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MAP, Israël, même combat

Publie le lundi 2 novembre 2009 par Open-Publishing

Par Ibn Kafka

On pourra reprocher tout ce qu’on voudra à la MAP, sauf de ne pas préserver la sensibilité et la délicatesse de ses lecteurs marocains. Ainsi, si dans le reste du monde l’actualité relative à Robert L Bernstein, fondateur étatsunien de Human Rights Watch (HRW) concerne sa toute récente tribune pro-israëlienne dans le New York Times, dans laquelle il accuse assez comiquement Human Rights Watch de ne pas être assez à la traîne d’Israël, au Maroc, les critiques sont filtrées par la MAP, sans doute pour ne pas choquer son lectorat à l’idée qu’un ennemi (Bernstein) de mon ennemi (HRW) se trouverait être un grand ami d’Israël.

Voyons tout d’abord la dépêche de la MAP :

Le fondateur de Human Rights Watch ne se reconnaît plus dans les méthodes de travail de cette ONG (New York Times)

Dernière modification 21/10/2009 12:16 ©MAP-Tous droits réservés

Washington – Le fondateur de Human Rights watch (HRW), Robert L. Bernstein, a affirmé ne plus se reconnaître dans les méthodes de travail de cette ONG, appelant l’organisation à retrouver “dans l’humilité” ses principes fondateurs.

“En tant que fondateur de Human Rights Watch, son président pendant 20 ans et actuellement son président d’honneur, je me vois contraint de faire une chose que je n’aurais jamais imaginée : me joindre publiquement à ceux qui critiquent cette organisation“, a écrit M. Bernstein, dans une tribune publiée mardi dans le New York Times.
Il a ainsi déploré le fait que cette ONG se soit écartée de sa mission essentielle liée à la défense des libertés.

“La résurrection de Human Rights Watch en tant que force morale au Moyen-Orient et dans le monde passe par un retour, dans un esprit d’humilité, à sa mission initiale“, a-t-il souligné. Si l’ONG échoue dans cette entreprise, a-t-il mis en garde, sa crédibilité sera sérieusement mise à mal et son rôle important dans le monde sera réduit de manière significative.

Mue par la volonté de clarifier la mission liée à la promotion des droits de l’homme, Human Rights Watch, a rappelé son fondateur, s’était évertuée depuis sa création à faire le distinguo entre les mondes démocratique et autocratique en empêchant ce dernier de se présenter comme étant “un équivalent moral” au premier.

“Quand je me suis retiré en 1998, Human Rights Watch était active dans pas moins de 70 pays, dont la plupart étaient des sociétés fermées“, a-t-il dit.

Robert L. Bernstein, qui a débuté sa carrière professionnelle dans le monde de l’édition pour se consacrer ensuite à la promotion des droits de l’homme, a déploré que dans son action, aujourd’hui, cette ONG oublie “de plus en plus fréquemment de faire la distinction entre les sociétés ouvertes et les sociétés fermées“.

Fondée en 1978,Human Rights Watch, dont le siège est à New York, dispose de représentations dans plusieurs régions de par le monde.
L’ONG internationale s’était fixée pour mission la défense des droits de l’homme en luttant contre la discrimination et l’oppression notamment en temps de guerre.

La MAP aura réussi un petit miracle : alors que les mots “Israel” et “Israeli“ reviennent huit fois dans la tribune de Robert L Bernstein publiée par le NY Times, et qu’il est directement question d’Israël dans 8 des 12 paragraphes de cette tribune, et que Bernstein défend la guerre israëlienne contre Gaza de décembre 2008/janvier 2009, rien de tout cela ne filtre dans la dépêche de la MAP. Prenons la première citation de Bernstein dans la dépêche de la MAP :

En tant que fondateur de Human Rights Watch, son président pendant 20 ans et actuellement son président d’honneur, je me vois contraint de faire une chose que je n’aurais jamais imaginée : me joindre publiquement à ceux qui critiquent cette organisation.

Dans l’original, cette phrase est immédiatement suivie par les deux phrases suivantes, qui expliquent la critique publique qu’il émet :
Human Rights Watch had as its original mission to pry open closed societies, advocate basic freedoms and support dissenters. But recently it has been issuing reports on the Israeli-Arab conflict that are helping those who wish to turn Israel into a pariah state.

Deuxième citation de la MAP :

La résurrection de Human Rights Watch en tant que force morale au Moyen-Orient et dans le monde passe par un retour, dans un esprit d’humilité, à sa mission initiale. Si l’ONG échoue dans cette entreprise, a-t-il mis en garde, sa crédibilité sera sérieusement mise à mal et son rôle important dans le monde sera réduit de manière significative.
Cette phrase correspond à la conclusion de la tribune de Bernstein, précédée de huit paragraphes critiquant le regard critique de HRW sur Israël en général et sur sa guerre contre Gaza en particulier.

Troisième citation de la MAP :

Mue par la volonté de clarifier la mission liée à la promotion des droits de l’homme, Human Rights Watch, a rappelé son fondateur, s’était évertuée depuis sa création à faire le distinguo entre les mondes démocratique et autocratique en empêchant ce dernier de se présenter comme étant “un équivalent moral” au premier.

Par rapport à la tribune originale de Bernstein, la MAP a supprimé la référence à l’Union soviétique et à la Chine :

That is why we sought to draw a sharp line between the democratic and nondemocratic worlds, in an effort to create clarity in human rights. We wanted to prevent the Soviet Union and its followers from playing a moral equivalence game with the West and to encourage liberalization by drawing attention to dissidents like Andrei Sakharov, Natan Sharansky and those in the Soviet gulag — and the millions in China’s laogai, or labor camps.

Quatrième et dernière citation directe de la MAP :

Quand je me suis retiré en 1998, Human Rights Watch était active dans pas moins de 70 pays, dont la plupart étaient des sociétés fermées. (…) [D]ans son action, aujourd’hui, cette ONG oublie “de plus en plus fréquemment de faire la distinction entre les sociétés ouvertes et les sociétés fermées”.

Ceci correspond au quatrième paragraphe de la tribune de Bernstein,qui ne mentionne pas Israël (c’est la dernière à ne pas le faire) immédiatement suivie de huit paragraphes mentionnant Israël. Aucun des huits paragraphes suivant n’est cité, ni d’ailleurs le titre de la tribune de Bernstein, “Rights Watchdog, Lost in the Mideast” (“Chien de garde des droits de l’homme, perdu au Moyen-Orient”), ni d’ailleurs le motif principal invoqué par Bernstein pour justifier son dépit. Je suis bien évidemment convaincu que tous les contempteurs de la presse (indépendante) marocaine, qu’on peut lire à longueur de commentaires sur la blogoma, ne manqueront pas de réclamer les foudres de la déontologie et de la loi contre les fonctionnaires (“journalistes“) de la MAP.

Pour des approches moins déconnectées de la réalité de la tribune de Bernstein, voir les posts suivants :

 KABOBfest, “Background on Bernstein/NGO Monitor attack on HRW” et “Do Palestinians have (only) human rights ?“ ;

 Angry Arab, “It is now officail : Human Rights Watch calls on Israel to fight wars“ ;

 Economist.com, “A note on Jewish literary style“ ;

 Andrew Sullivan, “The Assault On Human Rights Watch” et “The Assault On Human Rights Watch, Ctd“ ;

 Phil Weiss, de Mondoweiss, “Can you imagine the Times Op-Ed page running pieces supporting the Haditha massacre in Iraq ?” et “‘NYT’ continues to justify dropping white phosphorus on school children“ ;

 le courrier des lecteurs du NY Times au sujet de la tribune de bernstein, “Crossfire : A Rights Group and Israel“

Quant au fond, les reproches faits à HRW pour son anti-sionisme primaire supposé sont franchement hilarants – voir notamment mon billet “Human Rights Watch a du mal avec le Liban – et surtout avec Israël” ou Angry Arab. Mais c’est surtout le scandaleux communiqué de HRW du 22 novembre 2006 qu’il faut retenir, dans lequel HRW critiquait le fait pour des civils palestiniens de se constituer boucliers humains à proximité de domiciles de résistants palestiniens soupçonnés d’être visés par des tentatives israëliennes d’assassinat :

Palestinian armed groups must not endanger Palestinian civilians by encouraging them to gather in and around suspected militants’ homes targeted by the Israel Defense Forces (IDF), Human Rights Watch said today.

Les critiques contre ce communiqué avaient été si intenses (de Norman Finkelstein,Jonathan Cook, Helena Cobban, d’ONG palestiniennes, de l’International Solidarity Movement et enfin de citoyens scandalisés) que HRW s’était vu contraint, un cas unique dans les annales, de sortir un second communiqué clarifiant son premier et tentant très maladroitement de revenir en arrière, comme l’avait noté Helena Cobban :

We regret that our press release below (“OPT : Civilians Must Not Be Used to Shield Homes Against Military Attacks”) gave many readers the impression that we were criticizing civilians for engaging in nonviolent resistance. This was not our intention. It is not the policy of the organization to criticize non-violent resistance or any other form of peaceful protest, including civilians defending their homes.

Source : Ibn Kafka obitersdicta