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Il y a 20 ans, feu à la centrale nucléaire de Vandellos (Espagne)

Publie le jeudi 15 octobre 2009 par Open-Publishing

Der Spiegel, 30/10/89 :

"Panik im Kontrol Iraum"

Panique dans la salle de contrôle

Le jeudi 19 octobre, les habitants des environs de la centrale de Vandellos ont pu voir s’élever la fumée d’un incendie situé sur le site nucléaire. Ce n’est qu’au cours des jours suivants qu’ils ont pu apprendre ce qui s’était passé.

Une des deux turbines de la centrale a explosé et s’est enflammée. L’incendie, alimenté par huile lourde des compartiments de la turbine s’est étendu et a mis en danger le système de refroidissement du réacteur.

On n’a sans doute évité l’accident majeur que de justesse. Les antinucléaires pensent qu’il s’agit là de l’accident de centrale le plus grave depuis Tchernobyl. Les autorités et les équipes de secours ont également sombré dans la confusion devant l’accident qui touchait ce vieux réacteur, "de l’époque de De Gaulle" (d’après le ministre de l’industrie espagnol).

Il est entré en service en 1972, utilise de l’uranium naturel et est refroidi par du dioxyde de carbone. L’eau de mer circule dans le secondaire pour évacuer la chaleur excédentaire, et 3000 tonnes de graphite servent de "modérateur". Quatre pompes fournissent le dioxyde de carbone nécessaire. L’arrêt de cette alimentation entraînerait l’incendie du graphite et produirait un accident comparable à celui de Tchernobyl. Or l’incendie de la turbine a endommagé deux des quatre pompes et menacé les deux autres. Le circuit secondaire a même connu des périodes de déséquilibre au cours de la nuit de l’accident : les deux pompes encore en état de marche ont connu des moments de dysfonctionnement.

L’accident a pris naissance "loin du réacteur" (d’après les paroles d’un représentant de la centrale) : une des turbines a dû être déconnectée par suite de problèmes techniques, ce qui a produit de violentes vibrations dans le circuit de refroidissement [...]. Une fissure est apparue, l’hydrogène est entré par là et au contact de l’air s’est enflammé. L’incendie s’est propagé jusqu’au système de cables électriques.

D’après le syndicaliste Ruiz (des Commissions Ouvrières), lorsque les pompiers sont arrivés, les techniciens étaient en pleine confusion, et prenaient la fuite. Les pompiers n’avaient pas été prévenus qu’il s’agissait d’un feu d’huile et de cables électriques, et leur premier véhicule ne contenait pas de la mousse, mais de l’eau (pour les feux de forêts). Même avec la mousse, l’incendie ne s’arrêtait pas parce qu’il était alimenté par des canalisations souterraines. Les pompiers ont finalement dû combattre directement le foyer sans vêtements de protection, et sans savoir s’ils subissaient des radiations.

L’action de sauvetage a presque causé la catastrophe : l’eau initialement déversée a envahi les sous-sols de la centrale et menacé de provoquer l’arrêt des systèmes de sécurité encore en état. Il a fallu la pomper, mais on a retiré beaucoup plus d’eau que ce qui avait été déversé. "Nous ne savions pas, à ce que dit un membre des équipes de secours, si le circuit secondaire n’avait pas explosé et libéré toute cette eau, ou si nous l’avions nous même transférée du bassin alimentation du système".

Ce n’est que le jour suivant que la température du réacteur est revenue à sa valeur normale.

Les négligences ne se sont pas arrêtées là : les pompiers n’ont n’ont été soumis à un contrôle de radioactivité que quatre jours plus tard (la poussière radioactive éventuelle ne pouvait plus être détectée). Dans toute la Catalogne, les pompiers n’ont à leur disposition que trois combinaisons pour intervenir en milieu irradié. Ils menacent de ne pas se déplacer pour un incendie de centrale à l’avenir s’ils ne reçoivent pas d’appareil de mesure de radioactivité.

Le mardi 24 octobre, un transformateur auxiliaire de la centrale a subi un court-circuit, avec un fort relâché de fumée. L’affaire n’a pas eu de suite mais la population ne s’en est pas moins inquiétée.

Les autorités veulent remettre en marche Vandellos 1 dans quatre mois (elle est sensée fermer en 2003) en remplaçant la turbine par un appareillage venu de la centrale analogue de Saint Laurent.

El Pais, 29/10/89 :

Vandellos brûle

Ce sont des habitants proches de la centrale qui ont indiqué vers 21 H 40 à la police que de la fumée sortait par moments de la centrale. L’avarie s’est produite dans le turbogénérateur du groupe primaire. L’hydrogène est entré en contact avec l’air, provoquant une explosion. La salle de contrôle située à 15 m du réacteur a commencé à être envahie par une épaisse fumée. Il a fallu utiliser des masques à oxygène pour continuer à travailler. Des conduites amenant de l’eau de mer ont été rompues par l’incendie et la salle a été remplie d’un mètre d’eau (ce qui a bloqué divers systèmes de sécurité).

Le Gouvernement Civil a décidé après 22 h de déclencher le Plan d’Urgence nucléaire de Tarragone. L’anné précédente, en sept mois de fonctionnement, Vandellos 2 avait connu trois incendies. Ce n’est qu’à 22 h 21 que le Gouvernement Civil a su où était située l’avarie. L’intervention des pompiers a eu lieu dans une confusion considérable, et dans une atmosphère de peur d’une fuite radioactive. A 23 h 33, la direction de la centrale admet que la réfrigération du coeur subit des interruptions. A 23 h 36, l’incendie est contrôlé, mais non pas étouffé. Ce n’est que vers 2 h du matin que la centrale peut dire que que le feu est éteint et que le refroidissement du coeur fonctionne.

Au matin, les autorités prétendent qu’il n’y avait pas de danger (mais la Protection Civile affirme le contraire).

II est probable que le Conseil de Sûreté nucléaire va exiger des réaménagements tels que les travaux seront longs (un à trois ans) et le coût énorme.

Le réacteur s’est trouvé arrêté 32 secondes après le début de l’incendie (on ne sait pas si c’est à la suite d’une réaction automatique, ou de l’action d’un opérateur). L’EDF qui possède des parts de Vandellos a déclaré qu’elle ferait tout pour que ce réacteur reste en fonctionnement jusqu’à l’an 2003, comme prévu. Vandellos 1 est une centrale au graphite-gaz d’un type voisin de celui des quatre réacteurs français qui vont être arrêtés au cours des trois prochaines années. [Le prototype de Vandellos 1, la centrale de St-Laurent-des-Eaux a également connu de nombreux incidents. Le 13 mars il a été le théâtre de l’accident connu le plus grave dans une installation française.] EDF explique que la situation en France est différente : elle possède des centrales produisant du courant moins cher, ce qui n’est pas le cas de l’Espagne (EDF n’admettrait l’arrêt que si les parois du réacteur avaient subi des dommages structurels dans l’incendie).

La conception du réacteur était défectueuse en ceci que les vents ont poussé les flammes vers l’intérieur, vers le réacteur. Les autorités centrales espagnoles sont plus sceptiques sur l’avenir de Vandellos 1 et envisagent d’en faire une poubelle nucléaire.

Un plan d’urgence contesté

L’attitude de la direction de la centrale, qui a prévenu les pompiers avant l’autorité chargée du Plan d’Urgence nucléaire de Tarragone, pouvait compromettre l’efficacité du plan (dont la Protection civile a la charge).

Par ailleurs, les groupes écologistes locaux considèrent que l’objectif réel de ce plan est d’empêcher la fuite de la population irradiée (pour qu’elle n’entre pas en contact avec les populations non contaminées). II prévoit qu’en cas de fuite radioactive, les routes passent sous contrôle de la Garde civile, et que celle-ci aurait le droit de soumettre les gens à des examens radiologiques (dans des Unités de Répartition et de Decontamination qui d’après les écologistes ressembleraient plus à des camps de concentration qu’à des services d’aide sanitaire).

Pour que le plan puisse fonctionner, il faudrait que l’administration centrale fournisse des moyens qui font encore défaut (amélioration des voies de communication pour rendre possible des évacuations d’urgence, installation de mégaphones pour prévenir la population de la zone).

L’Ametlla (le comité antinucléaire) appelle à la grève générale pour demain 30 octobre afin d’obtenir le démantèlement de Vardellos 1

Ametlla de Mar est une ville (d’environ 5000 habitants) située à 9 kilomètres de la centrale. Le comité antinucléaire a convoqué une grève générale de 24 heures, qui est soutenue par la municipalité.

On demande le démantèlement immédiat de Vandellos 1, et le démantèlement progressif de Vandellos 2, Asco 1 et Asco 2 (toutes situées dans la province de Tarragone). Les habitants des environs s’estiment gravement lésés par les annulations de réservations hôtelières et d’achats de résidences d’été.

Le programme de la journée de grève comprend une "cacerolada" à dix heures du matin, un hommage à 12 heures à l’attention de trois femmes qui avaient été arrêtées en 1974 pour avoir manifesté contre le projet initial des centrales nucléaires, et une manifestation à 17 heures.

Le Comité antinucléaire est soutenu par les jeunes de la localité, et a reçu des facilités de la municipalité (locaux, lignes téléphoniques). Le fait qu’un circuit pour motocyclettes soit à moins de deux kilomètres de la centrale semble une source importante de motivation.

Les municipalités de Montroig, Pratdip et Tivissa sont moins engagées (ils demandent aussi la fermeture de Vandellos 1 et le gel du second réacteur tant que les carences du Plan d’Urgence ne seront pas comblées). Une manifestation a également été appelée par les étudiants pour le lundi 30 octobre. Diverses forces syndicales essayent de constituer un mouvement de citoyens antinucléaire à Tarragone. Le CDS doit proposer à la prochaine séance de la municipalité de cette ville le démantèlement de la centrale qui a subi l’incendie.

Les pompiers se sont de leur côté indignés de l’attitude du personnel de la centrale pendant l’accident. D’après Josep Pino, chef du détachement de pompiers de Amposta (près de Tarragone) : "Les techniciens ont fui de la zone du sinistre et nous sommes restés seuls pendant qu’on entendait des cris "ça va sur le réacteur", "ça va sur le réacteur". La direction de la centrale et la société Hifrensa ont démenti ces informations, et on parle de sanctionner l’auteur de ces paroles.

Rappel sur les accidents et incidents graves déjà survenus sur réacteur

(Voir aussi : les accidents du travail, les pertes ou vols de sources radioactives...)

21 décembre 1952 - Chalk River (Ontario, Canada). A la suite de fausses manoeuvres sur les barres de contrôle, excursion de puissance du petit réacteur NRX à eau lourde. La puissance double toutes les deux secondes ; le processus, non explosif, est arrêté par vidange de l’eau lourde. Irradiation de 31 employés à des taux allant de 4 à 17 rems.

29 novembre 1955 - Centre national d’essais de réacteurs (Idaho, États Unis). Excursion de puissance du petit surgénérateur EBR-1 en raison de fausses manoeuvres sur les barres de contrôle. La puissance double tous les deux dixièmes de seconde. Le processus est arrêté par retrait de la couverture en uranium naturel. Fusion de 40 à 50 % du coeur. Pratiquement pas d’irradiation du personnel.

Octobre 1956 - Marcoule (Gard, France). Alors que le réacteur graphitegaz militaire G1 atteint pour la première fois sa puissance maximale (40 MWth, 3 MWé), le combustible d’un canal (quelques kg d’uranium) s’oxyde et fond, probablement en raison d’une réduction accidentelle du débit. Forte contamination du canal accidenté et des canaux voisins. Les conséquences extérieures auraient été rendues négligeables par les filtres.

8-12 octobre 1957 - Windscale (Cumberland, Angleterre). Incendie d’un réacteur plutonigène militaire. Contamination importante d’une partie du Cumberland, contamination plus faible d’une bonne partie de l’Angleterre. Probablement plusieurs dizaines de cancers mortels.

24 mai 1958 - Chalk River (Ontario, Canada). Quelques barreaux de combustible du réacteur à eau lourde NRU (200 MWth) avaient été abimés la veille lors d’une montée en puissance. L’un d’eux prend feu lors de son déchargement. Contamination importante, limitée au bâtiment du réacteur. Quelques employés reçoivent 20 rem d’irradiation. (Voir la vidéo en anglais de 1958)

15 octobre 1958 - Vinca (Yougoslavie). Excursion de puissance d’un réacteur de recherche à eau lourde, suite à un mauvais réglage du niveau d’eau lourde. Pas d’explosion, mais six personnes gravement irradiées (un mort). [Lors de la montée de l’eau dans le réacteur, la mesure de puissance étant défectueuse, celle-ci a continué au-delà de la surcriticité. Détection olfactive par un opérateur (dégagement d’ozone). Pas d’endommagement du coeur. 1 mort (433 rem) et 5 personnes irradiées (205 - 320 - 410 - 415 et 422 rem) ont été traitées à Paris par greffe de moelle osseuse.]

18 novembre 1958 - Centre national d’essais de réacteurs (Idaho, ÉtatsUnis). Destruction du coeur du réacteur HTRE-3.

14 décembre 1959 - Marcoule (Gard, France). A la fin de la deuxième montée en puissance du réacteur graphite-gaz militaire G2 (200 MWth, 36 MWé), échauffement brutal d’un canal, non détecté en raison d’une erreur de câblage de thermocouple, avec rupture violente des gaines dans ce canal et contamination importante de 100 canaux sur un total de 1200.
Malgré les conditions météorologiques défavorables, le réacteur est vidé de son C02 pour réparations, ce qui entraîne une irradiation des habitants du voisinage, qui ne semblent pas avoir été avertis. Selon les autorités, cette irradiation est très faible*. Au cours des réparations, le personnel subira des irradiations sérieuses.

* On peut se demander ce qu’il faut entendre par-là, alors que ces mêmes autorités ont jugé normal que les habitants du village de Codolet, de 1956 à 1968, reçoivent chaque année 52 millirem du fait des émissions d’argon-41 de G1.

3 janvier 1961 - Centre national d’essais de réacteurs (Idaho, ÉtatsUnis). Excursion nucléaire du petit réacteur à eau SL-1. Trois morts, plusieurs irradiés à quelques dizaines de rem.

20 mars 1965 - Chinon (Indre-et-Loire, France). Réacteur graphite-gaz militaire d’EDF Chinon 1 (300 MWth, 70 MWé). Malgré les signaux d’interdiction, un employé va chercher quelque chose qu’il a oublié dans une zone devenue active depuis. Il reçoit 50 rem.

30 décembre 1965 - Mol (Belgique). Excursion limitée de puissance par déplacement intempestif de la barre de contrôle centrale d’un réacteur de recherche. Une personne gravement irradiée (amputation du pied).

5 octobre 1966 - Lagoona Beach (près de Monroe, Michigan, États-Unis). "On a failli perdre Detroit", une pièce de métal ayant entravé la circulation du sodium, deux assemblages d’éléments combustibles du surgénérateur Enrico Fermi (300 MWth, 61 MWé) fondent. Pendant un mois les ingénieurs n’osent pas intervenir de peur de former une " masse critique " dans le coeur. La réparation durera quatre ans. [L’activité relâchée dans le sodium et le gaz de couverture a été estimée à environ 10 000 Curies.]

7 novembre 1967 - Grenoble (Isère, France). Fusion d’un élément du combustible du réacteur de recherches Siloé (15 MWth, coeur en uranium enrichi à 90 % placé dans une " piscine " d’eau ordinaire). Dégagement de 55 000 curies dans l’eau de la piscine et de 2 000 curies dans l’atmosphère.

21 janvier 1969 - Lucens (Suisse). Décompression brutale du circuit primaire de refroidissement d’un réacteur de 30 MWth et 6 MWé, modéré à l’eau lourde et refroidi au C02, situé dans une caverne. Forte contamination. Le réacteur est abandonné et la caverne murée. (Voir la vidéo de présentation=357&tx_ttnews[list]=491,357,166,377,362,358,359&cHash=2a7ba39a9b] de 1965.)

17 octobre 1969 - Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher, France). Fusion de 50 kg d’uranium lors d’une opération de chargement du réacteur graphite-gaz Saint-Laurent 1 (480 MWé). La contamination serait restée limitée au site. Plus d’un an de réparations.

5 juin 1970 - Morris (Illinois, États-Unis). Lors de tests à 75 % de sa puissance maximum, le réacteur à eau bouillante Dresden 2 (794 MWé) s’arrête automatiquement à la suite de l’ouverture intempestive des vannes qui permettent à la vapeur de contourner la turbine. D’autres vannes interrompent alors l’émission de vapeur par le réacteur, ce qui est normal, mais sur un faux signal de bas niveau d’eau dans le réacteur, l’opérateur y envoie de l’eau. Une minute après il comprend que le signal était erronné, mais ne peut interrompre complètement l’arrivée d’eau et doit arrêter la montée en pression en ouvrant une vanne qui inonde partiellement le bâtiment réacteur. Contamination à l’intérieur de ce bâtiment, deux mois de réparations.

Septembre 1973 - Chevtchenko (Kazakhstan, URSS). A cet endroit fonctionne le surgénérateur Shevchenko BN-350 de 1000 MWth et 150 MWé (une partie de la puissance est utilisée pour le dessalement de l’eau de la mer Caspienne). 400 kg d’eau passent dans le circuit secondaire de sodium (non radioactif), d’où explosion sodium-eau, rupture des membranes d’éclatement, rejet à l’atmosphère et inflammation spontanée de l’hydrogène produit. L’incendie a été détecté par les satellites américains. On ignore le nombre des victimes éventuelles.

7 novembre 1973 - Vernon (Vermont, États-Unis). Au cours d’une vérification du coeur et des barres de contrôle du réacteur à eau bouillante Vermont Yankee (514 MWé), il se produit une criticité intempestive : on avait laissé une barre hors du coeur par inadvertance, et on montait une deuxième barre. Arrêt automatique immédiat de la réaction en chaîne par chute de barres de sécurité ; ni victimes, ni dégâts.

2 mai 1974 - Savannah River (Caroline du Sud, États-Unis). Fuites dans un réacteur plutonigène militaire à eau lourde. Contamination du voisinage par du tritium.

19 juillet 1974 - Grenoble (Isère, France). Fuite de 2 500 curies d’antimoine-124 radioactif dans la piscine du réacteur à haut flux de l’Institut Laue-Langevin (47 MWth, coeur en uranium très enrichi).
En raison de déversements trop importants d’effluents radioactifs dans des égouts insuffisamment étanches, il y a contamination de la nappe phréatique. En certains endroits on y mesure neuf fois la concentration maximale admissible. Le SCPRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants) ne prévient pas la population grenobloise. [Lire : Grenoble 1974 : première fuite en ville (Pdf 1,6 Mo) Laurent Broomhead.]

20 août 1974 - Beznau (Suisse). Un réacteur à eau pressurisée de 350 MWé subit le début de ce qui formera la séquence accidentelle de Three Mile Island, mais au bout de trois minutes l’opérateur comprend que la vanne de décharge du pressuriseur est restée ouverte, et l’incident est alors maîtrisé en neuf minutes. Il y a cependant rupture du ballon de décharge et légère contamination à l’intérieur de l’enceinte de confinement.

Février 1975 - Chevtchenko (Kazakhstan, URSS). Introduction de 800 kg d’eau dans le circuit secondaire de sodium [du surgénérateur Shevchenko BN-350], détérioration d’un générateur de vapeur, feu de 300 kg de sodium.

22 mars 1975 - Decatur (Alabama, États-Unis). Alors que les réacteurs 1 et 2 de la centrale de Browns Ferry fonctionnent à pleine puissance (1065 MWé), un ouvrier travaillant sur le réacteur n°3 en construction veut vérifier avec une bougie la surpression de la salle des câbles. Il déclenche un incendie qui s’étend à tout le câblage, et met hors de service le système de refroidissement du coeur de Browns Ferry-1, ainsi que son circuit d’injection de sécurité et de nombreuses soupapes importantes. Les opérateurs réussissent à arrêter manuellement le réacteur et à le refroidir par le circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA). Il faut également arrêter Browns Ferry-2.

5 janvier 1976 - Bohunice (près de Bratislava, Tchécoslovaquie). Lors d’une opération de chargement, dépressurisation accidentelle brutale d’un réacteur à eau lourde de 110 MWé, refroidi par du C02 à 60 atmosphères. Deux travailleurs sont asphyxiés par le gaz. Dégagement de radioactivité à l’extérieur, à un taux non révélé.

1976 Greifswald - (RDA, Allemagne). Un électricien a enfreint les règles de sécurité en agissant de façon contraire au procédures sur l’installation de mise à la terre et un réseau de cables a pris feu dans cette centrale du type soviétique VVER 440 mW (à eau pressurisée). Les dispositifs de protection sont à plusieurs reprises tombés totalement hors service. Même les cables alimentant les pompes de refroidissement du réacteur ont brûlé. Seul le dispositif d’arrêt d’urgence a fonctionné. Mais il restait une puissance résiduelle de 80 mW qui menaçait de provoquer la fusion du coeur. Les six pompes du système de refroidissement étaient hors d’usage. Le système de secours possédait six autres pompes, dont cinq refusèrent de se mettre en marche. Par pur hasard, la sixième était connectée au réseau électrique du réacteur n°2 et a fonctionné.

28 mars 1979 - Three Mile Island (Pennsylvanie, États-Unis). Fusion partielle du coeur du réacteur n°2 de Three Mile Island. Un milliard de dollars de dégâts.

13 mars 1980 - Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher, France). Surchauffe du combustible et fusion totale de deux éléments (soit 20 kg d’uranium irradié) lors d’une montée en puissance trop rapide du réacteur graphite-gaz Saint-Laurent 2 (515 MWé). Contamination importante dans la zone d’intervention pour réparation (10 rem/h au contact). Selon le SCPRI, l’irradiation des habitants du voisinage reste en dessous du maximum admissible. [Cet incident a conduit à un arrêt de l’installation de près de quatre ans].

23 septembre 1983 - Constituyentes (Argentine). Une modification de la configuration du coeur d’un réacteur de recherches, effectuée sans respecter les consignes de sécurité, provoque une excursion de puissance et la mort de l’opérateur par irradiation [les doses absorbées par l’opérateur ont été de l’ordre de 2100 rads en rayons gamma et de 2200 rads en neutron, il meurt 48 heures après l’accident].

14 avril 1984 - Saint-Vulbas (Ain, France). Réacteur PWR Bugey-5 (900 MWé). Une diminution graduelle de la tension continue sur une des deux lignes de contrôle-commande entraîne la chute des barres et le déclenchement de la turbine. Le manque de tension conduit à alimenter le réacteur en électricité par les diésels de secours. Le premier, branché sur la ligne fautive, ne peut démarrer. Heureusement le second démarre et permet de commander le refroidissement du réacteur. Il n’y avait pas d’autre système de secours en réserve.

1er juillet 1984 - Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher, France). Croyant agir sur le réacteur PWR Saint-Laurent B1 (880 MWé), à l’arrêt, l’opérateur ordonne l’ouverture de vannes de Saint-Laurent B2, en fonctionnement. Ces vannes séparent le circuit primaire (150 atmosphères en fonctionnement) du circuit de refroidissement à l’arrêt (30 atmosphères). L’irruption de l’eau primaire aurait rompu ce circuit et causé un important LOCA (Loss Of Coolant Accident). Heureusement les vannes ne fonctionnent pas, justement à cause de la différence de pression. Cette erreur vient d’une mesure d’économie qui a conduit à faire un seul bâtiment auxiliaire pour deux réacteurs. (Voir l’excellente revue des incidents sérieux de PWR français faite par Mycle SCHNEIDER et Shoja ETEMAD in " Design and operational features, and hazards of French Pressurized Water Reactors ", international Nuclear Reactor Hazard Study, Greenpeace, 1986.)

26 avril 1986 - Pripyat (Ukraine, URSS). Catastrophe de Tchernobyl.

[Des "accidents précurseurs" de Tchernobyl avaient été tenus secrets (voir le livre de Grigori Medvedev), ces accidents sont d’après Nucleonics Week :
- 7 mai 1966 : excursion de puissance dans un prototype de réacteur à eau bouillante (62 MW). Un physicien de la santé et un contrôleur ont été irradiés. La réaction en chaîne a été stoppée avec le déversement de deux sacs borique sur le réacteur.
- 1964-1979 : fréquentes destructions d’assemblages de combustibles dans le coeur du réacteur n°1 de la centrale de Biéloyarsk. Les équipes de travail ont été irradiées.
- 7 janvier 1974 : explosion d’un réservoir de béton contenant des gaz radioactifs à Léningrad 1.
- 6 février 1974 : explosion du circuit tertiaire à Léningrad 1 par suite de chocs hydrauliques dus à un violent phénomène d’ébullition. Trois personnes sont mortes. Relâchement dans l’environnement d’eau fortement radioactive contenant des déchets de filtres.
- octobre 1975 : fusion partielle du coeur à Léningrad 1. Un jour plus tard, relâchement de 1,5 millions de curies.
- 1977 : la moitié des assemblages de combustible fondent dans le réacteur n°2 de Biéloyarsk (200 MW), les équipes de réparateurs sont irradiées. Les travaux durent un an.
- 31 décembre 1978 : Incendie du réacteur n°2 de Biéloyarsk. Le réacteur échappe à tout contrôle. Huit personnes sont irradiées en essayant d’injecter des substances de refroidissement.
- septembre 1982 : fusion partielle du coeur à Tchernobyl 1, par suite d’une erreur de manipulation de l’équipe. Relâchement de radioactivité dans la zone industrielle et la ville de Pripiat (celle qui sera évacuée en 1986, NdR). L’équipe des réparateurs est irradiée.
- octobre 1982 : explosion d’un générateur du réacteur n°1 de Medzamor (en Arménie) (modèle VVER 440). Le feu se propage au bâtiment des turbines. L’équipe parvient à refroidir le réacteur et reçoit l’aide d’une autre équipe envoyée de la centrale de Kola.
- 27 juin 1985 : accident à Balakovo 1 (VVER 440) au cours d’une phase de démarrage. Les valves de pressuriseurs sont brusquement ouvertes et de la vapeur d’eau à 300°C est projetée dans la zone de travail. 14 personnes meurent. L’accident vient des erreurs commises par une équipe inexpérimentée et nerveuse.]

12 janvier 1987 - Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher, France). Le gel de la Loire provoque l’arrêt du refroidissement du réacteur graphite-gaz Saint-Laurent 1, qui doit être arrêté d’urgence. Le refroidissement du réacteur à l’arrêt ne peut être assuré par les diésels, eux aussi en panne, et dépend pendant une heure du courant fourni par le réseau EDF. Quelques heures plus tard, ce réseau s’effondre dans l’ouest de la France, y compris à Saint-Laurent ; heureusement les diésels avaient pu être remis en route.

19 octobre 1989 - Vandellos (Espagne). Une des deux turbines de la centrale a explosé et s’est enflammée. L’incendie alimenté par huile lourde des compartiments de la turbine s’est étendu et a mis en danger le système de refroidissement du réacteur. On n’a sans doute évité l’accident majeur que de justesse.

11 octobre 1991 - Tchernobyl (Ukraine). Un incendies a totalement démoli la salle des machines du réacteur n°2 et réduit le toit du bâtiment à l’état de débris. Pour arriver à un tel résultat un incendie s’apparente plutôt à une explosion mais le terme est tabou. Le réacteur n°2 a été mis définitivement hors service.

Décembre 1995 surgénérateur de Monju (Japon). L’incendie a été très violent, des structures métalliques ont fondu, ce qui indique une température de plus de 1500°C). Comme le système d’alarme n’était prévu pour fonctionner qu’en cas de baisse importante de sodium dans le réservoir, l’arrêt d’urgence n’a pas fonctionné. Après 90 minutes, un employé est allé voir dans la zone (enfumée) et le personnel a déclenché un arrêt manuel et progressif de la centrale.

Cette liste n’est malheureusement pas close...

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