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75 % désavouent Raffarin

Publie le samedi 4 décembre 2004 par Open-Publishing

de Paule Masson

Plus qu’un échec, un désaveu. 75 % des Français n’accordent aucun crédit à l’engagement pris par le premier ministre le 10 novembre dernier de faire reculer le chômage de 10 % l’an prochain. Interrogés par CSA, pour le baromètre social réalisé par CSA pour l’Humanité et la NVO, ils sont 41 % à être certains qu’il ne va pas réussir à tenir cet engagement, ce qui représente le score le plus élevé de réponses, 34 % jugeant l’objectif pas probable.

Quels que soient les enrobages, l’écart entre les discours et les actes fait foi. Jean-Pierre Raffarin a beau répéter qu’il veut revaloriser la valeur travail en développant « la participation et l’intéressement », les fonctionnaires, pour ne prendre qu, savent bien qu’ils ont tout à y perdre. 78 % ne jugent pas crédible la promesse de Jean-Pierre Raffarin. Leur ministre employeur a confirmé le 12 novembre dernier qu’il table, d’ici 2015, sur une baisse des effectifs de la fonction publique d’État de « 350 000 », au nom soi-disant de « la garantie du pouvoir d’achat des fonctionnaires ». Et le même Renaud Dutreil a fermé la porte à toute augmentation de salaires avant même d’entamer des négociations le 8 décembre prochain.

Contrats précaires à foison

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le taux de chômage est aujourd’hui, selon l’INSEE, à 9,9 % de la population active, soit 200 000 chômeurs de plus qu’il y a deux ans et demi, au moment de l’arrivée de la droite aux affaires. Le nombre d’allocataires du RMI a progressé de 250 000 et concerne aujourd’hui 1,2 million de personnes. La présidente de la délégation aux droits des femmes, Marie-Jo Zimmermann, vient de rendre un rapport alarmant sur le risque « d’amplification de la pauvreté » lié à un travail à temps partiel massif, « à 80 % féminin ». Jean-Louis Borloo reconnaît lui-même que 165 000 familles sont à ce jour surendettées. La promesse de baisser le chômage de 10 % repose en grande partie sur le contenu du plan de cohésion sociale conçu pour répondre à la demande présidentielle de déclencher une « grande mobilisation pour l’emploi ».

Ce projet, actuellement en débat à l’Assemblée nationale, repose, dans sa partie emploi, sur trois piliers : le premier installe dans le paysage social une foison de contrats de travail précaires, des contrats d’avenir pour les bénéficiaires du RMI ou de l’ASS, aux contrats d’accompagnement en lieu et place des CES, en passant par les contrats jeunes en entreprise ; le second pilier va con- traindre les chômeurs, par un système d’obligations et de sanctions, à occuper les emplois disponibles, (bâtiment, hôtellerie, etc.) et pourquoi pas les « emplois de services à la personne » si chers au ministre de la Cohésion sociale ; la troisième ossature n’est rien moins que l’inscription, dans le budget 2005, d’un volume d’exonérations de cotisations sociales pour les entreprises de l’ordre de 20 milliards d’euros. Les cadeaux aux employeurs sont, de fait, plus importants que les 15 milliards d’euros sur cinq ans prévus pour financer l’ensemble du plan.

Des patrons très choyés

Qui, dans ces conditions, peut croire au virage social annoncé ? Jean-Louis Borloo, la « caution sociale », n’est pas le dernier à se prêter au jeu des falsifications. En présentant son plan devant les députés le 23 novembre dernier, il a assuré que « les Français attendent à la fois que l’on offre une plus grande souplesse aux entreprises » et « que l’on sécurise les parcours professionnels des salariés ». L’intégration des « dispositions Larcher » dans son projet sécurise les procédures de licenciements économiques pour les patrons qui obtiennent les moyens de licencier plus vite, de contourner les élus syndicaux et d’être moins contestés en justice. Le copier-coller des exigences porté par le MEDEF lors des négociations entre partenaires sociaux sur les restructurations est tellement flagrant que le ministre semble avoir entrouvert une porte hier matin sur France Inter, en proposant la création d’un « contrat de travail intermédiaire » pour les salariés victimes de licenciements économiques. D’une durée d’« un an à dix-huit mois », il aurait les mêmes « conditions salariales » que le contrat précédent avec « une formation » et « une adaptation ». Ce droit au maintien du contrat de travail fut unanimement porté par les syndicats pendant la négociation. Reste à savoir comment va se traduire l’intention ministérielle, qui pourrait facilement considérer, comme pour les chômeurs, que refuser une proposition d’emploi constitue un motif de rupture.

http://www.humanite.fr/journal/2004-12-02/2004-12-02-451109