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A Chalon-sur-Saône, une fillette doit rester cachée avec sa mère clandestine

Publie le lundi 4 septembre 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Sylvia, 4 ans, sans-papiers au ban de l’école

de Jacky DURAND

Ce matin, la chaise de Sylvia Pembele, 4 ans, sera vide à l’école maternelle Anne-Frank de Chalon-sur-Saône. La petite Angolaise fait partie des sans-papiers (lire encadré) qui doivent faire leur rentrée. Mais le Réseau éducation sans frontières de Saône-et-Loire (RESF 71) a estimé qu’il était plus prudent que Sylvia reste dans la clandestinité. Son cas a fait débat samedi, au cours de la réunion organisée par RESF en présence d’une quinzaine de personnes. Jean-Claude (1) est pour que la petite fasse sa rentrée, « parce que l’école est un lieu d’égalité, parce que l’obligation scolaire ne doit pas être menacée dans notre pays ». Sylvie est contre : elle pense qu’il suffira de suivre la petite à la sortie de l’école pour « remonter à sa mère et arrêter toute la famille ». Son opinion l’emporte. « On a trop peur que Sylvia et sa mère soient prises ensemble. Nous sommes réunis ici pour préparer la rentrée de la façon la plus sûre possible », souffle Rémy.

Famille éparpillée . Depuis sa création en novembre 2005, RESF 71 a accompagné une vingtaine de familles sans papiers, mais c’est la première fois qu’il doit prendre en charge un cas d’une telle ampleur, avec six personnes vivant dans la clandestinité. Les Pembele sont arrivés en gare de Chalon, un matin de neige, en janvier 2005. Ils ont fui l’Angola, raconte le père, Sivi, 42 ans, parce qu’il y est recherché comme opposant politique et membre du parti fondé par l’oncle de sa femme, abattu en 2004. Sivi affirme avoir été emprisonné pour avoir mis en cause le pouvoir angolais dans cet assassinat.

Après le rejet de leur recours devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), les Pembele sont une famille éclatée. Depuis la mi-août, ils sont sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière. Il a fallu séparer parents et enfants pour parer à une expulsion de toute la famille. Le père est éloigné de la mère, qui, elle-même, vit sans les plus grands de ses enfants.
Samedi, ils se sont retrouvés pour quelques heures lors de cette réunion, afin d’organiser la rentrée. Si Sylvia n’est pas à la maternelle, ses frères et sa grande soeur font leur rentrée : Guirchen, 16 ans, entame un BEP de chaudronnerie dans un lycée de Chalon, son frère Jonas, 13 ans, entre en cinquième dans un collège de la ville, tandis qu’Elisette, 17 ans et demi, poursuit une formation en hôtellerie dans un lycée de Mâcon.

Leurs parents, Sivi et Madeleine, ont écouté, le regard un peu perdu, le collectif régler les questions sans fin d’organisation et d’intendance qu’impose la vie d’une famille éparpillée dans la clandestinité. « Il ne faut pas que les gens qui les accompagnent à l’école soient ceux qui les hébergent », explique un bénévole. Une femme pointe son stylo en direction d’un homme : « Toi, tu prends en charge les garçons. Ce sont des adolescents, il faut que tu te fasses respecter. A toi de leur interdire d’aller dans la rue. Fais attention aussi à ce qu’ils ne ramènent pas leurs copains d’école à la maison. » Une voix lance : « Quelqu’un sait où est le réhausseur pour bébé ? On en a besoin pour Sylvia en voiture.

Sinon, on risque de se faire arrêter par la police. » La réunion s’achève, Jean-Claude explique : « Tout ça peut paraître un peu brouillon parce qu’on a cloisonné les choses pour prévenir les risques. Deux ou trois personnes, seulement, ont une vue d’ensemble de la situation de la famille Pembele. » Un membre de RESF rappelle que ceux qui concourent à la scolarisation de Guirchen, Elisette et Jonas, encourent cinq ans de prison et 30 000 euros d’amende pour aide au séjour de personnes en situation irrégulière.
« Piste à explorer ». La discussion se poursuit chez Paul et Sylvie, qui ont accueilli durant quatre jours Madeleine et Sylvia. On improvise un dîner : « On nous a appelés dans l’urgence. On ne s’est pas posé la question de savoir s’il fallait les héberger ou pas, raconte Sylvie. Ce n’était pas une question d’envie, mais de nécessité. Mais c’est assez désespérant que notre société en arrive là, alors que pendant ce temps Sarkozy reçoit Doc Gynéco et Johnny. »

Entre le fromage et le gâteau au chocolat, Sivi raconte son métier de soudeur en Angola. Il veut l’exercer en France et s’est inscrit dans un centre de formation à Montceau-les-Mines, mais ne peut s’y rendre faute de titre de séjour. « On cherche toujours des soudeurs dans les agences d’intérim. Je veux avoir des papiers pour travailler. Je suis chef de famille, je suis habitué à bosser », dit-il. Pour le député UMP de Chalon, Dominique Juillot, les compétences avancées par Sivi Pembele sont une « piste à explorer » prévue par la loi de juillet 2006 qui prône, notamment, une immigration choisie. Les députés socialistes Arnaud Montebourg, Didier Mathus et le président PS du conseil général, Christophe Sirugue, ont demandé au préfet de Saône-et-Loire d’examiner la situation des Pembele « au titre des risques » pour leur vie que fait peser la décision d’expulsion.

Ce matin, RESF 71 déploiera ses banderoles devant les établissements scolaires pour alerter sur la situation des sans-papiers : « C’est à partir des écoles, des parents d’élèves, qu’on arrive à faire prendre la mobilisation, explique Jean-Claude. On est sur du concret. On dépasse le débat classique sur l’immigration. »

(1) Les prénoms ont été modifiés.

http://www.liberation.fr/actualite/societe/202131.FR.php

Messages

  • Ce matin la chaise de Sylvia Pembele 4 ans sera vide à l’école maternelle ANNE-FRANK ...

    L’histoire se répète Anne, des immigrés qui auraient pu, comme toi vivre cachés, 60 ans plus tard pourchassent les immigrés d’aujourd’hui.
    Les résultats sont les mêmes.
    Non Monsieur, on ne les tuent pas quand même !
    On est civilisé nous !
    Pas de "solution finale".
    Pas de "Nacht und nebel"
    Juste un trait de gomme sur une vie naissante , sur des espoirs de vie meilleure...
    Dans la patrie des droits de l’homme...
    Où tous naissent libres et égaux en droits..
    Juste un charter pour ailleurs qu’on vous oublie, que l’on ...nuit et brouillard sur vos espoirs saccagés...

    Daniel Debruxel