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COMORES : MAYOTTE ET LES BOAT PEOPLE OUBLIES

Publie le mercredi 10 février 2010 par Open-Publishing

Lettre ouverte au Directeur de TF1
Ou Mayotte et les boat people oubliés

Monsieur le directeur,
Le samedi 6 février à 13h35, TF1 a diffusé un reportage sur Mayotte, pour présenter aux téléspectateurs français cette île qui va devenir dès 2011 le 101e département de la France.

Je vous transmets ici mes vifs remerciements car j’espère que ce reportage va contribuer à lever le voile sur un des scandales les plus dramatiques de la France dans l’Océan Indien

Cela me donne également l’occasion de corriger les contrevérités colportées par votre reportage.

En effet, votre reportage a mis le doigt sur une tragédie humaine qui éclabousse directement le gouvernement de l’Union des Comores, mais également les autorités de la République Française à Mayotte et en Métropole : le bras de mer d’une centaine de kilomètres qui sépare Mayotte d’Anjouan et des autres îles des Comores, dans le canal de Mozambique se trouve être le plus grand cimetière marin du monde entier.

Des centaines de Comoriens dont de nombreux enfants et femmes à bord de frêles esquifs du nom de Kwasa kwasa y font naufrage, et s’y noient chaque année.

Ils quittent leur île, ils quittent tout pour fuir la pauvreté et la misère, le manque de soin, le désespoir à la recherche d’une meilleure vie : ces boat people qui meurent chaque jour dans l’indifférence des autorités de cette région et du monde sont avant tout des migrants économiques, des migrants de la faim.

C’est donc une contre-vérité que d’affirmer comme dans votre reportage que les femmes s’embarquent pour Mayotte pour y accoucher afin de permettre à leurs enfants nés dans cette île d’y acquérir la citoyenneté française ; c’est là ignorer complètement la réalité sociale qui prévaut à Mayotte.

L’acquisition de la nationalité française pour les enfants issus de parents en situation illégale est tout simplement une chose impossible à cause de l’ostracisme, l’exclusion et la haine dont ces parias font l’objet dans tous les domaines de la société et en particulier à la préfecture de Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte.

Cela même du temps où le droit du sol avait encore quelque signification en France.

Combien des ressortissants des autres îles vivent à Mayotte de nombreuses années, y travaillent, y ont du bien et se trouvent toujours acculés à l’illégalité sans possibilité d’acquérir de titre de séjour : huit ans, dix ans, vingt ans, peu importe ?

Sans compter que leurs enfants sont eux aussi souvent pourchassés des écoles, avant leur seizième année au grand dam des lois de la République.

Les immigrés à Mayotte sont des êtres sans aucun droit et cela constitue une honte pour la République Française, le pays des droits de l’homme et du citoyen.

Pour les Anjouanais, l’immigration illégale à Mayotte n’est qu’un réflexe de survie : affronter la mort à la mer pour fuir une mort lente annoncée des enfants et de la famille dans un pays exsangue complètement vampirisé par des dirigeants sans foi ni loi de la trempe de Sambi.

Le scandale de la France dans cette région éloignée de l’Océan Indien n’est pas seulement d’avoir décolonisé un petit pays placé sous sa responsabilité historique, en lui infligeant comme héritage en plus de sa pauvreté ce lourd fardeau de la désunion.

Le scandale de la République française c’est aussi de maintenir ce déséquilibre économique et de provoquer indirectement une telle tragédie sans rien faire d’autre que la pure démagogie.

En effet qui peut croire que la lutte contre l’immigration clandestine passe seulement dans la répression, la reconduite hors de Mayotte à coups de millions jetés à la mer ?

Sans compter que ces reconduites sont encore une fois faites hors la loi française, conduites à la hussarde par le préfet, sans aucune considération pour ces êtres humains qui sont parfois pourchassés, arrêtés à l’insu de leur famille et sans aucun bien et renvoyés parfois dans une île qui n’est pas la leur.

Des millions mis dans des moyens de surveillance et de traque pour faire des chiffres, alors que les expulsés reviennent le lendemain et le phénomène ne fait que perdurer et s’amplifier.

Le scandale de la République c’est aussi que ces fonds perdus pourraient être investis dans une coopération régionale intelligente qui contribuerait à doter l’île d’Anjouan, d’où proviennent la majorité des immigrés, des moyens sanitaires fiables pour soigner ses citoyens et qui faciliterait les échanges commerciaux et humains normaux entre les îles : cela permettrait à Mayotte de bénéficier des fruits d’une agriculture dynamique en provenance d’Anjouan et aux paysans de pouvoir vivre de leur travail en restant à Anjouan.

Sans une telle politique d’aide intelligente aux autres îles des Comores, Mayotte créera toujours un appel d’air que nulle répression, nulle démagogie ne pourra juguler.

C’est une telle politique qui ferait honneur à la République et non une politique aveugle qui voudrait faire d’un coin des Iles des Comores, un îlot de prospérité dans un océan de misère.

Les milliers de morts au large de Mayotte sont de la responsabilité du gouvernement des Comores et de la République Française, c’est une tragédie qui devrait révolter les Français et le monde entier.

C’est une tragédie qui justifierait une enquête internationale pour situer les responsabilités des uns et des autres.

La France en tant que puissance colonisatrice a une responsabilité dont elle ne peut se dédire.

ZAROUKI BOUCHRANE
Résidence le palais des doges
930, avenue Léonard de Vinci
34970 Lattes

Source : http://wongo.skyrock.com/