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Viktor Klemperer : "LTI - La Langue du IIIème Reich" (1947)

Publie le vendredi 29 janvier 2010 par Open-Publishing
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Nombreux extraits à lire ici mais en anglais...

http://books.google.fr/books?id=kwsleqxx_SMC&printsec=frontcover&dq=klemperer&ei=s8diS5_CJqa8zgTVj6QL&cd=1#v=onepage&q=&f=false


"Victor KLEMPERER (1881-1960), philologue, spécialiste de littérature française et italienne, professeur à l’Université de Dresde est destitué de son poste dès 1935 et échappe de très peu à la déportation. De religion juive, il est persécuté à ce titre par le IIIème Reich et rédige depuis 1933 jusqu’à 1945 un journal dans lequel il consigne toutes les déformations introduites dans la langue par le régime nazi. Ce journal, mis en forme et intitulé LTI comme Lingua Tertii Imperii, langue du Troisième Reich, n’est publié en Allemagne qu’en 1995.

Ce journal, véritable manuel de résistance, constitue à lui seul à la fois un témoignage de lutte intellectuelle et une étude serrée de la grammaire, de la syntaxe et du vocabulaire, tels qu’ils ont été utilisés pour envenimer, pervertir et déformer la langue allemande pendant plus d’une dizaine d’années et dont certains effets, selon Victor KLEMPERER perdurent encore.

Tout au long de ces 37 courts chapitres suivis d’un épilogue, on découvre à la fois les conditions dans lesquelles l’auteur a rédigé ses notes cachées à la Gestapo et les réflexions de fond suscitées par les événements dramatiques que l’on sait (ou qu’on ne sait pas assez bien...) sur les relations entre caractère et langage.

"On pourrait la prendre (la formule LTI) métaphoriquement. Car tout comme il est courant de parler de la physionomie d’une époque, d’un pays, de même on désigne l’esprit du temps par sa langue.
Le Troisième Reich parle avec une effroyable homogénéité à travers toutes ses manifestations et à travers l’héritage qu’il nous laisse, à travers l’ostentation démesurée de ses édifices pompeux, à travers ses ruines, et à travers le type de ses soldats, des SA et des SS, qu’il fixait comme des figures idéales sur des affiches toujours différentes mais toujours semblables, à travers ses autoroutes et ses fosses communes."

"J’observais de plus en plus minutieusement la façon de parler des ouvriers à l’usine, celle des brutes de la Gestapo et comment l’on s’exprimait chez nous, dans ce jardin zoologique des Juifs en cage (les lieux de relégation des Juifs, avant la solution finale). Il n’y avait pas de différences notables. (...) Tous, partisans et adversaires, profiteurs et victimes, étaient incontestablement guidés par les mêmes modèles.

"On parle tant à présent (en 1945) d’extirper l’état d’esprit fasciste, on s’active tant pour cela. (...) Mais la langue du Troisième Reich semble devoir survivre dans maintes expressions caractéristiques ; elles se sont si profondément incrustées qu’elles semblent devenir une possession permanente de la langue allemande."

Pour tenter d’expliquer cette imprégnation, l’auteur s’interroge :

"Quel fut le moyen de propagande le plus puissant de l’hitlérisme ?"
Ce n’est pas grâce au contenu nazi des informations diffusées à longueurs de journée, ni les discours longs et enflammés d’Hitler (lesquels étaient plutôt entendus avec indifférence...) que l’idéologie nazie s’insinuait dans tous les esprits. "Le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s’imposaient à des millions d’exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente." "Le Troisième Reich n’a forgé, de son propre cru, qu’un très petit nombre de mots de sa langue (...).

La langue nazie renvoie pour beaucoup à des apports étrangers, et pour le reste, emprunte la plupart du temps aux Allemands d’avant HITLER.

Mais elle change la valeur des mots et leur fréquences, elle transforme en bien général ce qui, jadis, appartenait à un seul individu ou à un groupuscule, elle réquisitionne pour le Parti ce qui, jadis, était le bien général et, ce faisant, elle imprègne les mots et les formes syntaxiques de son poison, elle assujettit la langue à son terrible système, elle gagne avec la langue son moyen de propagande le plus puissant, le plus public et le plus secret.

Nombre des chapitres de ce livre développe des intonations, des expressions pour en faire sentir le détournement. Un exemple frappant est celui de Fanatique qui prend une connotation très positive. Jusqu’à la ponctuation qui devient révélatrice d’une manière de penser.

A force d’entendre et de lire toutes ces tournures de phrases et d’expressions répétées (l’auteur souligne au passage la pauvreté du langage utilisé), le philologue se pose la question lancinante du caractère éternel ou non du caractère allemand tel que le prônent les nazis (..)."

http://www.leconflit.com/article-26977077.html


"LTI - Lingua Tertii Imperii : Notizbuch eines Philologen (1947) est un livre de Victor Klemperer, professeur à l’université de Dresde , spécialiste de littérature française et italienne, protestant (agnostique) de religion, mais juif pour les nazis. Le titre, précédé d’un sigle dont les abus sont aussi dénoncé par Klemperer, comporte une partie en latin et une autre en allemand. Il signifie Langue du Troisième Reich : Carnets d’un philologue.

Lingua Tertii Imperii étudie la façon dont la propagande nazie modifie la langue allemande pour soutenir l’idéologie nationale-socialiste. Le livre reprend l’ensemble des notes personnelles recensant, au jour le jour, tout ce qui a trait à l’utilisation et au détournement du langage effectué par le régime nazi, transmis par les journaux, la radio, et finalement repris par les gens eux mêmes.

La LTI a manipulé les âmes par les mots dont elle a altéré la signification, mais aussi par des tournures et une syntaxe que le régime, maître de toute parole, a imposées à longueur de discours et de colonnes de journaux. Personne n’y échappa. Victor Klemperer raconte une traversée de la mer Baltique au cours de laquelle le mal de mer se répandit de proche en proche à tous les voyageurs rassemblés sur le pont. Il observait la scène avec amusement avant que vînt son tour et que lui aussi fut obligé de courir au bastingage et de vomir."

http://fr.wikipedia.org/wiki/Lingua_Tertii_Imperii


Voir aussi

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1997_num_50_1_2319

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