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Communiqué relatif à la venue de M. Sarkozy à Mayotte

Publie le mardi 19 janvier 2010 par Open-Publishing

Interrogations et inquiétudes de la Cimade Mayotte sur le respect du droit des étrangers à Mayotte

Pourquoi de tels chiffres ?

Le contexte particulier de Mayotte permet au préfet de battre des records en matière de reconduites à la frontière : 8 599 en 2004, 7 655 en 2005, 13 253 en 2006, 13 990 en 2007, 16 000 en 2008, et 19000 (?) prévues en 2009. Aucun autre département ou territoire français n’atteint de tels chiffres, même la Guyane. Surtout que ne sont comptabilisés ici que les majeurs. Cela s’explique par l’augmentation des moyens matériels et humains de la police et de la gendarmerie mais aussi et surtout par une non application de la législation en vigueur, déjà fort contraignante : les violations de domicile sont fréquentes, de même que les reconduites de personnes normalement protégées, comme les mères d’enfants français, les mineurs isolés, et même les handicapés français ou non.
Les « freins à la régularisation » expliquent également de tels chiffres : difficultés pour les personnes à fournir les justificatifs de leur présence, défaillances de l’état-civil comorien, problème du passeport biométrique, manque de personnel du bureau des étrangers de la préfecture comme du tribunal d’instance pour les demandes de certificat de nationalité. Mais il faut dénoncer aussi les pratiques arbitraires de certains membres « zélés » du personnel de la préfecture qui s’arrogent parfois le droit de refuser des dossiers sans aucune décision autorisée officielle.

Un accès au droit gravement entravé

D’autre part l’aspect dérogatoire de la l’ordonnance régissant le séjour et l’entrée des étrangers à Mayotte ne va pas sans poser un profond problème au moins déontologique sinon constitutionnel : le recours à Mayotte n’est pas suspensif, ce qui revient à interdire aux gens de faire valoir leurs droits et de contester les mesures prises à leur encontre, ce qui est la base du droit français. Une fois reconduits à la frontière, généralement sur l’île d’Anjouan, et même si l’illégalité de cette décision préfectorale peut être établie, il est quasiment impossible à ces personnes de porter leur cas au tribunal administratif et de revenir à Mayotte dans des conditions légales et dignes.
De plus, la Cimade s’interroge sur l’extrême rapidité de la procédure : les personnes interpellées par les forces de police sont généralement reconduites à la frontière le jour même, parfois quelques heures à peine après l’interpellation, parfois sans passer par le CRA, ce qui les prive de toute possibilité de se défendre et même d’avertir leurs proches.

Une immigration régionale particulière et dangereuse

A Mayotte, l’essentiel des migrants sont des comoriens qui traversent les 70 kilomètres qui séparent Mayotte de l’île d’Anjouan dans des embarcations fragiles appelées kwassas. Ces barques conçues pour 10 personnes en transportent fréquemment 30, voire 50, et aucun matériel de sécurité n’est prévu à bord. De plus, il faut bien comprendre que pour la plupart d’entre elles, les personnes reconduites à la frontière ont toute leur vie à Mayotte, et pourraient d’ailleurs être régularisées s’il n’y avait pas tous ces freins évoqués plus haut, et vont forcément revenir après des leurs à bord d’un kwassa, pour une traversée de nuit particulièrement dangereuse. Il en résulte que le bras de mer entre Mayotte et Anjouan est le lieu de nombreux naufrages et est communément surnommé le plus grand cimetière marin. Selon un rapport rédigé par des députés français en mars 2006, dans le cadre d’un rapport relatif à l’immigration à Mayotte, de 100 à 200 personnes périraient chaque année dans cette traversée depuis l’instauration en 1995 du visa Balladur. Voici quelques-uns des derniers naufrages connus :
 21 décembre 2009 : pas de morts ni disparus, les 27 personnes ont toutes été secourues, selon un communiqué de la Préfecture.
 22 novembre 2009 : un kwassa se brise en deux en pleine mer. 11 rescapés sont repérés 36 heures plus tard par un pêcheur mahorais. A bout de force, vingt-et-une personnes auraient coulé. Les survivants décrivent la noyade d’au moins cinq enfants dont un nourrisson de 4 mois. Parmi les décédés, une femme vivant depuis 19 ans sur le territoire français, mère de six enfants dont l’aînée a 18 ans, tous nés et scolarisés à Mayotte. Cette femme avait fait l’objet d’une reconduite à la frontière trois semaines auparavant en dépit d’une situation familiale relevant d’un titre de séjour régulier. (A lire l’article de Halda Toihiridini, dans le journal Mayotte Hebdo du vendredi 28 novembre 2009).
 1er septembre 2009 : 8 personnes décédées et une vingtaine de disparus.
 8 juin 2009 : 2 morts, 34 disparus.
 20 novembre 2008 : 14 morts, 7 disparus.
 10 octobre 2008 : 3 morts, une vingtaine de disparus.
 23juillet 2008 : 6 morts, entre 10 et 15 disparus.
 13 août 2007 : 17 morts, 17 disparus.
etc...

Quel avenir pour le CRA de Mayotte au sein de la République ?

La CNDS, venu visiter le CRA de Mayotte en janvier 2008 a clairement estimé dans son rapport le 14 avril 2008 que le « centre de rétention administrative de Mayotte est indigne de la République », et que les « conditions de vie portent gravement atteinte à la dignité des mineurs retenus ». Si depuis cette visite, quelques améliorations ont été apportées (suite aux demandes répétées du groupe local de la Cimade), comme l’installation d’une cabine téléphonique et la mise en place de permanences médicales, le CRA de Mayotte continue d’être régulièrement surchargé, d’accueillir des mineurs et les conditions d’accueil restent globalement déplorables, bien loin des normes réglementaires prévues par le Ceseda (Code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile). Le rapport du député UMP Thierry Mariani, déposé le mercredi 24 juin 2009, qui ne saurait être taxé de sympathie antigouvernement, rappelle que le CRA est « souvent saturé, hébergeant souvent le double de personnes de son effectif théorique de 60 personnes ».
Pour finir, la Cimade s’interroge sur le sort réservé au CRA de Mayotte après la récente et très contre versée réforme de la défense des étrangers dans les centres de rétention, éclatant les CRA en « lots géographiques distincts », attribués à de nouveaux « opérateurs » autres que la Cimade. Ce démantèlement que nous continuons à dénoncer a eu pour effet de retirer à la Cimade de très nombreux centres de rétention au profit d’autres associations. La Cimade s’est ainsi vu confier le « lot » outre mer mais dans lequel ne figure pas le nom de Mayotte. .Nous ne nous expliquons pas cet oubli (?), pour le moins étonnant pour un (futur) département français qui connaît à lui le plus grand nombre de reconduites à la frontière de tout le pays, et demandons officiellement des éclaircissements.
Nous avons collecté bien sûr de nombreux témoignages illustrant les faits annoncés dans ce communiqué et les tenons à la disposition des journalistes soucieux d’en savoir plus. Nous invitons également à aller sur le site de la Cimade (www.lacimade.org) pour accéder au rapport 2008 évoquant largement la visite de la CNDS et le rapport Mariani.

Contact Cimade Mayotte : Flore ADRIEN 0639 69 46 10 ou 0639 69 63 55

Source : http://www.migrantsoutremer.org/IMG...

voir aussi http://wongo.skyrock.com/