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Interview d’un Grec sur la révolte populaire actuelle

Publie le vendredi 19 décembre 2008 par Open-Publishing
6 commentaires

Yannis Androulidakis, secrétaire international de l’ESE grecque (anarcho-syndicaliste), s’exprime sur la révolte qui secoue la Grèce depuis l’assassinat d’Alexis :

Peux tu revenir sur les circonstances de la mort d’Alexis ?

Il y a trois ans que la police grecque a instauré une stratégie de provocation dans le quartier d’Exârcheia, lieu populaire historique d’Athènes, où vivent nombre d’étudiants, de jeunes et de libertaires. Les rondes de la police ont augmenté ces derniers temps et les insultes à l’encontre des gens du quartier par les policiers sont le lot quotidien.

En ce qui concerne l’assassinat du jeune de 15 ans, tous les témoins oculaires (résidents du quartier, passants etc) affirment que les policiers ont provoqué un cercle de jeunes en les insultant. Quand les jeunes ont répondu, les policiers ont garé leur voiture avant de revenir au point où les jeunes étaient assis puis ils ont tiré trois fois. Les témoins affirment aussi que l’assassin a tiré à vol d’oiseau sur Aléxandros, qui est tombé mort sur le trottoir.

Il s’agit là de pratiques habituelles chez la police grecque ?

Depuis la fin de la dictature des colonels, plusieurs dizaines de gens ont été tués par la police. Parmi eux, Mikalis Kaltezas, militant anarchiste de 15 ans (en 1985), Issidoros Issidoropoulos, militant d’extrême gauche de 16 ans (en 1976), les manifestants Koumis et Kanellopoulou, mais aussi un nombre infini d’immigrés et des minorités ethniques (tziganes, turcs de Thrace etc). Dernièrement, la police avait également assassiné un jeune handicapé. En même temps, on a une quantité innombrable de cas de tortures contre des militants, des manifestants et des immigrés arrêtés, ainsi qu’un usage systématique et injustifié de bombes lacrymogène et de gaz chimiques pendant toutes les manifestations. Il faut souligner que la police entoure traditionnellement les manifestations en Grèce. J’ajouterai enfin que jamais un policier n’a été tué en Grèce par des manifestants et que jamais un policier – même condamné par la justice - n’a passé plus que 2,5 ans en prison.

Au-delà de l’assassinat du jeune, y a-t-il d’autres raisons qui expliquent cette explosion ?

Nous sommes la première génération d’après guerre qui vit dans des conditions de travail et économiques pires que celles de nos parents. En Grèce on parle souvent de "la génération de 700 euros’". Sans aucun doute, il s’agit d’un slogan qui sous-estime la réalité. Parce que la grande majorité des jeunes de moins de 30 ans a des salaires inférieurs à 700 euros. Il n’y a plus de contrats de travail non précaires. Le travail au noir est très fort aussi. Le patronat licencie au nom de la "crise". En même temps que le Capital grec se réjouit d’une rentabilité énorme grâce au pillage des pays balkaniques. La situation est encore pire pour les immigrés qui souffrent des lois racistes, de la xénophobie généralisée en Grèce et de l’action impunie de groupes nazis. Il faut souligner que la participation des immigrés à ce mouvement est assez grande et que, comme d’habitude, ce sont eux les premières victimes de la répression étatique : sur quelques 400 arrêtés, la moitié sont des immigrés.

En ce qui concerne la vie politique et la corruption, je vous donnerai quelques éléments qui résument la situation politique grecque.

Récemment un scandale dit de « Vatopedi » a éclaté. Le gouvernement a offert des terres… publiques à l’église (!!!). Je rappellerai aussi que deux familles (Papandréou pour le centre-gauche, le PASOK et Caramanlis pour la droite) ont gouverné 34 années sur les 40 dernières années en Grèce. Ce à quoi il faut ajouter la gestion désastreuse par l’État des incendies de l’été 2007 et de leurs conséquences, la casse de la sécurité sociale par les lois des socialistes en 2001 et par la droite en 2006, les privatisations de l’électricité, des ports et de Olympic Airways.

Sur le mouvement en tant que tel, quelles sont ses caractéristiques ?

Presque dans toutes les capitales des départements du pays, la révolte s’est allumée. A Salonique, à Agrinion, à Yannena, partout en Crète, des affrontements opposent les manifestants et la police. A Patras, la police a attaqué les manifestants accompagnée par un bataillon de néo-nazis armés, dit "citoyens indignés". A Athènes chaque jour, il y a 2 ou 3 manifestations différentes, avec plusieurs dizaines de milliers de participants. 20.000 manifestants solidaires ont accompagné Alexandros Grigoropoulos pendant son enterrement. Il ne s’agissait pas du tout d’une "sédition aveugle" comme les médias l’ont dit. Bien au contraire, le mouvement continue... Les manifs sont appelées tous les jours par divers groupes, ou même par Internet ou par SMS. Les élèves du secondaire se rassemblent tous les jours dans toute la ville autour des postes de police. Au cœur de la ville trois universités (École Polytechnique, École d’économie, École de droit) sont occupées par des militants et on peut dire que ces trois lieux forment la réelle coordination du mouvement à laquelle se réfèrent les adultes. En ce qui concerne les étudiants en milieu scolaire, on constate des formes inédites d’organisation, horizontales et de grande ampleur. Actuellement, il y a environ 800 lycées occupés en Grèce.

Peut-on parler de soulèvement populaire ou est-ce exagéré ?

Non seulement on peut parler d’un soulèvement populaire, mais il s’agit de la plus grande rébellion en Grèce depuis au moins fin 1965, probablement l’une des plus grandes révoltes dans le monde occidental depuis Mai 68 à Paris. Il convient de noter que ce n’est pas une rébellion de « militants », bien que les mouvements de la gauche, extrême gauche et en particulier les anarchistes, soient très forts dans le pays. Ce n’est même pas un mouvement de marginalisés (comme à Los Angeles en 1992 et Paris en 2005), ni une révolte de la "jeunesse". Des personnes de tous âges et de différentes couches sociales sont sorties dans la rue, face à la police. Au point que le "black bloc" (très fort en Grèce), semble être une force modérée dans la rue. Il s’agit de la colère sociale accumulée depuis de nombreuses années, 34 ans de République en Grèce qui s’est exprimée dans la rue.

Quel est le rôle joué par les étudiants à l’origine de la protestation ?

Il est difficile de distinguer les différents groupes sociaux. Les lycéens de 14-16 ans sont peut-être les plus visibles, sont chaque jour sur la rue, font 2 ou 3 manifestations et attaquent tous les jours plusieurs postes de police. Parfois, nous allons les accompagner, de peur que les enfants se retrouvent en face d’hommes armés. C’est une nouvelle politisation qui parfois ne partage pas les mêmes craintes que nous au sujet de la violence populaire. Ce que nous appelons en Grèce "l’ignorance du danger." Les étudiants, quant à eux, entendent rejoindre cette rébellion avec ses spécificités et seront peut être le prochain « phares » du mouvement.

Quelle est l’implication des différentes composantes du mouvement social grec dans cette révolte ?

Toute personne qui affirme que ce mouvement est "dirigé" un menteur. Même s’il a été allumé par des anarchistes à Athènes, cette rébellion a été suivie spontanément par toutes les identités politiques. Les idées et les collectifs anticapitalistes ont été renforcés ces jours-ci. Nous pourrions distinguer les trois universités occupées d’Athènes, en disant que la Polytechnique est dans les mains des anarchistes "puristes" (ce qui ne signifie plus grand chose maintenant), l’École d’économie est un lieu où l’anarchisme-lutte des classes est très présent (les comités de travailleurs y ont été très présents pour aller aux lieux de travail et discuter avec les travailleurs) et la Faculté de droit réunit la plus grande partie de l’extrême gauche. Reste à ajouter que pour ce qui est de la gauche parlementaire, le Parti communiste (stalinien toujours) dénonce la rébellion des « provocateurs », tandis que le parti "Synaspismos" (Gauche européenne), participe à la manifestation, sans être partie prenante d’aucune structure dans le mouvement.

Comment évalues-tu la suite de la récente grève générale ?

La seule centrale du pays GSEE est historiquement coupable pour son absence dans ce mouvement. Cette absence de la plus grande rébellion de ces 50 dernières années indique la débâcle et l’échec du syndicalisme et de l’État bureaucratique. La grève du 10 Décembre a été proclamée avant l’assassinat du camarade Alexandros, pour réclamer des mesures contre la crise. Ensuite, la GSEE a dû décider (après une demande du Premier ministre) d’annuler la manifestation et de ne pas participer au meeting ! Ce comportement va à l’encontre des intérêts populaires et ouvriers, et est un pas en avant sur la voie de la collaboration de classe contre la lutte des classes. Nous dénonçons cette politique de trahison de la GSEE et réitérons le besoin urgent d’une nouvelle confédération syndicale en Grèce. C’est d’ailleurs pour dénoncer la CGSE que nous avons occupé ses locaux le mercredi 17 décembre. Je voudrais ajouter que, malgré la GSEE, des dizaines de milliers de personnes ont marché à Athènes et ailleurs, grâce aux liens entre collectifs ouvriers, entre syndicats de certaines professions. La participation à la grève a également été très grande, étant donné qu’une grande partie du processus de production était déjà été réduit dans le pays.

Quel est le rôle joué par les médias grecs ? Au niveau international, les médias parlent de « hooliganisme »

Les médias ont une fonction de "voile noir". De nombreuses publications ont menti sur le "vandalisme" qui n’a jamais existé (bibliothèque nationale "brûlée" académie détruite, pourquoi pas demain la "démolition" du Parthénon ? ) ou la propagation "des rumeurs qu’il y ait un passager tué par une pierre ». Le lendemain, ils disent "Hum, oui, ce n’est jamais arrivé ... Il arrive que… vous voyez… dans le désarroi de la nuit dernière… nous avons eu de telles informations." La réalité est (personnellement je peux vous assurer étant journaliste professionnel), que ces "informations" viennent de la police tous les jours sans que les médias se livrent à la moindre vérification.. D’autres fois, les médias parlent d’une « arrivée secrète d’anarchiste de France, d’Espagne et d’Italie déjà en route pour aider les anarchistes grecs (sic) ». Mais qu’attendre d’autre de médias officiels dont les propriétaires sont les tenants de cette politique économique capitaliste qui a motivé cette rébellion ? Il y a surtout les attaques de la police au cours de ces journées (tir en l’air, la torture, etc.)

Le mot de la fin ?

Les mobilisations donnent toujours des résultats inattendus. La réalité a déjà dépassé les prévisions et les projets des organisations et de militants. Mais d’autre part, le mouvement ne parvient pas, à ce jour, à des revendications spécifiques. Personnellement, ce que j’espère est qu’il sortira de cela un nouveau mouvement avec des structures de travailleurs, syndicales, sociales et populaires plus organisées et plus axées sur la lutte. Mais, compte tenu de ce qui se passe en Grèce, j’espère aussi que la réalité continuera à dépasser nos attentes. Nous l’avons vécu ici et nous pouvons le faire de nouveau. Ne pas oublier qu’il ya une intelligence qui est au-delà de l’intelligence de tous les génies. C’est l’intelligence collective du monde, c’est l’intelligence des personnes qui sortent dans la rue pour restaurer la vie.

Propos recueillis par Jérémie du SI de la CNT et complétés par le collectif Kaosenlared.net

http://www.cnt-f.org/spip.php?article863

Messages

  • C’est le désespoir qui est en train de s’exprimer.

    Toute une jeune génération qui a compris qu’on leur avait menti.

    Des études peut-être mais sans travail au bout, sans salaire correct donc sans avenir.

    Il y a 4 ans les JO avaient eu lieu dans l’euphorie générale. On en entend plus parler. Dans 4 ans le même désespoir pour les chinois. Eux aussi commencent à gronder.

  • En parlant du "tout ca pour quoi ?" : l’article du wsws

    Les questions politiques des manifestations de masse en Grèce
    Par Ulrich Rippert
    20 décembre 2008

    Le World Socialist Web Site se solidarise entièrement avec les dizaines de milliers d’étudiants, de jeunes et de travailleurs qui ont occupé les rues de villes grecques par des manifestations, des grèves et des batailles rangées avec la police armée anti-émeute. Cette lutte sociale de masse, déclenchée par le meurtre du jeune de 15 ans Alexis Grigoropoulos par la police, est le présage de soulèvements révolutionnaires à venir, pas seulement en Grèce, mais de par l’Europe et le monde.

    Le caractère soutenu et militant de ces manifestations est en fait l’expression de la réaction de millions de travailleurs et de jeunes qui voient leurs conditions de vie détruites et leurs avenirs volés par le développement de la pire crise capitaliste mondiale depuis la Grande Dépression des années 1930.

    Les événements en Grèce ont semé la consternation dans les capitales à travers l’Europe. Les gouvernements de Londres, Paris, Madrid, Rome et Berlin sont bien conscients que les conditions de détérioration dans les écoles et les universités ne se limitent pas qu’à la Grèce. Pas plus que les emplois à bas salaire, le chômage de masse, la brutalité policière et le manque général d’avenir pour les jeunes ne sont particuliers qu’à la péninsule hellénique.

    À travers l’Europe et de par le monde, la jeune génération fait face à une société dans laquelle les élites dirigeantes ont pu s’enrichir grassement aux dépens des larges masses de la population. Les budgets gouvernementaux ont été pillés et les systèmes d’éducation et sociaux ont été ravagés à la demande d’une minuscule couche immensément riche qui, avec l’aide des partis et des Etats corrompus et de la police armée, défend farouchement ses privilèges. Des millions de jeunes étudiants se voient refuser une éducation de bon niveau ou un emploi qui leur garantiraient un avenir. Ils font plutôt face à la pauvreté, la guerre et la militarisation de la société.

    Le fait que de tels problèmes ne se limitent pas qu’à la Grèce, mais qu’ils soient au contraire dominants tout autour du globe pose la nécessité de considérer les jours de colère à Athènes et dans d’autres villes grecques d’un point de vue politique plus large.

    Les événements en Grèce démontrent clairement que des masses de travailleurs et de jeunes ne sont plus prêtes à accepter les conditions intolérables créées par le capitalisme. Le mépris des jeunes et des étudiants envers les clichés et les promesses creuses d’une caste politique corrompue est entièrement justifié. Les jeunes manifestants ont fait preuve d’un grand courage face à la brutalité de la police anti-émeute. Rien ne va changer sans l’intervention active, massive et résolue de ceux qui sont affectés par la crise.

    Cependant, le développement d’une perspective politique claire pour guider ces luttes et la construction d’un leadership révolutionnaire prêt à mener jusqu’au bout la lutte pour la transformation socialiste de la société sont cruciaux.

    La première tâche est de faire une analyse politique sérieuse de la situation. Comme à travers une loupe, tous les problèmes fondamentaux de la société européenne ont été exposés dans ce pays relativement petit qui fut le berceau de la civilisation sur le continent.

    Les effets de la crise financière internationale ont dramatiquement intensifié la longue crise économique en Grèce. À la fin de novembre, dans un article intitulé « Les propriétaires de bateaux grecs pris dans la tempête », le journal allemand Handelsblatt a écrit que l’industrie clé du pays est en train de glisser dans « une récession profonde ». Les revenus ont chuté « drastiquement ». Le journal cite un analyste qui déclare : « Cette crise dépasse tout ce que nous avons vécu jusqu’à maintenant. »

    La production industrielle, qui constitue seulement 13,5 pour cent du produit intérieur brut du pays, a aussi chuté considérablement l’année dernière : le textile et les vêtements (-10 pour cent), la production métallurgique (-9,1 pour cent), les produits électroniques (-22,3 pour cent) et la construction de navires (-18,1 pour cent) ont tous subit des pertes importantes. Les investissements étrangers directs ont chuté de 31,3 milliards d’euros en 2006 à seulement 4,6 milliards l’année dernière. L’indice boursier d’Athènes, ASE General, qui a débuté l’année à 5000, a maintenant chuté sous les 1900 points.

    Malgré une vague de privatisations et de coupures dans les dépenses sociales, l’endettement du pays (94 pour cent du produit intérieur brut) est dépassé, dans la zone euro, seulement par l’Italie. Dans un développement parallèle, l’endettement des ménages privés dans les sept dernières années, depuis l’introduction de l’euro et l’inflation qui l’a suivie, a quintuplé, passant de 16,8 à 93,3 milliards d’euros.

    Les salaires sont extrêmement bas, la moyenne de revenu mensuel étant 789 euros. C’est légèrement plus qu’en Pologne (785 euros) et substantiellement moins qu’au Portugal (1080 euros). Le chômage chez les jeunes est officiellement à 21,4 pour cent et, dans l’Union européenne, il n’est dépassé que par celui de l’Espagne (25 pour cent).

    Au milieu d’octobre, le gouvernement de Kostas Karamanlis a décidé d’implanter un « plan de sauvetage des banques » de 28 milliards d’euros dans le but de protéger les super-riches de grosses pertes causées par la spéculation financière. Ce nouveau niveau de dette gouvernementale va inévitablement mener à une autre ronde de coupes budgétaires.

    Pendant des décennies, la politique en Grèce, le berceau de la démocratie, a été dominée par deux familles : le clan Karamanlis et le clan Papandreou. Les deux ont établi des réseaux de corruption et de népotisme qui ont dominé l’Etat dans tous les secteurs importants de la vie sociale.

    Le premier ministre actuel, Kostas Karamanlis, est le neveu de Konstantin Karamanlis, qui a mis sur pied le parti conservateur Nea Dimokratia (Nouvelle Démocratie, ND) en 1974 et a occupé, à différents moments, les postes de premier ministre et de président. Le président actuel, Karolos Papoulias, est un membre fondateur du Mouvement socialiste panhellénique (PASOK) et un proche ami d’Andreas Papandreou, dont le fils est aujourd’hui président du PASOK.

    Aucun autre parti politique n’a autant dominé la scène politique grecque que le PASOK depuis la fin de la junte militaire en 1974. Il a formé le gouvernement de 1981 à 1989 et de 1993 à 2004 et est très influent auprès des syndicats du pays.

    Dans les années 1980, le PASOK a défendu la politique du nationalisme politique et économique, qui consistait principalement en une rhétorique anti-américaine et anti-européenne combinée à l’implémentation de réformes sociales limitées. Dans les années 1990 toutefois, comme les autres partis sociaux-démocrates en Europe, il a de plus en plus adopté le modèle économique du néolibéralisme et imposé des coupes draconiennes dans les programmes sociaux, suivant les prescriptions de l’Union européenne.

    L’appui électoral au PASOK s’est affaibli suite à ce tournant vers cette politique néolibérale et vers une politique étrangère de plus en plus agressive, par exemple son appui à la guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie en 1999. En 2000, il a réussi à obtenir une courte victoire contre ND dans les élections nationales et, en 2004, le gouvernement droitier de ND dirigé par Kostas Karamanlis a pu prendre le pouvoir.

    C’est dans un tel contexte que le Parti communiste de Grèce (KKE) s’est rué pour venir en aide au PASOK. Le KKE est servilement demeuré loyal à la bureaucratie moscovite jusqu’à la fin des années 1980, lorsque l’effondrement de l’Union soviétique a entraîné son éclatement. Après une série de scissions, il est resté un noyau dur d’anciens staliniens qui ont usé de leur influence dans les syndicats pour pacifier les luttes de la classe ouvrière et les ramener derrière le PASOK.

    Il est caractéristique que le président du KKE Aleka Papariga ait immédiatement attaqué les récentes manifestations et les luttes dans la rue comme le fait de « milices juvéniles » et qu’il ait dénoncé les jeunes qui y étaient impliqués comme des « auteurs insensés de violence ». Le but central du KKE est d’empêcher que la radicalisation de la jeunesse s’étende à la classe ouvrière.

    Avec le tournant affirmé vers la droite du PASOK et du KKE, d’autres formations de gauche ont cherché à détourner le mouvement de masse des jeunes. Au premier chef, il y a la « coalition de gauche », ou la SYRIZA, un amalgame de groupes les plus divers, allant des verts à des soi-disant socialistes en passant par les pacifistes, les féministes et les radicaux de gauche.

    La composition hétérogène de ce parti trouve son reflet dans son manque de clarté programmatique. Lors de la campagne électorale de l’an dernier, la coalition a insisté sur la question de l’écologie, le plus petit commun dénominateur de ses adhérents, après des luttes intestines acerbes.

    La direction du parti a explicitement refusé de mettre de l’avant des demandes socialistes. Plutôt, il a misé sur une courte victoire du PASOK dans l’espoir que cela forcerait ce dernier à former une alliance avec le SYRIZA. Ce n’est pas un hasard si le président du Parti de la Gauche allemand, Lothar Bisky, a été invité d’honneur dans des rassemblements électoraux du SYRIZA. Il ne suffit que de prendre connaissance de la politique mis de l’avant par le Parti de la Gauche à Berlin pour comprendre que rien de progressiste ne sortira de cette « coalition de la gauche ».

    Les éléments anarchistes jouent également un rôle rétrograde dans les luttes en Grèce en rendant les travailleurs responsables de la politique droitière du PASOK, du KKE et des syndicats, ce qui sert à isoler la jeunesse de la classe ouvrière dans son ensemble.

    La seule véritable orientation progressiste pour le mouvement actuel en Grèce est de se tourner délibérément vers la classe ouvrière en Grèce et dans toute l’Europe. Cela exige un programme socialiste international, basé sur les leçons politiques tirées des principales luttes de la classe ouvrière internationale et sur les leçons des défaites et des tragédies vécues dans les dernières décennies.

    Le World Socialist Web Site et les sections européennes du Comité international de la Quatrième Internationale, le Parti pour l’égalité socialiste en Allemagne et Grande-Bretagne, appelle pour l’extension à tout l’Europe des protestations de masse et des luttes qui ont fait éruption en Grèce.

    Ce mouvement doit être construit sur la perspective d’unir les travailleurs européens dans une lutte commune pour mettre fin au système de profit capitaliste et pour socialiser les forces productives afin de satisfaire les besoins de l’humanité. Contre l’Union européenne capitaliste, les travailleurs doivent lutter pour la création des Etats-Unis socialistes d’Europe.

    Au sein de la Grèce elle-même, la tâche la plus importante est celle de la construction d’un parti socialiste révolutionnaire de la classe ouvrière en tant que section du Comité international de la Quatrième Internationale.

  • Changer de monde impose deux choses :

    1) Abattre l’ancien

    2) Avoir quelque chose à mettre à la place

    Les deux questions s’interpénètrent et prennent aux tripes et au fond la société dans ses profondeurs les plus intimes et non par un beau matin où on a 50,1% à des élections.

    Abattre l’ancien fait ressortir combien le présent est devenu intolérable , la rage (mesurée) des jeunes (et moins jeunes) grecs devant une situation sociale intolérable montre combien la situation de la jeunesse a changé depuis le 68 français et le mai rampant italien des années post-68.

    C’est bien une jeunesse au destin de prolétaires qui bouge dans ses tréfonds et un destin appauvri, frappé par la crise du capitalisme.

    La question du "ensuite" se pose déjà et elle est singulièrement compliquée . Comme en 68 il existe un mouvement ouvrier avec des syndicats puissants étroitement encadrés par un parti qui est là social-libéral.

    La suite, des occupations des entreprises partout, avec des comités qui se coordonnent, une solution politique centrale construite sur une classe dirigeante auto-organisée, s’échoue sur le retard pris par l’opposition révolutionnaire (extrême gauche , anars , etc), et par la puissance de contrôle et de nuisance du PASOK et à un moindre degré du KKE.

    La SYRIZA qui agit à sa façon , espèce de grand machin style CUALS qui aurait réussi à plus ou moins se mettre d’accord, semble avoir de grandes difficultés à fournir une orientation homogène aidant à une solution révolutionnaire à la crise : le développement de l’auto-organisation à plus grande échelle permettant d’agréger et d’unifier le prolétariat dans les entreprises, dans la jeunesse et dans les villes et quartiers.

    L’auto-organisation n’a de sens que si elle permet, sur la base du combat, d’être l’expression organisée de tous les travailleurs, les chômeurs , la jeunesse, le peuple , y compris et surtout de ceux qui demeurent dans une logique réformiste (seule façon pour qu’ils progressent et coupent les ponts avec la nuisance social-démocrate).

    La question grecque demeure bloquée par les retards pris dans l’auto-organisation et la puissance de contrôle bureaucratique du PASOK.

    En Grèce il semblerait qu’une partie des anarchistes et une partie de l’extreme gauche soit plus dans le vrai sur ce qu’il convient de faire au stade actuel de la bataille.

    Au centre , l’auto-organisation coordonnée, hyper-démocratique et anti-bureaucratique, unifiant tous et toutes comme expression populaire de ce qui a vocation de réellement , de concrètement, renverser le 4eme âge corrompu et crépusculaire du capitalisme.

    Les blocages en Grèce par une social-démocratie pro-capitaliste dans son appareil n’existent pas dans d’autres pays qui peuvent craquer à tout instant.

    En France, la fragmentation syndicale est extrême et l’apparition dans le peuple de structures d’auto-organisation serait un soulagement, en cas de crise à la grecque, pour résoudre les problèmes de division.

    D’autres états qui disposent depuis longtemps d’un haut niveau d’activité dans la classe ouvrière comme en Italie, d’une situation comparable, sont également dans les startings blocs.

    La solidarité doit continuer avec la révolte grecque, l’information circuler, mais également celle des luttes dans toute l’Europe et ses pourtours.

    La solidarité en France c’est également faire notre boulot ici pour contribuer à la mobilisation contre les solutions (qui n’en sont pas) du capitalisme à sa crise, des régions et localités bougent massivement , donnant profondeur à l’enracinement de la remise en cause du capitalisme.

    Il faut aider à ce que ces mouvements disparates s’unissent et convergent pour créer une réalité supérieure permettant de mieux peser sur le rapport de forces face à la classe bourgeoise.

    Tout est à prendre.

    Et il faut également des partis et mouvements politiques qui travaillent à cela.

    • Pas d’accord ...

      1) Abattre l’ancien

      2/ personne ne sait la suite.

      Donc il n’y a pas de 1 + 2.

      Il y a révolution, et ensuite ???

    • Il y a révolution quand l’ancien est remplacé par autre chose , pour l’instant rien n’est abattu et rien ne remplace une société construite sur la domination d’une classe sur le monde.

      Tu ne peux abattre l’ancien sans qu’il y ait gestation d’un nouveau. L’ancien ne sera pas abattu si il n’y a pas un pouvoir concurrent plus puissant que celui de la bourgeoisie..... Sinon tu meurs...

      C’est dans le processus révolutionnaire (et avant) que se construit l’ensuite, c’est même ce qui fait le processus révolutionnaire.

      Il n’est pas dans mon propos de dire : c’est 1) avant 2) mais d’indiquer que les deux conditions sont nécessaires, sinon retour à la niche.....

      Et ce qui manque en Grèce c’est bien un pouvoir alternatif, au moins avec une taille appréciable.

      La désir d’abattre le capitalisme existe dans une grande partie de la jeunesse et des travailleurs.

      Ce n’est pas suffisant. Pour cela, il faut que le mouvement sécrète une alternative organisée massive capable de bas en haut (le haut contrôlé étroitement par le bas) de représenter la solution de remplacement pour la population.

      Sinon reprise de l’initiative par le capitalisme et écrasement , soft ou dur.