Accueil > FAHRENHEIT 9/11

FAHRENHEIT 9/11

Publie le mercredi 4 août 2004 par Open-Publishing

par Michael Moore ;

4 juillet 2004.

Mes amis,

Par où commencer ? La semaine qui vient de s’écouler m’a donné le tournis.
"Fahrenheit 9/11 a fait le plus grand nombre d’entrées dans les salles aux
Etats-Unis, c’est le documentaire qui a eu le plus de spectateurs de l’
histoire du cinéma. J’ai la tête qui tourne. Est-ce que ce n’est pas nous
qui avons, il y a tout juste huit semaines, perdu notre distributeur ?

Karl Rove n’a donc pas réussi à nous arrêter ? Bush est en train de faire ses
valises ?

Tous les jours, cette semaine, j’ai reçu une nouvelle info de la presse
qui couvre Hollywood. Et j’avais à peine eu le temps de me remettre de la
précédente que la suivante venait m’assommer.
Il y a eu plus de spectateurs pour " Fahrenheit 9/11 " en un weekend que
pour " Bowling for Columbine " en neuf mois.
" Fahrenheit 9/11" a battu le record de " Rocky III " au Box Office : il a
eu le plus grand nombre de spectateurs le premier weekend pour un film
projeté dans moins de 1000 salles.
" Fahrenheit 9/11 a battu le premier weekend du " Retour du Jedi "
"Fahrenheit 9/11" a été immédiatement n°2 de l’histoire pour la moyenne
des entrées par salle d’un film en sortie nationale.

Comment puis-je remercier tous ceux d’entre vous qui sont allés le voir ?
Ces records sont ahurissants. Ce sont autant d’ondes de choc qui ont
atteint Hollywood, et aussi, et c’est plus important, la Maison Blanche.
Mais ça ne s’est pas arrêté là. La réaction au film est alors entrée dans
la Quatrième Dimension. En zappant sur les chaînes je suis tombé sur Fox,
qui diffusait la course de voitures NASCAR en direct, dimanche dernier, pour
des millions d’américains. Et tout à coup les commentateurs se sont mis à
parler de Dale Earnhardt, Jr, le champion de NASCAR, qui avait emmené toute
son équipe voir " Fahrenheit 9/11" la veille au soir. Le commentateur sportif,
Chris Myers, a livré la critique du film de Earnhardt texto à l’Amérique
profonde : "Il a dit : "hé, ce serait une bonne expérience pour souder l’
équipe, quelles que soient vos opinions politiques". Pour un américain, c’
est un bon truc à voir. " Whaou ! Les fans de NASCAR - alors là, il n’y a
pas plus pro-Bush que ça ! Les camions de déménagements de la Maison
Blanche - METTEZ LES MOTEURS EN MARCHE !

Puis il y a eu Roger Friedman de Fox News qui a fait une critique
parfaitement enthousiaste de notre film, en disant que c’était une oeuvre
brillante, et un film que les membres de tous les partis politiques
devaient absolument aller voir. Richard Goldstein de " Village Voice " a
émis l’ hypothèse que comme Bush est déjà considéré comme sorti, Rupert Murdoch se met à rechercher les faveurs de la nouvelle administration. Je n’en sais
rien, mais Fox n’a jamais eu un mot positif à mon égard. Donc, quand j’ai
eu repris connaissance, je me suis demandé si je n’allais pas recevoir aussi
une lettre d’amour de Sean Hannity.

Et vous avez vu la liste des Top Ten de Dave Letterman ? : "Les 10
critiques de George W. Bush sur "Fahrenheit 9/11" :

10. L’acteur qui joue le Président n’est absolument pas convaincant.
9. Le film est très simplificateur sur la façon dont j’ai volé l’élection
présidentielle.
8. Il y a trop de mots intellos compliqués.
7. Si Michael Moore avait attendu quelques mois, il aurait pu inclure l’
épisode où je l’envoie en déportation.
6. Il n’y avait pas un de ces singes très marrants qui fument des
cigarettes et font un doigt aux spectateurs.
5. Sur toutes les accusations de Michael Moore, il n’y en a que 97% de
vraies.
4. Pas sûr. J’ai perdu connaissance après avoir avalé un popcorn de
travers.
3. Mais où était Spiderman ?
2. J’ai presque rien entendu, Cheney gueulait trop, il arrêtait pas de jurer.
1. Je croyais que c’était un film sur le Dodgeball (1)

Mais ce sont les réactions et les récits que nous avons reçus des salles
de tout le pays qui m’ont vraiment fait craquer. L’un après l’autre, les
directeurs de salles téléphonaient pour dire que les spectateurs se
levaient pour applaudir pendant le générique - dans des endroits comme
Greensboro, la Caroline du Nord et Oklahoma City, et qu’ils avaient du mal à faire
évacuer les salles après la fin du film parce que les gens étaient trop
sonnés, ou qu’ils voulaient se rasseoir et parler à leurs voisins de ce qu’ils venaient
de voir. A Trumbull, dans le Connecticut, une femme est montée sur son
fauteuil après la projection, et a crié : " On va faire un meeting ! " A San
Francisco, un homme a retiré sa chaussure et l’a lancée sur l’écran quand
Bush est apparu à la fin du film. Des groupes de paroissiennes de Tulsa,
qui étaient allées voir le film, pleuraient à chaudes larmes à la sortie.

Ce sont ces spectateurs-là qui ont fait mentir tous les experts bavards
des médias qui, avant la sortie du film, avait déclaré que seule la clique
habituelle de la gauche pure et dure irait voir "Fahrenheit 9/11". Ils se
sont complètement trompés. Des cinémas du Sud profond et du Middle-west
ont battu les records absolus de fréquentation de leurs salles. Oui, des
salles ont affiché complet à Peonia. Et à Lubbock, au Texas. Et à Anchorage,
en Alaska.

Tous les journaux, les uns après les autres, ont publié, incrédules, des
histoires complètement invraisemblables de gens qui se disaient
"Indépendants" et "Républicains ", et qui sortaient du cinéma bouleversés
et en pleurs, jurant qu’ils ne pourraient, en conscience, voter pour George

W.Bush. Le New York Times a raconté l’histoire de cette femme d’une
vingtaine d’années, républicaine conservatrice de Pensacola, Floride, qui a
pleuré pendant tout le film, et qui a dit au journaliste : " Ca remet vraiment en
question mon opinion du Président. Je me pose des questions sur ses
motivations. "

Dans Newsday, il y avait l’interview de cet homme, qui se décrivait comme
un partisan convaincu de Bush et Cheney, et qui a eu, après la projection,
une réaction très calme. Il a dit " Ce film m’a vraiment fait réfléchir sur
ce qui se passe en réalité. Il y avait vraiment trop de choses. On ne peut
pas balayer tout ça d’un revers de main ". L’homme a ensuite acheté trois
autres tickets pour revoir le film.

Le Los Angeles Times a trouvé une mère de famille qui avait soutenu
férocement Bush, dans un cinéma de Des Peres, dans le Missouri. En sortant
de la salle, les yeux humides, Leslie Hanser a dit qu’elle comprenait
enfin. " Je suis très émue. " Elle s’est arrêtée, et a fait un geste de la
main pour montrer qu’elle n’arrivait pas à trouver ses mots : "Je pense que
nous n’avions pas encore vu toute la vérité auparavant.

Tout ça a été, bien évidemment, la pire nouvelle qui soit pour la Maison
Blanche, lundi matin au réveil. J’ai l’impression qu’ils étaient tellement
sonnés qu’ils ont rendu l’Irak, hum, ils ont rendu l’Irak deux jours plus
tôt.
Des rédacteurs en chef nous ont dit qu’ils étaient bombardés de mails et
d’appels de la Maison Blanche (entendez : de Karl Rove, le Conseiller en
stratégie du Président). Celui-ci essayait de sortir de ce bourbier en
attaquant le film et en m’attaquant. Le porte-parole de Bush, Dan
Bartlett, avait dit aux journalistes accrédités auprès de la Maison Blanche
que le film était " un tissu de mensonges " - bien qu’il ne l’ait pas vu. Plus
tard, il a dit à CNN " Nous n’avons pas besoin de voir ce film vraiment
pour savoir qu’il est plein d’inexactitudes factuelles ". Au moins ils sont
cohérents. Ils n’ont jamais eu besoin de voir une seule arme de
destruction massive pour envoyer nos gamins se faire tuer.

Beaucoup de programmes d’actualités ont sauté sur la version de la Maison
Blanche avec enthousiasme. Après tout, c’est une grande partie du sujet de
"Fahrenheit " : comment les médias, par paresse, par servilité, ont cru
tous les mensonges de l’administration Bush sur la nécessité d’envahir
l’Irak.
Ils ont cru tout ce que leur disait la Maison Blanche et n’ont que très
rarement (jamais ?) posé les bonnes questions, celles qui devaient être
posées avant le début de la guerre.
Parce que le film dénonce les échecs et la complicité des médias grand
public avec l’administration Bush (qui oubliera jamais leurs ovations
incessantes lors du départ de nos troupes pour la guerre, comme s’il ne s’
agissait que d’un jeu) ceux-ci n’allaient pas me pardonner ce qui
ressemble maintenant à un phénomène culturel. Inlassablement, dans toutes
les émissions, ils m’ont attaqué avec la violence qu’on aurait aimé leur voir
envers ceux qui nous ont menti sur la nécessité d’attaquer une nation
souveraine qui ne nous menaçait pas. Je ne blâme pas nos
journalistes-vedettes bien payés - dans mon film, on dirait une bande de
lèche-culs crétins, et je crois que je serais en colère moi aussi, à leur
place. Après tout, lorsque les fans des courses NASCAR auront vu "
Fahrenheit 9/11 ", est-ce qu’ils vont un jour croire de nouveau à ce
qu’ils voient sur ABC/NBC/CBS news ?

Dans le courant de la semaine prochaine, je vous raconterai mes aventures
dans les médias ce mois-ci. (je posterai aussi sur mon site web un "
Question-Réponse " avec les questions les plus fréquemment posées afin que
vous ayez toute l’aide et tous les éléments du film pour répondre quand
vous allez vous retrouver en discussion animée avec votre beau-frère
conservateur.
Pour l’instant, sachez ceci : chacun des faits que je cite dans "
Fahrenheit 9/11 " est la vérité absolue et irréfutable. Ce film est sans
doute le documentaire qui a donné lieu aux recherches les plus complètes
et aux vérifications les plus minutieuses de notre temps. Plus de douze
personnes, y compris trois équipes d’avocats et les vérificateurs de faits
assermentés du New Yorker ont passé ce film au peigne fin pour que nous
puissions vous donner cette garantie. Ne laissez personne vous dire que
ceci ou cela n’est pas vrai. S’ils disent ça, ils mentent. Dites-leur que
les OPINIONS dans le film sont les miennes, et que tout le monde a bien le
droit de ne pas être d’accord. Et que les questions que je pose dans le
film, et qui sont basées sur ces faits irréfutables, sont aussi les miennes. Et que
j’ai le droit de les poser. Et que je continuerai à les poser jusqu’à ce
que j’obtienne des réponses.
Pour conclure, je voudrais vous dire que les réactions les plus
encourageantes au film sont venues de nos soldats et de leurs familles.
Les salles situées dans des villes de garnison dans tout le pays ont toutes
fait le plein. Nos troupes connaissent la vérité. Elles l’ont vue de leurs
yeux.

Et beaucoup de soldats ne croyaient pas que c’était un film qui était
REELLEMENT de leur côté - pour qu’ils rentrent chez eux sains et saufs et
qu’on ne les envoie plus jamais affronter le danger sauf en tout dernier
recours. Prenez quelques instants pour lire la merveilleuse histoire
ci-dessous, publiée dans le quotidien de Fayetteville, Caroline du Nord.
http://fayettevillenc.com/story.php?Template=local&Story=6429101
Ca m’a brisé le cour de lire les réactions des familles de soldats et
les commentaires de la femme de ce fantassin qui ont publiquement soutenu
mon film.

Merci encore à vous tous pour votre soutien. Ensemble, nous avons écrit un
chapitre des livres d’histoire. Et toutes mes excuses au " Retour du Jedi
".Nous nous rattraperons en réalisant " Le retour du texan à Crawford", en
novembre.
La farce soit avec vous, mais plus pour longtemps.

Michael Moore
http://www.michaelmoore.com
mmflint(AT)aol.com

P.S. Vous pouvez lire ci-dessous les récits de séance et les réactions au
film de spectateurs de tout le pays, en cliquant sur ce lien :
http://www.michaelmoore.com/words/latestnews/breakingnews/index.php?id=55

P.P.S. Autre nouvelle, je vais me mettre à blogger. ! Ce soir ! Venez voir
mon blog : http://www.michaelmoore.com/words/diary/index.php

Notes :
NASCAR Courses de voitures à l’américaine, avec accrochages etc. comme à
Indianapolis.
(pas la F1 européenne).
http://www.rds.ca/f1/talkbacks/COURSECOURF140D3738D/40D3E388-DA71.html

DODGEBALL : genre de ballon prisonnier : http://www.dodge-ball.com/site/
On peut traduire " ballon prisonnier ", mais les moins de 30 ans savent ce
qu’est le dodgeball, en Europe.

Traductrice : Catherine Guerard de Coorditrad

**********************************
coorditrad@attac.org est l’adresse du secrétariat de l’équipe des
traducteurs internationaux qui nous font bénéficier bénévolement de leurs
compétences. Vous aussi vous pouvez participer. Il suffit de contacter
coorditrad en précisant votre (ou vos) langue maternelle, les langues
depuis lesquelles vous pouvez traduire et votre niveau de compétence. Le
travail de traduction est basé sur le volontariat et ne vous engage pas à répondre à
toutes les demandes. Vous travaillez à votre rythme et en fonction de vos
centres d’intérêt.