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Adieu Howard Zinn

Publie le samedi 30 janvier 2010 par Open-Publishing

de André Bouny

Il répondait toujours à la même heure… mes deux derniers mails restent sans réponse.

Howard (membre du CIS) rayonnait. Il avait grandit dans les taudis de Brooklyn. Puis, par engagement contre le fascisme, avait pris place dans les cockpits de bombardiers américains au-dessus de l’Europe durant la Deuxième Guerre mondiale. Là se forgea son âme de pacifiste. L’ancien bombardier obtint un Doctorat de Philosophie et d’Histoire à l’université Columbia. Puis il enseigna à celle de Spelman (d’où il fut renvoyé), de Boston, de Paris et de Bologne.

Il fut de tous les combats, celui des droits civiques, contre la ségrégation raciale et la peine de mort, contre la guerre du Viêt Nam où il se rendit en 1968 pendant la Bataille du Têt, contre celles d’Irak et d’Afghanistan, et plus généralement contre la ruse et la bêtise politique… Lorsque Daniel Ellsberg sortit les Papiers du Pentagone, c’est à Howard et Roslyn Zinn qu’il les remit. Avec Noam Chomsky (membre du CIS), Zinn éditera cet énorme rapport commandité par McNamara sous le nom de « Pentagone Papers, du sénateur Mike Gravel ». Pendant plusieurs heures, Zinn ira à la barre pour défendre Ellsberg lors du procès instigué par Nixon, l’accusant de conspiration et d’espionnage.

Avec Une Histoire populaire des États-Unis, pavé que la critique s’accorda à considérer comme le livre manquant à l’Amérique, Zinn devint ce légendaire historien américain parcourant de conférence en conférence son vaste pays. Il affichait un véritable bonheur à s’adresser aux jeunes et à leur expliquer l’Histoire.

En 2009, revenant de Grèce où était jouée sa pièce de théâtre Marx à Soho, nous nous étions rencontrés. Il avait cette élégance rare des hommes de grande taille dans sa chemise ample au cou toujours déboutonné, des grands yeux marron en amande remontant sur les côtés comme ceux d’un tigre rieur. Un rire communicatif qui appuyait sa vitesse d’esprit. Je le remerciai chaleureusement de la préface qu’il venait d’écrire pour mon livre sur l’Agent Orange à paraître sous peu aux éditions Demi-Lune. Howard dégageait de la joie, sa présence enthousiaste faisait oublier la légende vivante qu’il était, et sa main allait vers son inlassable sourire, profitant du voyage pour repousser en arrière la mèche blanche tombant sur ses yeux… adieu Howard Zinn.

André Bouny, père adoptif d’enfants vietnamiens, président du Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange (CIS).