atomique illustre bien le côté idéologique, coloniale, des possesseurs "blancs" de l’arme suprême.

      Ce n’est pas pour rien si les premiers essais français ont lieu en pleine guerre d’Algérie...

      Ce n’est pas pour rien si feu l’Afrique du Sud, qui possédait, grâce en autres à Israël, 6 bombes atomiques, voyait en l’invention la preuve de la suprématie occidentale sur l’indigène.

      Les premières critiques de l’arme atomique n’émanaient pas d’Albert Camus mais de théologiens chrétiens, qui trouvaient le projet Mannahtan, "infernal et faustien".

      D’un point de vue philosophique et historique, l’invention et l’utilisation de la bombe A est contemporaine d’Auzchwitz, de la naissance d’un complexe industrio-militaire, très lié aux compagnies pétrolière et de la Guerre foide.

      Martin Heidegger a raison lorsqu’il écrivait un peu près à la même époque : "La science ne pense pas."

      Himalove

  • La rétrospective est cruelle pour la volaille qui fait l’opinion et les scientifiques sans conscience.

    C’est sans conteste le complexe militaro-industriel qui pousse aujourd’hui à cette militarisation que nous observons de l’ensemble de la planète , complexe US, bien sûr, mais Français, Allemand, Israeliens et autres petits assoifés de bonnes armes blanches ou neutroniques pour démolir encore plus la Terre et ses habitants.

    Epoque belliciste, paranoiaque, concurentielle. La realpolitik consiste a toujours plus s’armer, dit-on, real suicide mode d’emploi donné par nos généraux qui envoient allègrement se faire massacrer les blancs, les jaunes, les noirs pour satisfaie leurs volontés guerrières.

    Il faut remarquer que ce qui marche le mieux en terme de rentabilité ce sont les actions des fabricants d’armes. De fait, il y a donc un lien entre cette explosion boursière au-delà de toute raison, et les explosions futures que nos fabricants et marchands d’armes préparent dans le secret de leurs labos stériles, pour leur gloriole et leur appétits bestiaux, tout aussi humainement stériles.

    Soleil Sombre

  • Une précision technique,

    Le brevet en question porte sur le principe de la charge creuse capable de développer des pressions immenses jamais égalée par les systèmes classiques. Ces pressions élevées sont nécessaires pour initier soit la fusion soit la fission nucléaire dans une réaction nucléaire explosive.

    l’invention était déjà connue de tous et des allemands : ils travaillèrent sur le perfectionnement de dispositifs qui permettraient à partir d’uranium enrichi de provoquer la fission nucléaire. Tout est très bien décrit dans un ouvrage récent qui s’intitule " la bombe d’ Hitler" et dont j’ai oublié l’auteur...on y lit des révélations intéressantes sur l’avancement des recherches des physiciens allemands sur la bombe A.

    Le point clé de la mise au point d’une charge creuse efficace était l’invention de nouveaux explosifs plus puissants.

    Les charges creuses sont encore employées dans les munitions anti-char, elles sont redoutables ...

    Les français n’ont pas "inventé" la bombe A mais le principe d’un dispositif nécessaire à celle-ci...cependant, un dièse ou bémol : le brevet est français pas international...

    • Leo Szilard avait presque réussi à imposer un moratoire sur les recherches nucléaires en 1938 par peur, justement, que les allemands développeraient une bombe nucléaire. Et c’est justement là la grande importance de ce brevet français : il a foutu tellement la trouille a Szilard qu’il a poussé Einstein à écrire à Roosevelt pour l’avertir du danger. En réaction à quoi, Roosevelt a entrepris, le développement de la bombe contre la volonté et les plus profondes convictions d’Einstein. Sans trop exagérer, on peut donc dire que le nationalisme et le chauvinisme détestable des français, a été responsable du développement de la bombe. Quant à son utilisation, justifiée ou non, cela est une tout autre débat. Cependant, Joliot-Curie par son soif de gloire, a une énorme responsabilité morale dans la mort de centaines de milliers de victimes et cela en fait tout de lui, sauf un héros admirable.