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Si Copenhague m’était conté : Une brève Histoire du changement climatique

Publie le mardi 8 décembre 2009 par Open-Publishing

« On ne commande à la nature qu’en lui obéissant ».

Francis Bacon

Cette boutade de Bacon s’applique à Dame Nature qui n’en peut plus d’être malmenée et elle nous le fait savoir de façon terrible : inondations diluviennes, sécheresses. L’histoire du climat est à bien des égards l’histoire de l’humanité. Pendant sa brève existence l’homme a dû faire face depuis les sept derniers millions d’années à toute sorte de perturbation climatique qui sont la résultante de forces complexes mettant en jeu les convulsions de la Terre mais aussi les influences qu’elle subit dans le système solaire. On explique par exemple la fin des dinosaures (ère du Jurassique) par la chute d’un météorite de plusieurs milliards de tonnes qui a bouleversé la vie sur terre par les explosions, les énormes incendies et la projection de millions de tonnes de poussières dans l’atmosphère, ce qui a obscurci l’atmosphère durablement amenant l’extinction des plus vulnérables, paradoxalement les petits animaux auraient survécu.

On parle aussi d’ère glaciaire en citant notamment la dernière glaciation. Bref, l’homme a constamment réussi à s’adapter parce que les ressources de la Terre étaient inépuisables par rapport à la demande humaine. Il s’est acclimaté, il a observé le rythme des saisons et graduellement, il a su utiliser les convertisseurs biologiques pour semer des variétés de graines, il a su optimiser son existence et à cet égard, la découverte du feu il y a 700.000 ans est une découverte majeure. Pour la première fois, l’intelligence de l’homme lui a permis de faire le saut qualitatif qui le séparait de l’animal. Désormais, le feu lui permet de se protéger des animaux sauvages, de la rigueur de l’hiver, mais aussi d’affiner son alimentation, il passera du cru au cuit. Jusque vers 1850, le développement technologique- 1ère révolution industrielle basée sur le charbon- se déroule sans perturbation de l’écosystème. L’avènement du pétrole qui détrône le charbon au début des années 20 en termes de consommation, fait que la production d’énergie fossile n’a fait que croître d’une façon exponentielle.

Nous sommes à 9 milliards de tonnes équivalent pétrole, soit près de 27 milliards de tonnes de CO2 dont l’immense majorité passe dans l’atmosphère, l’autre est absorbée par les plantes et une partie se dissout dans les océans participant à son acidification avec les dégâts dont on n’a pas fait le tour. Ces 27 milliards de tonnes de CO2 sont rendus responsables de la formation de l’effet de serre -la terre chauffe comme sous une serre. Les prévisions faites par le GIEC sont dépassés. Nous étions à la veille de la révolution industrielle à 280 ppm de CO2, valeur à peu près constante sur des milliers d’années. Depuis nous avons « gagné » près de 100 ppm. El les études montrent que la quantité de CO2 ne doit pas dépasser les 450 ppm pour « stabiliser » l’élévation de température autour de 2°C

« Quand les négociations d’après Kyoto avaient commencé, écrit Bill Mckibben, voilà cinq ou six ans, on ne pensait pas que 1°C suffirait à causer de vrais dégâts, mais on sait aujourd’hui que ce n’est pas le cas. Quelques mois après la fonte brutale des glaces, en 2007, nos climatologues les plus éminents nous ont donné un nouvel objectif : 350 ppm. Ça prendra du temps - la banquise de l’Antarctique fait des kilomètres d’épaisseur -, mais les choses changent déjà. Les cas de dengue, une maladie infectieuse transmise par des moustiques qui étendent rapidement leur rayon d’action dans notre monde en réchauffement, se sont multipliés par 30 au cours des cinquante dernières années (selon un récent rapport, aux Etats-Unis elle pourrait toucher plus de la moitié des Etats). Les glaciers fondent sous nos yeux. La sécheresse devient endémique dans le sud-ouest des Etats-Unis et dans certaines parties de l’Australie. Pendant ce temps, comme toute l’eau qui s’évapore doit finir par retomber, les déluges empirent (comme ces pluies record qui ont chassé 1 million de personnes de chez elles en Inde en 2006). Voilà le genre de problèmes qu’on a déjà avec les 387 ppm d’aujourd’hui ».(1)

A Copenhague, on tâchera d’aller plus loin que le protocole de Kyoto. Ratifié par 175 pays (tous sauf les Etats-Unis...), le protocole de Kyoto viendra à expiration en 2012. Les participants auront deux semaines pour s’entendre sur un nouveau chiffre de réduction pour les émissions de gaz à effet de serre et surtout sur la répartition des efforts entre les pays riches et les pays pauvres. M.Barack Obama, à la surprise générale, a même annoncé fin novembre des objectifs chiffrés : une réduction de 17% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 par rapport au niveau de 2005. Cette annonce a déjà été jugée insuffisante par les mouvements écologistes qui ont demandé aux Etats-Unis de faire plus d’efforts. En réponse, Washington s’est dit prêt à s’engager sur 30% de réduction en 2025 et 42% en 2030. Quasi simultanément, Pékin dévoilait ses propres chiffres : une réduction de 40% à 45% de son « intensité carbonique » (émissions polluantes par unité de PIB) d’ici 2020 par rapport à 2005, soit un objectif beaucoup plus ambitieux. Par ailleurs, l’Union européenne s’est engagée sur une réduction de 20% et s’est dit prête à aller jusqu’à 30%. »Le 3 décembre, l’Inde gagne à son tour le label de puissance « responsable » dans la lutte contre le réchauffement climatique. Elle s’est engagée à réduire de 20 à 25%, sur les onze prochaines années, ses émissions de CO2 par rapport à leur niveau de 2005.(2)

Pour Philippe Rekacewicz, les scientifiques, par la voix du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), estiment qu’une réduction de 25 à 40% d’ici 2020 par rapport au niveau de 2005, est indispensable pour contenir l’élévation de la température à moins de 2 degrés, chiffre au-delà duquel les dérèglements climatiques vont s’aggraver de manière irréversible. (...) il est indéniable aujourd’hui que les activités humaines contribuent pour une part non négligeable à l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère, et de ce fait, entraînent un réchauffement global de la planète.(2)

En fait, comme l’écrit Philip Stephens, jusqu’à présent : « Les négociations ont porté sur trois grands enjeux : une forte réduction des émissions de CO2 des pays riches ainsi qu’une limitation de l’intensité carbone de la croissance des économies émergentes ; un cadre financier pour une aide aux pays défavorisés leur facilitant le passage à une économie à faible intensité de production de carbone ; enfin, des engagements à se doter d’un traité international contraignant où seraient inscrits des objectifs nationaux de limitation des émissions de gaz à effet de serre. Si ce sont ces trois critères qui servent à évaluer Copenhague, alors l’échec est couru d’avance. »()(3)

Certains pays pensent que la solution au changement climatique passe par la baisse de la natalité dans les pays en développement. Ainsi, le Danemark exige que la question démographique, en particulier la croissance de la population et le contrôle des naissances, fasse partie des négociations finales au sommet de Copenhague, affirme le quotidien Berlingske Tidende. (..) Un autre quotidien local, Politiken, approuve implicitement les dires de la ministre en citant le rapport annuel du Fonds des Nations unies pour la population, qui note que « 200 millions de femmes mariées dans les pays en développement souhaitent ne plus avoir d’enfants parce que cela aggraverait leur pauvreté ». Signe des temps, ce rapport est intitulé « Face à un monde qui change : les femmes, la population et le climat ».(4)

Pour Tom Levitt : La croissance de la population est un facteur essentiel des problèmes de croissance et d’environnement. Mais personne n’ose s’y attaquer. La population mondiale a doublé au cours des cinquante dernières années pour dépasser les 6 milliards d’individus. Elle devrait passer à 9 milliards d’ici à 2050. L’essentiel de la croissance démographique sera cependant concentré dans les régions les plus défavorisées, comme l’Afrique et le sous-continent indien, dont les émissions de CO2 sont relativement faibles, au minimum vingt fois inférieures à celles des Etats-Unis. Même son de cloche incriminant les pays du Sud. Selon le rapport Living Planet du WWF, publié l’an dernier, « alors que la planète est déjà en surchauffe, maintenir l’augmentation de la population et de l’empreinte écologique individuelle n’est pas une option durable », affirme ce document. « Les populations en croissance rapide font parfois obstacle à la réalisation d’objectifs de développement dans les pays à faible revenu », écrivent encore les auteurs.Une autre explication incrimine le niveau de vie : Pour Friends of the Earth, l’enjeu décisif consiste avant tout à réduire la surconsommation colossale des pays riches.(5)

« Les pays du G8 représentent 13% de la population mondiale, mais sont responsables de 45% des émissions de gaz à effet de serre », précise Tom Picken, membre de cette ONG. « Lutter contre les inégalités en matière d’utilisation des ressources est le moyen le plus rapide et le plus efficace pour diminuer les émissions à l’échelle planétaire. » L’Optimum Population Trust (OPT), assure que le planning familial est moins coûteux que de nombreuses autres solutions avancées pour réduire les émissions de CO2. Quant à Oliver Tickell, il estime que, dans un pays tel que les Etats-Unis, chaque naissance non désirée effectivement évitée permet d’éviter l’émission de 1500 tonnes de CO2 (estimation fondée sur une émission de 20 t par habitant et par an et sur une espérance de vie de 75 ans). Ce qui revient, avec des frais de santé de 150 dollars, à un coût de réduction de seulement 0,10 dollar par tonne de CO2. Pour cet auteur, 500 millions de dollars devraient être alloués au Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) pour qu’il atteigne son objectif : fournir un accès universel aux services de santé de la procréation d’ici à 2015. Sous le gouvernement Bush, les Etats-Unis ont refusé tout financement au Fnuap.(5)

Que font les Africains ?. Une fois de plus, ils se lamentent et font des rodomontades qui n’impressionnent pas les pays riches. On apprend que « la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou a accueilli du 9 au 11 octobre le 7e forum mondial sur le développement durable ». « En rangs serrés, détermination affichée et voix unifiées », les Africains se sont préparés pour le sommet sur les changements climatiques. Le reboisement, la lutte contre l’érosion des côtes du continent, la réduction des gaz à effet de serre et le soutien à la production massive d’énergie solaire pour couvrir les besoins énergétiques de l’Afrique d’ici à 2030, figurent en bonne place dans la déclaration commune adoptée à la fin du forum « Tout en étant le continent qui participe le moins au rejet de gaz à effet de serre, l’Afrique est paradoxalement la plus vulnérable, la moins armée face aux changements climatiques. »(6) On ira à Copenhague en tendant la sébile.

En définitive, Damian Carrington a raison d’écrire : « La conférence des Nations unies est une forme de dernier ressort pour trouver un successeur au Protocole de Kyoto, dont le but est d’empêcher un réchauffement climatique aux conséquences dramatiques. Les experts du climat sont convaincus que le monde doit arrêter l’augmentation des émissions à effet de serre et devrait commencer à s’y attarder d’ici peu. Pour avoir la chance de maintenir le réchauffement climatique à moins de la barre des 2 degrés Celsius, une baisse de 25 à 40% par rapport au niveau de 1990 des émissions à effet de serre est exigée. Mais les offres faites lors des pré-négociations sont bien en dessous de ces objectifs ».(7)

« Ici se pose le problème majeur. Les pays industrialisés comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon, et bien d’autres, ont de loin émis le plus de CO2. Ainsi, l’émission de CO2 par tête reste très élevée, d’où la nécessité de réduire ces émissions comme le demandent les scientifiques. Mais les émissions faites par les pays émergents explosent, en Chine et en Inde notamment. Ainsi, toute limitation internationale sur les émissions à effet de serre doit également inclure ces pays. Cependant, concernant les émissions par habitant, ces pays n’ont qu’un moindre impact sur la planète vu que des millions d’habitants vivent dans l’extrême pauvreté - 400 millions d’Indiens vivent sans électricité, par exemple. L’autre élément crucial. Certains avancent que, sur le long terme, une économie qui nécessite peu de CO2 serait moins chère qu’une économie basée sur les énergies fossiles, et représenterait donc un investissement fantastique. Mais on manque de temps et il faudra en payer le prix dans le court terme ».(7)

« Tous s’accordent pour dire que les pays les moins développés ont besoin d’une aide d’urgence. Pour les pays dont le développement économique est fulgurant, comme en Inde, l’idéal serait de sauter la phase de la croissance nécessitant beaucoup de CO2, et de passer directement aux énergies renouvelables et même à l’énergie nucléaire. Là encore, les pays les plus riches devraient prendre le leadership pour les encourager. L’Union européenne a suggéré de verser 100 milliards de dollars par an aux pays en développement entre 2013 et 2020 pour couvrir la facture du changement climatique. Cependant, certains estiment qu’il faudrait multiplier cette somme par quatre pour que cela puisse changer la donne. Trouver la somme exacte à mettre sur la table sera le se-cond élément essentiel des négociations ».(7)

« La maison brûle et on regarde ailleurs ! » disait à l’époque du Protocole de Kyoto le président Jacques Chirac. Il est fort probable que l’on arrive à un accord bancal pour sauver la face. Ce qui fait dire à James Hansen de la Nasa dans le Guardian du 3 décembre : « Le débat sur le climat est analogue à celui sur l’esclavage que dut affronter Abraham Lincoln. Vous ne pouvez pas faire de compromis. Vous ne pouvez pas proposer de réduire l’esclavage, mettons, de 40 ou 50% [comme certains pays le font quant à leurs émissions de CO2]. » « L’approche adoptée est si fondamentalement fausse qu’il vaudrait mieux tout reprendre de zéro. »

1.Bill Mckibben Mother : Jones Un sommet plus important que Yalta. The Independent 19.11.2009

2.Philippe Rekacewicz : Changement climatique : Le Monde Diplomatique 4 12 2009

3.Philip Stephens. Un échec fructueux est possible. Financial Times 04.12.2009

4.Le Danemark veut mettre la démographie au programme. Courrier international:25.11.2009

5.Tom Levitt : Démographie : le grand tabou. The Ecologist 19.11.2009

6.L’Afrique unie pour se rendre au sommet de Copenhague. L’Observateur paalga 12.10.2009

7.Damian Carrington : Copenhague : Un rendez-vous manqué ?, The Guardian, 10 11 2009

Pr Chems Eddine CHITOUR

Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz