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POUR EN FINIR AVEC CAMUS : « L’étranger » au calvaire colonial des Algériens

Publie le jeudi 7 janvier 2010 par Open-Publishing
8 commentaires

« (...) Car il y a seulement de la malchance à n’être pas aimé : il y a du malheur à ne point aimer. Nous tous, aujourd’hui, mourons de ce malheur. C’est le sang, les haines décharnent le coeur lui-même ; la longue revendication de la justice épuise l’amour qui pourtant lui a donné naissance... »

Albert Camus

Albert Camus au Panthéon ? Cette interrogation franco française nous donne l’opportunité de décrire l’ambiguité du discours chez Camus s’agissant de l’indépendance de l’Algérie. On a souvent parlé, en effet de Camus comme d’un Français contre l’indépendance de l’Algérie et pendant des années, il était tabou. Les rares intellectuels algériens qui en parlent le font avec des précautions oratoires pour ne pas s’attirer les foudres du consensus révolutionnaire ambiant. Souvenons-nous de la phrase : « Entre ma mère et la justice, je choisirai ma mère. » S’il est vrai que la phrase qui fait débat est souvent citée hors de son contexte, s’il est vrai aussi que comme tout « méditerranéen », Camus aimait beaucoup sa mère, il est possible que Camus, dans le contexte difficile de la guerre, eut à faire un choix douloureux qui lui fait préférer la France à la justice à rendre à ceux qui la réclament. Avec le temps et l’apaisement des douleurs, voici le temps de l’anamnèse. On commence à trouver à Camus quelques talents et même certains s’en réclament voire à tort se l’approprient. Camus l’Algérien ! L’était-il ?

Nous allons tracer le parcours atypique d ’Albert Camus qui eut deux vies, celle vécue dans sa terre natale l’Algérie et celle en « Métropole » où il sera amené à prendre faits et causes pour la France coloniale. Le 7 novembre 1913 naissait Albert Camus à Mondovi, petit village près de Annaba. Albert Camus, élevé par sa mère mais surtout par une grand-mère autoritaire, « apprend la misère » dans le quartier populaire de Belcourt, à Alger où ils ont émigré : « La misère m’empêcha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l’histoire ; le soleil m’apprit que l’histoire n’est pas tout. » Sa mère, Catherine Sintès, d’origine espagnole, fait des ménages pour nourrir ses deux fils. Camus éprouve pour elle une affection sans bornes. Camus entre au lycée Bugeaud d’Alger en 1924. En 1930 il passe son baccalauréat. Premières atteintes de la tuberculose, maladie. En 1934 il adhère au parti communiste. En 1937 il doit rompre avec le parti communiste qui le somme de réviser ses convictions, favorables aux revendications musulmanes.

Un parcours atypique

Camus fonde, avec Pascal Pia qui en est l’instigateur, le journal Alger républicain qui, aussitôt, tranche avec le silence complice des autres quotidiens. Camus fait scandale par ses prises de position contre l’oppression coloniale, contre une tutelle qui maintient dans la misère et l’asservissement le peuple musulman, il publie, dans les colonnes d’Alger républicain, puis de Soir républicain, organe du Front populaire, plus de cent articles : politique locale ou nationale, chroniques judiciaires et littéraires, reportages, dont l’important Misère de la Kabylie.(1)

Si les écrits de Camus sur la misère sont indéniablement accablants pour le pouvoir colonial , on ne connaît pas, dans le fond, la position de Camus concernant la tentative de génocide de 1945. Albert Camus est mort en janvier 1960, au moment où l’option de la négociation avec le FLN pour préparer l’indépendance de l’Algérie commençait à être envisagée par le général de Gaulle. On ne sait pas comment il aurait réagi s’il avait vécu en 1960, 1961 et 1962, à un moment où chacun a eu à choisir entre cette acceptation de l’indépendance et l’option du putsch et de l’OAS.
« Quoi qu’il en soit, les textes qu’il a écrits en mai 1945 pour le journal Combat montrent son estime et sa grande attention aux populations arabes déshéritées, ainsi que sa conviction qu’il s’agit « de faire jouer à leur propos les principes démocratiques que nous réclamons pour nous-mêmes. » Voici des extraits de ces textes : « [...] Sur le plan politique, je voudrais rappeler aussi que le peuple arabe existe. Je veux dire par là qu’il n’est pas cette foule anonyme et misérable où l’Occident ne voit rien à respecter ni à défendre. Il s’agit au contraire d’un peuple de grandes traditions et dont les vertus, pour peu qu’on veuille l’approcher sans préjugés, sont parmi les premières Ce peuple n’est pas inférieur, sinon par la condition de vie où il se trouve, et nous avons des leçons à prendre chez lui, dans la mesure même où il peut en prendre chez nous. Trop de Français, en Algérie ou ailleurs, l’imaginent par exemple comme une masse amorphe que rien n’intéresse. (...) Tout ceci, en tout cas, doit nous apprendre à ne rien préjuger en ce qui concerne l’Algérie et à nous garder des formules toutes faites. (...) » »(1)

Pour Camus les massacres de 1945 sont un simple ras-le-bol social et économique et il apporte ce faisant, des remèdes superficiels : « L’Algérie de 1945 est plongée dans une crise économique et politique qu’elle a toujours connue, mais qui n’avait jamais atteint ce degré d’acuité. Dans cet admirable pays qu’un printemps sans égal couvre en ce moment de ses fleurs et de sa lumière, des hommes souffrent de faim et demandent la justice. Ce sont des souffrances qui ne peuvent nous laisser indifférents, puisque nous les avons connues. Au lieu d’y répondre par des condamnations, essayons plutôt d’en comprendre les raisons et de faire jouer à leur propos les principes démocratiques que nous réclamons pour nous-mêmes. (..)Un peuple qui ne marchande pas son sang dans les circonstances actuelles est fondé à penser qu’on ne doit pas lui marchander son pain. [...] Les massacres de Guelma et de Sétif ont provoqué chez les Français d’Algérie un ressentiment profond et indigné. La répression qui a suivi a développé dans les masses arabes un sentiment de crainte et d’hostilité. (...) Tout ce que nous pouvons faire pour la vérité, française et humaine, nous avons à le faire contre la haine. A tout prix, il faut apaiser ces peuples déchirés et tourmentés par de trop longues souffrances. Pour nous, du moins, tâchons de ne rien ajouter aux rancoeurs algériennes. »(1)

L’écrivain américain Edward Saïd va à contresens de la doxa laudative concernant Camus. Il décèle dans son oeuvre un plaidoyer sincère pour la colonisation européenne à l’instar de Joseph Conrad ou de Rudyard Kipling. Ecoutons-le : « Albert Camus est le seul auteur de l’Algérie française qui peut, avec quelque justification, être considéré comme d’envergure mondiale. (...) Camus joue un rôle particulièrement important dans les sinistres sursauts colonialistes qui accompagnent l’enfantement douloureux de la décolonisation française du XXe siècle. C’est une figure impérialiste très tardive : non seulement il a survécu à l’apogée de l’empire, mais il survit comme auteur « universaliste », qui plonge ses racines dans un colonialisme à présent oublié.(...) »(2)

« O’Brien, dans un livre qui ressemble beaucoup à l’étude de Raymond Williams sur Orwell, écrit : Il est probable qu’aucun auteur européen de son temps n’a si profondément marqué (...) De plus, Joseph Conrad et Camus ne sont pas les représentants d’une réalité aussi impondérable que la « conscience occidentale », mais bien de la domination occidentale sur le monde non européen. Conrad exprime cette abstraction avec une force qui ne trompe pas, dans son essai Geography and Some Explorers. Il y célèbre l’exploration de l’Arctique par les Britanniques puis conclut sur un exemple de sa propre « géographie militante » : J’ai posé le doigt au beau milieu de la tache, alors toute blanche, qu’était l’Afrique, et j’ai déclaré : « Un jour j’irai là-bas. » Il y est allé, bien sûr, et il reprend le geste dans Au coeur des ténèbres ».(2)

« Le colonialisme occidental, qu’O’Brien et Conrad se donnent tant de mal pour décrire, est, premièrement, une pénétration hors des frontières européennes et dans une autre entité géographique. Deuxièmement, il ne renvoie nullement à une « conscience occidentale » anhistorique « à l’égard du monde non occidental » : l’écrasante majorité des indigènes africains et Indiens ne rapportaient pas leurs malheurs à la « conscience occidentale », mais à des pratiques coloniales très précises comme l’esclavage, l’expropriation, la violence des armes. C’est une relation laborieusement construite où la France et la Grande-Bretagne s’autoproclamaient l’« Occident » face aux peuples inférieurs et soumis du « non-Occident », pour l’essentiel inerte et sous-développé. (...) Car, si regrettable qu’ait été le comportement collectif des colons français en Algérie, il n’y a aucune raison d’en accabler Camus.(...) »(2)

« Allant plus loin que la plupart des critiques, O’Brien observe que le choix n’est pas innocent : bien des éléments de ces récits (par exemple le procès de Meursault [dans L’Etranger]) constituent une justification furtive ou inconsciente de la domination française, ou une tentative idéologique de l’enjoliver....) Lorsque son oeuvre évoque en clair l’Algérie contemporaine, Camus s’intéresse en général aux relations franco-algériennes telles qu’elles sont, et non aux vicissitudes historiques spectaculaires qui constituent leur destin dans la durée. (...) Il faut donc comparer les assertions et présupposés de Camus sur l’histoire algérienne avec les histoires écrites par des Algériens après l’Indépendance, afin d’appréhender pleinement la controverse entre le nationalisme algérien et le colonialisme français. (...) L’écriture de Camus est animée par une sensibilité coloniale extraordinairement tardive et en fait sans force, qui refait le geste impérial en usant d’un genre, le roman réaliste, dont la grande période en Europe est depuis longtemps passée.(...) »(2)

« Même si, selon tous ses biographes, Camus a grandi en Algérie en jeune Français, il a toujours été environné des signes de la lutte franco-algérienne. Il semble en général les avoir esquivés (..). Quand, dans les dernières années de sa vie, Camus s’oppose publiquement, et même violemment, à la revendication nationaliste d’indépendance algérienne, il le fait dans le droit-fil de la représentation qu’il a donnée de l’Algérie depuis le début de sa carrière littéraire, même si ses propos font alors tristement écho à la rhétorique officielle anglo-française de Suez. Ses commentaires sur le « colonel Nasser », sur l’impérialisme arabe et musulman, nous sont familiers, mais le seul énoncé politique, d’une intransigeance totale, qu’il consacre à l’Algérie dans ce texte apparaît comme un résumé sans nuance de tout ce qu’il a écrit antérieurement : « En ce qui concerne l’Algérie, l’indépendance nationale est une formule purement passionnelle. Il n’y a jamais eu encore de nation algérienne. Les juifs, les Turcs, les Grecs, les Italiens, les Berbères auraient autant de droit à réclamer la direction de cette nation virtuelle. Actuellement, les Arabes ne forment pas à eux seuls toute l’Algérie. L’importance et l’ancienneté du peuplement français en particulier suffisent à créer un problème qui ne peut se comparer à rien dans l’histoire. Les Français d’Algérie sont eux aussi et au sens fort du terme des indigènes. Il faut ajouter qu’une Algérie purement arabe ne pourrait accéder à l’indépendance économique sans laquelle l’indépendance politique n’est qu’un leurre. (...) » »(2)

« Quelle différence, conclut Saïd, d’attitude et de ton dans le livre de Pierre Bourdieu, Sociologie de l’Algérie publié, comme L’Exil et Le Royaume, en 1958 : ses analyses réfutent les formules à l’emporte-pièce de Camus et présentent franchement la guerre coloniale comme l’effet d’un conflit entre deux sociétés. (...) Camus confirme donc et raffermit la priorité française, il ne condamne pas la guerre pour la souveraineté livrée aux musulmans algériens depuis plus d’un siècle, il ne s’en désolidarise pas. Au centre de l’affrontement, il y a la lutte armée, dont les premiers grands protagonistes sont le maréchal Théodore Bugeaud et l’émir Abd El-Kader. (...) « Il faut empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer », avait ordonné Bugeaud. (...) Le général Changarnier décrit l’agréable distraction qu’il octroie à ses soldats en les laissant razzier de paisibles villages ; ce type d’activité est enseigné par les Ecritures, dit-il, Josué et d’autres grands chefs dirigeaient « de bien terribles razzias » et étaient bénis par Dieu.(...) »(2)

Que les messieurs du Nobel aient cru bon de « couronner » l’immense talent littéraire d’Albert Camus, ne doit pas nous interdire de porter un jugement de valeur sur le combat politique de l’homme. Camus n’a pas compris ou a refusé de comprendre que l’indépendance des colonies était inéluctable ; il avait pourtant l’exemple de l’Inde, du Maroc et de la Tunisie. Pour lui l’Algérie devait demeurer française, il disait, qu’il faut se poser la question à partir de quelle conquête une terre vous appartient mais que des « aménagements » devraient y être permis aux indigènes pour que tout reste comme avant. Il est à craindre que les articles de Camus pendant sa période à Alger Républicain sur la misère noire en Kabylie ne soient, en fait, que des appels à la charité et non pas des appels à la liberté, à l’égalité et la fraternité...

L’Algérie aseptisée

Les exégèses de Camus s’évertuent à décortiquer le sens profond de telle ou telle phrase. Pour nous, Camus a raté le train de la décolonisation en s’accrochant à une vision passéiste du monde. Cela n’enlève rien à son immense talent, à ses beaux textes sur l’Algérie de Tipaza la Romaine, de Salsa la Berbère, bref, une Algérie aseptisée, avec les monuments sans arabe, sans culture autochtone si ce n’est celle de Meursaut...le personnage central de l’Etranger Pour sa position ambiguë sur l’Algérie, au contraire de celle de Jean-Paul Sartre qui refusa, lui, le prix Nobel en écrivant au Comité Nobel une lettre magnifique : « (...)Pendant la guerre d’Algérie alors que nous avions signé le Manifeste des 121, j’aurais accepté le prix avec reconnaissance, parce qu’il n’aurait pas honoré que moi mais aussi la liberté pour laquelle nous luttions. Mais cela n’a pas eu lieu et ce n’est qu’à la fin des combats que l’on me décerne le prix. »

Il n’est pas sûr que Camus aurait aussi, s’il avait vécu, signé le fameux « Manifeste des 121 » dont la conclusion est sans appel avec trois propositions finales : « Nous respectons et jugeons justifié le refus de prendre les armes contre le peuple algérien. Nous respectons et jugeons justifiée la conduite des Français qui estiment de leur devoir d’apporter aide et protection aux Algériens opprimés au nom du peuple français. La cause du peuple algérien, qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres. » Camus restera encore une énigme controversée et il serait malvenu aux Algériens de « se l’approprier », car il a vécu dans une Algérie à des années-lumière d’une autre Algérie, celle des damnés de la Terre dont parle si justement Frantz Fanon, un autre géant qui, lui, s’impliqua à en mourir pour la liberté de l’Algérie.

1.Albert Camus : L’Algérie en mai 1945 Revue les deux rives de la Méditerranée 29 10 2007

2.Edward Saïd : Albert Camus, ou l’inconscient colonial.Le Monde Diplomatique 11/ 2000

Pr Chems Eddine CHITOUR

Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

Messages

  • entre la jsutice et ma mère ... je choisis ma mère ....
    cette phrase me reste en travers de la gorge.
    Justice d’abord !

    • Monsieur Chems Eddine Chitour,
      Je n’ai pas le plaisir de vous connaître physiquement mais je lis avec assiduité vos articles paraissant dans Belle Ciao. Même si j’en approuve souvent le contenu, je ne suis pas toujours d’accord avec leur contenu. Exemple :
      Dans l’article sur Camus vous évoquez son appartenance au PCA dont il aurait été exclu pour ses positions en faveur des Musulmans. Je pense que cela est faux, qu’il vous faut vous informer aux bonnes sources, car les communistes d’Algérie ont été les premiers militants politiques à soulever le mot d’ordre d’indépendance. et ce sont les communistes français qui ont aidé à la constitution de l’Etoile Nord Africaine dont Messali Hadj fut responsable.
      Bien à vous Rachid

  • Lors d’une rencontre avec des étudiants suédois, un étudiant arabe lui reproche, à lui le natif d’Algérie, son silence sur ce qui s’y déroule. A l’étudiant, il répond : « En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère. »

    Excusez moi Professeur mais la moindre des choses quand on prétend tailler un costard à qqu’un comme Camus c’est d’abord de commencer par faire les citations exactes et non tronquées.

    C’est une phrase qui prise dans son entièreté a un sens relativement différent du lapidaire "entre la justice et ma mère je choisis ma mère" qui est prêté à Camus non ?.

    Manière de dire "pas facile de planer au dessus des contingences de la vie réelle" en résumé. Et qui peut lui reprocher sérieusement d’avoir dit cela ?

    On peut en déduire "Camus était contre l’indépendance de l’Algérie". On peut aussi en déduire "Camus n’aime pas la guerre - toute guerre" ce qui ne signifie pas qu’il ait jms prétendu qu’aucune fut nécessaire...

    Bref tout ça ça va un peu vite. Parce qu’il n’a pas soutenu la guerre d’indépendance, il était forcément du côté des salauds ?!?

    Je ne partage pas la position des pacifistes, mais elle me semble respectable néanmoins et d’une certaine manière je la comprends même si je pense que c’est une erreur dans nombre de cas.

    Cela étant dit il m’arrive de me demander s’il y avait plus de pacifistes dans le monde on n’en serait peut être pas là où nous sommes ?

    Avec le recul, je me demande si ce que vous citez, à savoir :

    « En ce qui concerne l’Algérie, l’indépendance nationale est une formule purement passionnelle. Il n’y a jamais eu encore de nation algérienne. Les juifs, les Turcs, les Grecs, les Italiens, les Berbères auraient autant de droit à réclamer la direction de cette nation virtuelle. Actuellement, les Arabes ne forment pas à eux seuls toute l’Algérie. L’importance et l’ancienneté du peuplement français en particulier suffisent à créer un problème qui ne peut se comparer à rien dans l’histoire. Les Français d’Algérie sont eux aussi et au sens fort du terme des indigènes. Il faut ajouter qu’une Algérie purement arabe ne pourrait accéder à l’indépendance économique sans laquelle l’indépendance politique n’est qu’un leurre. (...) » »(2)

    n’est pas plutôt un passage digne d’intérêt qu’un passage digne de réprobation.

    Il me semble qu’il pointe là une réalité, juste, (et d’autant plus juste aujourd’hui car parlez moi de l’indépendance de "la nation algérienne"....vis à vis de l’impérialisme... non la colonisation n’a pas fini de finir, et a peut être pris une autre forme plutôt ) à laquelle il ne faut pas non plus cependant faire dire n’importe quoi !!! Où Camus dit il je suis contre la guerre d’Indépendance ? Il émet selon moi des doutes, et je les ai tjs pris ainsi, sur l’avenir de ce que donnera cette guerre.

    Bien sûr on n’aime pas lire de telles choses, mais cependant....Je pense qu’il était plus que juste de soutenir une guerre d’indépendance, parce que la colonisation est abominable, insoutenable, illégitime par essence, CEPENDANT, ne pouvait on s’interroger tout aussi légitimement sur QUI faisait cette guerre, et pourquoi, comment ? Et ce que cela donnerait ?

    Et encore aujourdh’ui comment parler de la guerre d’indépendance sans parler AUSSI de la guerre civile, du conflit MNA/FLN et de leurs prédécesseurs, Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques ou de l’Union démocratique du Manifeste algérien de F Abbas ? De Messali Hadj ?

    Et pourtant, on n’en parle plus...Et tiens, parlant de berbères, je ne crois pas que les Berbères étaient pour la colonisation française mais force est de constater que bcp d’entre eux, notamment chez les Kabyles, vivent encore auj.la "nation algérienne" comme une colonisation qui en a remplacé une autre.

    Pourquoi passer cela sous silence dans votre article ?

    Je ne suis pas une spécialiste mais je ne vois pas que Camus ait fait autre chose dans sa vie que s’interroger sur tout cela, qui était loin d’être simple, ce que l’histoire actuelle nous montre d’ailleurs parfaitement, la radicalisation de l’islam sunnite en Algérie n’étant pas un des moindres maux de cette guerre "nationaliste" d’une nation dont on peut douter légitimement qu’elle existât alors....

    Ensuite, c’est l’éternel problème entre ceux qui refusent d’avoir des certitudes, de "choisir" un camp, et disent "ni l’un ni l’autre", parce qu’ils ont svt trop une conscience trop nette et à trop long terme des enjeux de telle ou telle situation, et ne changent pas cette position de doute, y compris en temps de guerre, et ceux qui estiment que la guerre venue, il FAUT choisir un camp ou l’autre, et que douter devient un acte de trahison , qu’il faut se décider à tout prix, y compris au prix de ses propres reniements.

    Bien malin qui peut théoriser LA réponse et les conditions d’analyse te de réflexion propres à obtenir LA réponse EN TEMPS DE GUERRE. Surtout quand il ne l’a pas connu, ce temps de guerre et théorise "de loin", en temps de paix.

    La guerre est une situation d’exception - le comportement de tout un chacun est donc NÉCESSAIREMENT marqué du même sceau de l’exception.

    Je n’ai pas la réponse à ce dilemme atroce, que je me souhaite de n’avoir jamais à vivre personnellement. Mais je me garderais bien de jeter la pierre à celui qui l’a vécue, et surtout , largement expliquée comme Camus l’a fait.

    Mais mon respect de la vie humaine me ferait dire que le droit de douter, même en temps de guerre est un droit sacré. A condition que ce soit un vrai doute bien sûr pas une posture de collaboration déguisée POUR un camp. Mais je ne crois vraiment pas que ce cas de figure était celui de Camus...

    Le raisonnement que vous développez, ça me fait penser aux gens qui disent "si tu ne vas pas voter tu fais le jeu de a droite et tu élis Sarkozy".

    Par ailleurs je rappelle qu’en France par exemple on a vu très tôt le PC se diviser en deux, non, trois camps, sur cette question de l’indépendance d’Algérie, comme on a vu les mêmes déchirements au moment de la révolution islamique en Iran.Preuve que c’est pas si simple ces sujets

    C’est bien plus simple peut être de trancher quand il y a vraiment un "peuple", une nation - comme dans le cas de la France en 14 et en 39. était ce le cas en Algérie ?

    Comme on a vu Jaurès aussi face à la guerre mondiale qui grondait.

    Et puis faire tte une critique de Camus en se basant en grande partie sur des critiques de Conrad, j’avoue que c’est un peu hallucinant comme méthode.

    Je passe sur le procès d’intention fait à Camus relativement à la signature ou non , hypothétique, du Manifeste !

    A vous lire, malgré vos précautions oratoires et vos dénégations, on voit bien que votre avis sur Camus est tranché à ce sujet : par rapport à la guerre d’indépendance de l’Algérie, c’est un salaud.

    Je trouve que c’est un peu exagéré - Camus n’a pas défendu mordicus la guerre d’indépendance d’Algérie, de là à dire qu’il était un colonialiste, au sens où effectivement ce mot doit être pris, c’est un peu abusé.

    Le plus simple n’est il pas de dire que vous ne trouvez rien à redire DU TOUT à la guerre en question du côté des indépendantistes, et que simplement, vous reprochez à Camus de ne pas avoir pris parti POUR le FLN ?

    On y verra de suite plus clair.

    L’avantage de la position historique c’est qu’elle permet a posteriori d’analyser certaines erreurs d’un "camp" que pourtant on soutient. C’est comme ça qu’on avance AUSSI et pas slmt en critiquant ce qu’a fait le camp adverse.

    Or quand on voit l’état de ce grand pays qu’est l’Algérie ( un des p ays les plus riches du monde ne matière de ressources naturelles) je pense que certaines questions posées par Camus sont TJS d’actualité et qu’il y a matière à discuter , et donc, justement à profiter de la position "historiciste" pour avoir une analyse plus lucide afin de servir l’avenir.

    Ce qui je le redis ne signifie nullement "jeter le bébé avec l’eau du bain" et encore moins remettre en cause la légitimité de l’indépendance algérienne...

    Et ça n’a rien à voir avec mon opinion littéraire sur Camus, que bizarrement je n’apprécie pas tellement en tant qu’auteur. "L’étranger" m’a toujours laissée froide.

    LL

    • merci d’avoir mis la citation entière, ils nous font le coup à chaque fois !!!

    • Et encore aujourd’hui comment parler de la guerre d’indépendance sans parler AUSSI de la guerre civile, du conflit MNA/FLN et de leurs prédécesseurs, Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques ou de l’Union démocratique du Manifeste algérien de F Abbas ? De Messali Hadj ?

      Mais on pourrait parler aussi de l’influence des Services secrets américains, soutenant secrètement le FLN ET l’OAS afin de contrer l’influence française un peu trop indépendante de l’OTAN de DeGaulle et l’hégémonie française en AFN, les barbouzeries des Services français montant les factions ethniques les unes contre les autres, le Grand état-major français choisissant les origines ethnique des Harkis en faisant miroiter des possiblités de scission du pays entre Berberes Kabyles et Arabes, les manigances et les attentats sous fausse bannière des Israéliens pour faire partir les Juifs d’Algérie en Israël pour renforcer les colonies comme ils l’avaient fait en 56 pour le Maroc.

      On pourrait même parler des positions timorées du PCF et de ses dissenssions avec le PCA sur une véritable indépendance de l’Algérie considérée en Métropole comme un département français réel. Ca a pas toujours été une histoire d’amour entre les Communistes algériens et les Communistes français.

      Ou tu as raison c’est sur le fait que l’histoire de la Guerre d’indépendance algérienne ne saurait se lire uniquement à travers Camus ; comme celle de la Guerre d’Espagne ne peut se lire uniquement à travers Malraux.

      Ca demande certainement un autre débat qu’une querelle passionnelle sur la personnalité d’un écrivain, ou d’une seule personne.

      G.L.

    • Entièrement d’accord en tout points avec ce que tu dis et précises- il ne s’agissait nullement pour moi de l’exclure d’ailleurs - mais vu où ns (BC) sommes je n’avais pas jugé utile de le préciser !.

      C’est là où je veux en venir. Et donc aussi corrélativement sur le fait que "flinguer" Camus sur une seule lecture Univoque et "déterministe" de la guerre d’Algérie c’est un peu facile et un peu court.

      LL

  • A toutes celles et ceux qui ont eu l’indulgence de juger mon article à "l’emporte pièce", j’en conviens volontiers.
    Tout d’abord, je ne suis pas un"littéraire" je suis donc bien mal placé à juger "l’oeuvre". Ce quej e sais de Camus, c’est ce que j’ai lu au Lycée (l’étranger et la peste) je dois dire honnêtement que je n’ai pas vibré.. peut être pârce que je uis un scientifique qui par définition, dit-on, est réfractaire au beau. Bien plus tard, sur les conseils d’amis j’ai lu les "Noces", j’ai sincérement trouvé les passages sur Tipaza très beaux.
    Ceci dit, j’essaie d’être un "honnête courtier" en rapportant les faits, pour ente de comprendre le citoyen Camus, pris entre deux feux, Celui des Algériens qui, las d’attendre une hypothètique égalité fraternité et naturellement, se sont tournés vrs la solution du désespoir celle de la lutte armée. L’autre feu est celui du pouvoir colonial représenté par la bourgeoisie ( ce n’es pas le petit peuple blanc qui est concerné) qui ne veut rien céder, qui pense que la force aura raison des fellaguas ; Résultat des courses, les bombes d’un côté et le napalm et la torture de l’autre.
    L’appel de Camus pour une trève n’avait on l’aura compris, aucune chance d’aboutir. Je comprend très bien le désespoir de Camus, et je m’en voudrai de lui interdire de " se sentir algérien". Force es de constater cependant, que sa position est pour le moins ambiguë.
    Quant à dire que le paragraphe incriminé n’est pas un paragraphe à charge,peut être, mais il n’et pas non plus un pragraphe à décharge. Car la question est la suivante : A partir de quand on peut dire que la nation existe ? A titre d’exemple, de Gaulle prenant le contre pied d’Asterix dit que la nation française existe à partir des royautés chrétiennes. S’agissant de l’Algérie, pourquoi s’arrêter aux Romains, l’Histoire nous apprend qu’au 10e siècle avant J.C. Un roi berbère Shishnaq ou Shishonq a battu un pharaon d’Egypte et y fonda une dynastie qui regna deux siècles ( la 22e). Pls "recemment" Les royaumes berbères étaient connus dès le 6e siècle avant J.C. Massinissa le grand Aguellid qui regna près de 60 ans et mourut vers 148 avt JC battait monnaie quand l’Europe n’était pas"structuré" en nations. C’est dire qu’une loccurence il y a bien un "moment" où les peuples qui occupent uen terre la revendiquent...

    Prof.C.E. Chitour

    • Prof. Chitour , moi non plus je n’aime pas Camus spécialement d’un point de vue littéraire mais je pense pouvoir lui reconnaître une ou deux qualités que vous semblez prêt à lui dénier - pour être encore plus crue, et vous inciter davantage encore au débat, je vs dde , à vous, (comme à la majorité d’ailleurs des gens qui parlent de Camus) :

      - pourquoi se cacher derrière Camus quand il est si évident que ce dont on brûle de reparler depuis plusieurs jours, c’est bien de la guerre d’Algérie en soi et DANS SA GLOBALITÉ, c’est à dire y compris en parlant de la colonisation française !? - ce qui me semble d’ailleurs, nécessaire, assez urgent et salutaire, pour peu qu’on puisse le faire de façon à ce que les charognards politicards de tte sorte ne "récupèrent pas" ce débat nécessaire.

      Allez, en avant !! Faut pas tourner autour du pot, foutez la paix à Albert Camus là où il est. Ni Panthéon ni Enfer infini, il est mort LUI, même si ses œuvres sont toujours vivantes. Mais c’est autre chose.

      LL