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L’expulsion d’Aminatou Haidar du Sáhara était préméditée

Publie le jeudi 26 novembre 2009 par Open-Publishing

Les Marocains ont fait plusieurs réservations à son nom dans des vols à Lanzarote bien avant qu’elle n’arrive à El Aaiun

EL PAÍS - Madrid - 26/11/2009

Lors de son passage à Madrid, il y a trois semaines, Aminatou Haidar, l’activiste sahraouie, avait peur d’être arrêtée à son arrivée à El Aaiún, la capitale du Sáhara Occidental, mais à ce moment-là les autorités marocaines avaient déjà pris la décision de l’expulser, selon la Plate-forme de Solidarité.

Ce groupe de soutien à l’indépendantiste sahraouie en grève de la faim à l’aéroport d’Arrecife depuis onze jours a publié hier deux documents qui montrent qu’on a fait, depuis El Aaiún, une première réservation au nom de Haidar dans un vol de Canarias Aéronautica à Lanzarote, pour le 11 novembre.

Etant donné qu’elle n’est pas arrivée ce jour-là, ni la veille, une deuxième réservation a été effectuée - qui apparaît manipulée à la main - pour le 14. Dans le cas qu’elle n’atterrisse pas non plus dans cette date-là, une place a été prise dans un troisième vol le 21 novembre. Les trois réservations sont faites pour le même numéro de billet expédié au nom de l’activiste sahraouie.

Haidar, de 42 ans, a débarqué à El Aaiún le vendredi 13 novembre dans un vol provenant de Las Palmas. Elle est restée détenue 24 heures dans la terminale de l’aéroport avant d’être expulsé le 14 à Lanzarote grâce au billet qu’on lui a acheté et à la réservation qui, éventuellement, aurait été effectuée par la police marocaine. Au préalable, son passeport marocain lui a été retiré et depuis lors la MAP, l’agence de presse officielle du Maroc, signale qu’elle a renoncé à sa nationalité.

Les documents diffusés par la Plate-forme de Solidarité lui ont été filtrés par des employés de Canarias Aéronautica ou des entreprises avec qui cette compagnie aérienne sous-traite pour pour vendre ses billets à El Aaiún, tel qu’indiqué par des sources du secteur.

Une fois à bord de l’avion, le 14 novembre, Haidar s’est dirigé vers le commandant et lui a expliqué qu’elle se trouvait là contre sa volonté et qu’elle n’avait pas de passeport pour entrer en Espagne. Le pilote douta, mais il a reçu un appel téléphonique, d’après l’activiste sahraouie, qui l’a incité à décoller.

La Plate-forme de Solidarité ne précise pas pourquoi Rabat voulait expulser Haidar seulement vers Lanzarote et non vers Las Palmas, une ville bien mieux connectée avec El Aaiún. Dans des cercles indépendantistes on croit que Lanzarote, étant une île plus petite et avec moins de présence médiathique, les autorités marocaines ont pensé que l’expulsion aurait moins d’écho dans la presse.

À son arrivée à Lanzarote, Haidar refusa de débarquer, mais la police espagnole l’a obligée à le faire et à entrer dans le pays malgré qu’elle n’était pas munie d’un passeport. Par contre, elle avait sur elle sa carte de résidence en Espagne, accordée pour des raisons humanitaires, pour qu’elle puisse venir voir son médecin, mais personne ne la lui a demandée. Lorsqu’elle elle a essayé d’acheter un billet d’avion pour retourner à El Aaiún, la police l’a, en revanche, prévenue qu’elle ne pouvait pas sortir du pays sans un titre de voyage valable.

Le Barreau soutient Haidar et exige qu’il lui soit permis de sortir

La Sous-commission des Etrangers du Conseil Général du Barreau Espagnol considère qu’interdire Aminatou Haidar de sortier de l’Espagne était contre son droit "fondamental" à la liberté de circulation et elle a exigé au Ministère de l’Intérieur son "immédiate autorisation" pour qu’elle puisse quitter le pays. Les avocats ont réclamé dans un communiqué, aujourd’hui, cette permission pour qu’on remette "d’une façon urgente" la légalité de la situation de cette "défenseur des Droits de l’homme" puisque ce droit est repris dans la Constitution Espagnole et dans les Traités Internationaux "ratifiés par l’Espagne".

Après avoir contacté les avocats qui interviennent dans la défense de Haidar, le Barreau a pointé que cette personne a voyagé le 13 novembre passé de Gran Canaria à El Aaiún, où, immédiatement après l’atterrisage de l’avion, elle a été arrêtée "pendant plus de 24 heures" dans le même aéroport et, après lui avoir retiré son passeport, elle a été "obligée contre sa volonté" à monter dans un avion qui l’a amenée à Lanzarote le 14 novembre.

En plus, et selon l’avis de cette sous-commission, la situation actuelle est qu’elle se trouve en Espagne "contre sa volonté, séparée de sa famille, sans domicile, entre les établissements de l’aéroport de Lanzarote où elle mène une grève de la faim avec l’intention de retourner à son pays, fait qui lui est interdit par le Gouvernement espagnol, moyennant la Police Nationale du poste frontalier de l’aéroport de l’île de Lanzarote, sans qu’aucune cause explicite n’existe pour pouvoir lui empêcher cela légalement conformément aux dispositions de l’article 20 du Règlement de la Loi des Etrangers".

D’autre part, des délégations de toutes les communautés autonomes de l’Espagne voyagent à Lanzarote pour accompagner et pour soutenir la grève de la faim de Haidar, devant ce qu’ils considèrent un "rôle honteux du gouvernement espagnol, devenu fonctionnaire marocain des frontières".

EL PAIS

Traduction : Diaspora Saharaui