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"Si les partis considèrent que les quartiers ne doivent plus être des déserts politiques, ce débat va se poser"

Publie le lundi 8 février 2010 par Open-Publishing
2 commentaires

Vincent Tiberj est chercheur à Sciences-Po et au Centre d’études européennes, spécialiste de l’extrême gauche et de l’immigration. Il revient sur les raisons qui ont amené le NPA a présenter une candidate voilée.

La présentation d’une candidate voilée, est-ce un "coup" politique du NPA ?

Non. Cela tient à une tradition de la LCR et du NPA qui essaient de coller à une forme de représentativité sociale à la différence des autres partis. Déjà en 2002, aux législatives, c’était à l’extrême gauche qu’on trouvait le plus de femmes, le plus de jeunes, et le plus de profils sociaux différents. Cette candidate, femme, jeune et qui revendique son islam est symptomatique car elle est l’antithèse du profil classique de l’homme blanc, de catégorie sociale supérieure, de 50 ans.

Pourquoi cette candidature choque-t-elle autant ?

Parce qu’il y a une certaine illusion de ce que doit être un parti trotskiste ! C’est l’image du bon vieux cadre ouvriériste pour qui seule la question sociale compte, symbolisé par LO. Le NPA, c’est un vrai syncrétisme des gauches post-matérialiste et mouvementiste, avec des références comme l’écologie, le droit à la différence et la défense des sans-papiers. On ne peut pas comprendre ce qui s’y passe si on ne se souvient pas qu’Olivier Besancenot a milité pour le devoir de mémoire de la colonisation au lendemain des émeutes de banlieues en 2005. A la différence des autres partis, le NPA a fait de son intervention dans les quartiers une priorité. Ce sont autant de signes qui montrent, qu’au NPA, la diversité culturelle et religieuse n’est pas une nouveauté.

Cette spécificité induit-elle une approche différente de la laïcité et du féminisme ?

Oui et c’est pour cette raison qu’un certain nombre de militants sont choqués. Il y a au NPA comme dans le reste de la société, plusieurs conceptions de la laïcité qui s’affrontent : la vision classique d’une vieille laïcité de gauche où la religion est un ennemi qu’il faut combattre et pour qui une telle candidature est inenvisageable ; la laïcité classiquement républicaine séparant la sphère privée et la sphère publique pour qui cette candidate a le droit d’être croyante mais ne peut pas apparaître voilée ; et enfin une laïcité multiculturelle qui considère qu’à partir du moment où il y a un certain nombre d’idées partagées, qu’on soit juif, musulman ou chrétien, ne choque pas. Pour eux, le voile n’est pas forcément un signe d’oppression mais un choix.

Cette différence de conception touche aussi le féminisme. Les militantes qui montent au créneau sont celles qui se sont battues, dans les années 1970, contre toutes les formes de dominations masculines, notamment religieuses. Pour elles, le voile est perçu comme une imposition par les hommes. Ce sont des situations qui existent, mais cela ne semble pas être le cas de cette candidate qui affirme que le voile est un choix personnel.

Est-ce que l’arrivée de femmes voilées en politique ne va pas concerner d’autres partis ?

Ce phénomène a déjà touché le PS qui a une conseillère municipale voilée à Creil (Oise) et le PCF à Echirolles (Isère). A partir du moment où les partis considèrent que les quartiers ne doivent plus être des déserts politiques mais des endroits où il faut avoir des candidats, ce débat va se poser.

Les musulmans représentent une minorité qui vont vouloir aussi s’insérer dans un parti. Il ne faut pas s’arrêter aux préjugés : selon nos études, les musulmans sont autant sinon plus attachés à la laïcité que les catholiques !

Propos recueillis par Sylvia Zappi

http://www.lemonde.fr/elections-regionales/article/2010/02/08/vincent-tiberj-si-les-partis-considerent-que-les-quartiers-ne-doivent-plus-etre-des-deserts-politiques-ce-debat-va-se-poser_1302647_1293905.html

Messages

  • Au fond,

    Zappi se trompe sur les féministes de l’époque des grandes batailles qui sont au NPA, les avis sont beaucoup plus partagé que ça.

    Et des femmes qui ont participé à toutes les grandes batailles pour les droits des femmes (et les "groupes femmes") soutiennent Ilham contre les mauvais procès qui lui sont faits.

    Je pense franchement que, parmi les féministes qui réagissent sur la base d’un symbole, il serait nécessaire qu’il y ait un sursaut et qu’elles passent voir la jeune militante, pas pour l’agresser (la bourgeoisie, les médias, les fachos, les racistes, les islamophobes s’en chargent déjà) mais pour parler des vies de chacun, se connaitre et se comprendre.

    Si évidemment la militante au fichu l’accepte.

    Certains et certaines devraient se souvenir qu’ils ne sont pas sortis tous casqués et vêtus d’une idéologie pure de la cuisse de jupiter.

    Ca aiderait.

    Il y a des combats qu’Ilham mène et que d’autres ne mènent pas, et ces combats sont beaucoup plus significatifs actuellement.

    Avis partagés donc pour les féministes.

  • Pauvre Zappi,

    Elle démarrait en trombe l’interview sur un angle original : "le Npa fait un coup médiatique", nous faisant regretter son deuxième angle plus constant : "Le Npa se déchire". Et patatras, c’est un peu plus subtil que ça.

    La Zappi en est toute décontenancée, ses amis du Front et de la Fase vont lui passer un savon.

    Autant de signes gaspillés sans une nouvelle saillie contre le NPA. Bon sang, Sylvia, tu mollis, les élections approchent. Qui sait, Martine ou Dominique nous proposeront peut-être des postes. il faut en finir avec la peste rouge…

    Et sur les retraites, le NPA va persister avec ses 37,5 années de cotisation. Il faut en finir te dis-je !

    Ah les méandres du journalisme de qualité.