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Le prétexte perse et la twitter zone

Publie le samedi 27 juin 2009 par Open-Publishing
5 commentaires

de K. Selim

La crise postélectorale iranienne est, cela a été dit dans ces colonnes, l’expression d’un conflit de pouvoir entre groupes antagonistes au sommet des appareils d’Etat.

L’un des deux groupes principaux est dirigé par le Guide suprême de la Révolution islamique, l’Ayatollah Khamenei, l’autre est piloté par l’Ayatollah Rafsandjani, ancien président de la république et actuellement président du « Conseil de Discernement », une structure d’arbitrage entre les institutions du pays. La presse occidentale qui « pense pour nous », nous a donné les étiquettes : la faction dirigée par le guide suprême est ultraconservatrice et le clan opposé est le pôle modéré.

C’est pourtant une construction théorique qui ne repose sur aucune réalité programmatique ou idéologique. Les uns et les autres n’ont en réalité aucune divergence sur la nature théocratique du régime et sur la primauté absolue de la hiérarchie religieuse sur tous les aspects de la vie sociale du pays.

Ce qui divise les protagonistes de la crise, le président-élu Ahmadinedjad et son rival malheureux Moussavi, est ce qui sépare les couches populaires défavorisées et la bourgeoisie, moyenne et haute. Les uns ont été les bénéficiaires d’une politique sociale, souvent teintée de populisme et les autres souhaitent l’instauration d’un modèle économique plus conforme à leurs intérêts. Le bilan politique de Mir Hossein Moussavi lorsqu’il était premier ministre n’indique pas le degré d’ouverture qu’on lui prête aujourd’hui : plus de 8000 peines capitales ont été exécutées sous son autorité.

De la même manière, l’Ayotallah Rafsandjani, que les médias occidentaux dépeignent à l’heure actuelle comme un « modéré », avait été accusé de terrorisme international, il a même été inculpé par la justice argentine pour un attentat commis à Buenos-Aires en octobre 2006.

Un traitement singulier

La singularité du traitement de l’affaire iranienne par les médias occidentaux réside dans l’extrême mobilisation des européens par rapport au profil relativement bas adopté par les américains. Le président Obama, même s’il a fini par hausser le ton sous la pression, a fait montre d’une grande prudence en déclarant en substance que l’hostilité iranienne à l’endroit des Etats-Unis prévaudrait quel que soit le candidat élu.

La presse asiatique, bien plus au fait des réalités iraniennes qu’une expertise européenne dont le militantisme discrédite bien des analyses, est infiniment plus nuancée. La fraude, très probable comme dans tous les pays du tiers-monde, a-t-elle modifiée le résultat des élections ? Pour les asiatiques et certains américains et canadiens, cette hypothèse est purement théorique, tant la base d’Ahmadinedjad est numériquement supérieure.

La grille de lecture extrêmement réductrice et d’un manichéisme primaire proposée par les médias européens n’est pas valide. Les affrontements internes au régime n’opposent pas de bons « modérés » ou « réformateurs » à de mauvais « ultraconservateurs ». Les modérés n’entendent pas changer la nature du régime ; il s’agit pour eux, essentiellement, de réorienter l’allocation de la rente pétrolière vers les couches « entrepreneuriales » susceptibles d’en faire un usage plus efficace au service du développement du pays. Les libertés démocratiques ne sont pas à l’ordre du jour et il n’est pas sur que l’extraordinaire pression médiatique contribue à en faire une priorité.

Une défaite opportune

En réalité, pour Israël et ses alliés, la défaite du camp dirigé par Rafsandjani et Moussavi est parfaitement opportune. En termes de propagande et de stratégie de diversion, les troubles à Téhéran contribuent à relancer l’entreprise de diabolisation de ce pays et à conditionner les opinions publiques occidentales à un durcissement des sanctions. Les premiers résultats de cette campagne de grand style apparaissent déjà. De nombreux mouvements de « gauche », y compris ceux qui se réclament de la solidarité avec le tiers-monde et l’altermondialisme, rejoignent les positions des establishments politiques. Le conditionnement de l’opinion occidentale favorisera t-il l’évolution « démocratique » d’un régime autoritaire certes, mais disposant d’une légitimité populaire indiscutable ? A cette aune, aucun pays de la région ne tient la comparaison avec l’Iran. Les monarchies obscurantistes n’organisent pas d’élections et n’autorisent pas le moindre débat. Ce qui apparaît clairement est que l’indignation sélective orchestrée permet - essentiellement - à masquer les réalités moyen-orientales. Au premier chef, la politique agressive de la seule puissance nucléaire de la région. Il est bien plus simple de sanctionner l’Iran que de tenter de contraindre Israël à respecter le droit international. Dans la cacophonie savamment entretenue, la politique de colonisation et de purification ethnique se poursuit à l’ombre bienveillante du silence médiatique. Tel semble être l’enjeu d’une bataille médiatique où la solidarité avec les forces démocratiques iraniennes n’est qu’un confortable prétexte.

http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5123037

Messages

  • bravo trés bel article et trés honorable analyse ce sont toujours les mauvais qui dominent dans tous les domaines ils n’ont ni scrupules ni honeteté quele que soit leur rang dans la hiérarchie intellectuelle ou politique ,il est trés facile de donner des conseils et meme des ordres aux faibles militairement meme s’ils sont riches financièrement d’ailleurs c’est tout ce que l’occident convoite les richesses de ses pays et l’europe et les u s a vont jusqu’à rogner les acquis démocratiques de leur propre pays au profit d’ne bourgeoisie de plus en plus riche et prédatrice sans concession pour quiconque,on retourne à la fameuse lutte des classes de marx le combas est inégal et l’injustice flagrante,mais les richesn’ont jamais eu de morale.

    • A mourir de rire sur la séparation entre une politique en faveur des couches populaires et une politique accommodante avec des couches plus hautes...

      Dans un état urbain à 70% , où on fouette des syndicalistes, où le taux de chômage est énorme, les conditions de vie dégradées ces dernières années (sous l’impact des sanctions de l’impérialisme et celui de la bureaucratie anti-sociale, bourgeoise et théocrate qui dirige), ce genre de distinction relève de la rigolade.

      Parler des richesses convoitées par l’impérialisme est juste mais ça ne fait pas de la clique liberticide qui dirige l’Iran des danseuses en tutu rose mais bien des semelles de plomb pour le peuple iranien.

      Cette clique qui étrangle les libertés démocratiques est bien une terrible faiblesse face à l’impérialisme. Y voir, parce qu’elle maltraite le peuple, interdit de manifester, arrête et torture des opposants, matraque à tout va, interdit la plupart des libertés d’expression, détruit les syndicats non inféodés à elle, fait fouetter des syndicalistes, une expression du peuple est une conception un peu singulière des choses, un masochisme bien ancré.

      Une expression populaire massive s’est exprimée dans les manifs en Iran avec largement autant de monde que celles bénéficiant de l’aide des miliciens et de l’état, malgré la répression et les médias tous soutenant l’extreme-droite au pouvoir , qui a montré que l’aspiration aux libertés démocratiques est puissante dans cet état.

      Indiquer que le soutien mondial de la gauche à la gauche iranienne c’est se mettre du côté de l’impérialisme et du sionisme parce que ça affaiblirait le pouvoir de la faction d’extrême droite aux affaires relève de la tartuferie.

      La position d’une partie de la gauche de soutenir partout les libertés des travailleurs et du peuple est une position de longue date et co-fondatrice du mouvement ouvrier mondial dés ses débuts.

      Cette position estime que les libertés démocratiques , les droits de l’homme et de la femme, sont parmi les conditions indispensables à l’expression et la puissance des interets populaires.

      Ce n’est pas le Quotidien d’Oran qui pourrait infirmer cette orientation si ce n’est en se suicidant ou en clamant que les petites marges de liberté qu’il a défendu et dont il bénéficie c’est trop bon pour les Perses...

      La gauche internationale est et fut aux côtés des droits et libertés du peuple algérien, elle est du côté de la lutte nationale du peuple palestinien, aux côtés des batailles sociales et pour les libertés en Egypte, soutient les grèves au Maroc et en Tunisie, dénonce la guerre criminelle des impérialismes en Irak et en Afghanistan.

      Notre ami semble là l’ignorer ou ne semble pas connaitre ceux qui furent à une époque les porteurs de valise et qui n’ont jamais trahi, de ce point de vue, les valeurs de la lutte contre l’impérialisme et le colonialisme, les valeurs des libertés démocratiques, d’organisation , d’expression.

      Le journalisme est-il là affaire d’amnésie ?

      Essayer de faire croire à une indignation sélective de la gauche internationale relève de l’escroquerie.

      Si on parle de la gauche d’abandon qu’on ne considère plus de gauche en France et ailleurs en Europe, alors oui. Celle du libéral-nomenclaturisme qui prévaut dans la plupart des dits partis social-démocrates, travaillistes ou socialistes, a effectivement rangé ses patins depuis longtemps aux côtés de l’impérialisme et ses interets.

      Mais si on parle de la gauche révolutionnaire qui n’a jamais transigé sur ces questions et est internationale et internationaliste par nature, alors non.

      Les autres orientations d’atteinte aux libertés et surtout de dictature CONTRE le peuple et le prolétariat, en bafouant les moyens d’expression de la classe populaire n’ont jamais été autre chose que des cache-sexes d’une classe exploiteuse qui cherchait à maintenir sa domination et son exploitation d’un peuple par la corruption et l’exploitation de l’homme par l’homme.

      Maintenant savoir si une des deux factions en lutte est le "bon" camp, dans des élections truquées et en plus déformées comme dans les états impérialistes par des hauts-parleurs médiatiques tenus par le pouvoir sur l’essentiel, par des règles de présentation excluant les courants laïques de se présenter, relève de la fureur imaginative.

      Par contre, bien claire fut la protestation populaire qui a embrassé rapidement l’ensemble des problèmes, bien loin de la faction qui s’est sentie lésée par le résultat des élections tel que reconnu officiellement.

      Savoir si cette protestation est majoritaire ou pas est une autre question, impossible à trancher. Mais qu’elle soit massive et populaire, qu’elle traite de la question de lever le pouvoir de la théocratie sur la société, qu’elle soit en défense des libertés populaires, oui.

      L’appel de la gauche iranienne doit être entendu et doit rencontrer solidarité , non pas pour faire à la place ou donner des conseils mais sur ce qu’ils demandent de nous.

      Pour les autres, ceux qui soutiennent des extreme-droites fascisantes par désir d’anti-impérialisme, ils affaiblissent de fait le camp de la lutte contre l’impérialisme en soutenant et acceptant qu’on tabasse le camp populaire, qu’on violente et torture, qu’on tue et qu’on opprime, qu’on interdise les libertés démocratiques, etc.

      Ce n’est pas le camp de l’anti-impérialisme, le camp pour les libertés démocratiques les plus larges, ce n’est pas la gauche iranienne et le mouvement ouvrier iranien qui a affaiblit la résistance à l’impérialisme en interdisant les libertés démocratiques, en tabassant et tuant des manifestants par dizaines, etc, mais bien l’appareil d’état iranien d’extrême droite appuyé sur des miliciens fascistes et une faction de l’appareil théocratique.

      L’inversion que l’on connait bien maintenant des souteneurs des régimes autoritaires qui consiste à essayer de faire porter la faute sur ceux qu’ils tabassent et maltraitent, de dire que c’est la faute à ceux qu’ils baillonnent si les libertés démocratiques sont bafouées, est une très vieille chanson pour soumettre les peuples, qui n’a pas de continent, ni de métropoles, qui sert largement aussi bien dans les métropoles impérialistes pour agresser les populations et diminuer leurs libertés (le sarkozisme en France, le berlusconisme en Italie, le bushisme aux USA, etc) comme dans les régimes autoritaires des pays dits en voie de développement.

      La liberté de la presse, la liberté d’expression individuelle et collective, la liberté d’organisation, le respect des droits des hommes et des femmes, sont une bataille universelle.

      Le principe des libertés populaires et ouvrières , individuelles et d’organisation , là dessus est une bataille qui permet par ailleurs de contrebalancer et d’essayer de lutte contre la liberté du Renard dans le poulailler qui, quand il ne peut dominer par la violence, domine par la possession des grandes médias et moyens d’expression.

      La gauche internationale doit s’engager sur l’ensemble des libertés, des libertés d’expression individuelles et collectives, conditions d’exercice de celles-ci (par exemple que ce ne soit pas la proximité du pouvoir et un gros chèque qui permette de bénéficier de médias puissants, comme en Occident ou en... Iran), partout sur la planète .

      Les libertés d’organisation des travailleurs et du prolétariat urbain majoritaire sur la planète maintenant doivent être défendues contre les matraqueurs de Téhéran à Paris, de Séoul à Shanghai, de Bogota à Lagos.

      Partout.

      Maintenant, ce n’est certainement pas l’affaire d’une partie de la petite bourgeoisie autoritaire qui oscille dans le vent réclamant dans son pays des libertés qu’elle combat dans d’autres états au nom de l’anti-impérialisme.

      Personnellement je ne vois pas de difference de principe et de fonctionnement entre des voltigeurs d’un état autoritaire en Iran de celle de matraqueurs en France avec l’autoritariste et très sioniste président français.

      Les mêmes méthodes et manipulations médiatiques , une bourgeoisie et un état pareillement aux commandes...

    • Pouvez vous préciser ce qu’est exactement la "gauche internationale" ?

    • La question est trop sensible pour l’envisager de cette manière. Question de vie ou de mort, devant le danger de participer à la justification d’une éventuelle attaque aérienne de l’iran qui le ramènerair à l’age de pierre

      Soutenir les camarades en iran ce n’est pas participer involontairement ou pas à une campagne médiatique dont ils ne peuvent apprécier l’ampleur comme nous le vivons ici tranquillement. Nous ne pouvons vivre leurs douleurs, leurs souffrances, mais nous pouvons les alerter sur l’intense tapage médiatique que nous vivons ici.

      Certes il n’est pas à douter qu’ils le sachent qu’ils l’analysent, mais comme nous ne pouvons avoir la mesure de ce qu’ils subissent dans leur chair, il ne peuvent mesurer exactement l’impact, au quotidien, de l’ampleur du matraquage et de la propagande anti-iran que nous vivons.

      S’il y avait un service, un soutien à leur apporter, c’est de leur faire passer simplement ce paramètre, cette mesure subjective, seul élément objectif au fond que nous ayons. Et il est de taille !

      Mais peut être en ont ils déjà pris conscience, tellement cette propagande en Europe est débridée , folle, hystérique et finalement peut être contreproductive vis à vis des buts que l’on peut lui supposer....

    • Cette position estime que les libertés démocratiques , les droits de l’homme et de la femme, sont parmi les conditions indispensables à l’expression et la puissance des interets populaires.

      Bravo... Copas, super... mais qui est le vrai leader de l`opposition ? (de gauche ???)...

      Qui est Moussavi ?

      Il fut le premier ministre du pays pendant la guerre avec l’Irak (1981-1989). Il fut responsable de l’exécution du massacre de milliers de prisonniers politiques. C’est durant son mandat que la totalité des partis et organisations politiques, syndicats, organisations féministes etc. furent poursuivis, leurs membres - dont des milliers de jeunes et étudiants - arrêtés, torturés, exécutés. Il s’agit du plus grand massacre de l’histoire contemporaine d’Iran. Parmi les victimes, 53 membres du comité central du part Toudeh (communiste), dont 4 qui avaient passé 25 dans les prisons du Shah, des poètes, des écrivains, professeurs d’université, médecins, des dizaines de militaires (parmi lesquels le commandant en chef des forces navales d’Iran, le général Afzali, accusé d’être communiste), les principaux représentants des minorités religieuses au parlement (toutes de gauche), liquidés après avoir souffert des tortures inimaginables tant physiques que psychologiques (par exemple être contraint à tirer le coup de grâce à leur camarades). Les revendications d’autonomie des minorités ethniques (près de 60% de la population du pays) durement réprimées, des centaines de kurdes et de turkmènes pendus sur les places publiques. L’ampleur de la répression politique, religieuse, ethnique, et antiféministe du régime islamiste a contraint plus de 4 millions d’iraniens à l’exil, le plus grand exil de toute son histoire. On estime à 30 000 le nombre d’assassinats dans ces quelques mois de 1988.

      En 2008, à l’occasion du vingtième anniversaire du massacre, Amnesty International, dans son rapport annuel, demande que les responsables du « massacre des prisons » rendent des comptes (la plupart des victimes étaient déjà en prison). Tout le monde en Iran n’a pas oublié ce sanglant épisode de l’histoire et durant la campagne électorale, plusieurs fois, les étudiants ont demandé des explications à Moussavi sur son rôle de l’époque.