Accueil > A PARAITRE, LE 25 AVRIL : CESARE BATTISTI, MA CAVALE

A PARAITRE, LE 25 AVRIL : CESARE BATTISTI, MA CAVALE

Publie le lundi 24 avril 2006 par Open-Publishing
4 commentaires

Battisti, lignes de fuite
L’écrivain italien, menacé d’extradition en France, raconte sa « Cavale ».

Par Dominique SIMONNOT

Cesare Battisti
Ma cavale

Préface de Bernard-Henri Lévy. Postface de Fred Vargas. Grasset/Rivages, 374 pp., 18,50 ?.

Fermer parfois le livre et se plonger dans un atlas. Quels pays mystérieux sa cavale lui a-t-elle donc fait traverser ? Quelle est cette île caractérisée par
_1) un sanctuaire.
2) Un saint célébré par des pèlerins.
3) Un restaurant kurde.
4) On y mange des lentilles et de la chèvre.
5) On y parle arabe.
Et ce vieux rafiot, où l’a-t-il débarqué après avoir navigué sur une mer dangereuse « où se croisent deux moussons » et où nagent des dauphins ?
Quel est ce lieu à la fois « proche de l’axe du mal » et réputé pour être « une des routes de la came » ?
Et cette ville « légendaire », qui a subi l’occupation soviétique et où l’on trouve du qat, des danseuses arabes et des nuées de touristes ?
Un pays, où cet été 2004, Cesare Battisti ouvre un journal italien et y voit son visage affiché à la une.

Il y lit son histoire. Recherché par l’Italie, ayant fui la France où il vivait depuis quatorze ans, mi-concierge mi-écrivain, avec femme et enfants. De là où il est maintenant ­ et ça a l’air très très loin ­ Battisti a envoyé en France Ma cavale.
Son treizième livre, après les polars qu’on lui connaissait, toujours un peu autobiographiques. Celui-là l’est aussi et, cependant, forcément différent. « Unique moyen de tenir le coup », nous dit l’auteur en fuite. Ecrire et raconter. Le 17 août 2004, à Paris, il a les flics français sur les talons, la justice française a donné le feu vert à son extradition. Plus qu’une question de semaines, de mois peut-être.
Et, au bout, la prison à vie pour quatre meurtres, dont il se dit innocent, commis à la fin des années 70, dans l’Italie des « années de plomb ». Le salut, c’est l’exil.

Première partie, écrite à la première personne, la jeunesse, les squats, la prison déjà et, dans une Italie bouleversée par les combines politiques et financières, l’entrée en politique. Avec une rencontre qui changera sa vie. Pietro Mutti était l’irréductible, l’impitoyable chef des Prolétaires armés pour le communisme (PAC). Il deviendra, quelques années plus tard, un des plus célèbres repentis d’Italie. Balançant et accablant ses ex-compagnons, Mutti fut récompensé de seulement neuf années de prison. Pour les autres, dont Battisti, ce fut perpétuité. En son absence, par contumace.

Première cavale. La France, le Mexique et encore la France. Là, vivent plus d’une centaine d’anciens des groupes armés italiens. Ils ont obtenu la tranquillité, promise par Mitterrand en 1985, en échange de l’abandon de toute « lutte armée ». Ils y sont toujours, la parole a été respectée par neuf gouvernements successifs, de droite et de gauche. Jusqu’en 2004, avec l’arrestation à Paris de Cesare Battisti et les rebondissements judiciaires qui s’ensuivirent.

Cette histoire, Bernard-Henri Lévy la retrace aussi. Dans une préface brillante et convaincante, il éclaire ce morceau de l’histoire italienne, ravagée par les ambiguïtés du postfacisme, les instrumentalisations et les troubles complicités, les rôles étranges de la classe politique et des services secrets.
Pourquoi défendre Battisti ? Le terrorisme, BHL l’a en horreur. Battisti ? Il le connaît à peine. « Au nom de l’Etat de droit et des principes », répond-il. Parce que la France ne peut renier sa parole vingt ans plus tard, en se contentant d’un « désolé, on a changé d’avis ».

Parce qu’en Italie, des condamnations furent prononcées sur la foi de repentis, ces « criminels » dont le châtiment est « inversement proportionnel à la quantité de crimes » qu’ils ont dénoncés. Parce que Battisti n’aurait pas droit à un nouveau procès en Italie, alors que, durant sa première fuite, ignorant les accusations portées contre lui, il n’a pu communiquer avec son avocat. Enfin, au nom du fait qu’il « est parfaitement possible que Battisti soit innocent »... Ma cavale, en tout cas, est en bonne compagnie, se fermant sur des pages de Fred Vargas. La « polardeuse » y reprend l’enquête ­ elle s’y connaît ­ qui l’a amenée à la conviction de l’innocence de Battisti. Comme lui, elle attend maintenant que la Cour européenne se penche sur l’affaire.

Mais revenons à « ce galeux », « cet infréquentable », comme dit BHL. Cet été 2004, du jour de sa cavale, Battisti vit à côté de lui-même. Il est double, comme dissocié. Posant son crayon, il observe « l’autre » s’enfuir. « Suivons-le, on verra bien ! » décide-t-il, en courant derrière Auguste, son autre moi, héros de la seconde partie. La cavale est une chose effrayante, cela Auguste nous le fait vite comprendre. La peur partout. La peur de tout. De se trahir avec ce geste de trop ou cette exclamation familière dans une langue maternelle qu’il faut feindre d’ignorer quand on vous salue d’un joyeux « Ciao, come va ? ».
Ne pas se faire remarquer, adopter, comme les touristes, cette démarche traînante, « mélange de flegme et d’écoeurement ». La peur d’être trahi qui empêche la moindre confidence à quiconque. Jamais. Mentir à tous. Et cette sirène d’ambulance qui fait descendre le coeur dans les jambes et ces Italiens en goguette qui font frémir : « A présent, il voyait des Italiens partout, des dizaines de personnes criant son nom dans leur portable. »

Se saouler pour oublier ? Une fois, pas deux. Trop de terreur au réveil. Qu’ai-je dit ? A qui ? Ne pas s’attacher, ne rien partager de vrai. Sauf, parfois avec les chiens errants qui vous ressemblent. Etre seul. Désespérément seul. La nuit, fixer ces plafonds d’auberges ou d’hôtels, en répétant à l’infini : « Pourquoi moi ? » Se souvenir, avec détresse, de ses enfants, de ses amours, de ses amis. Et puis se tromper. Arriver désemparé sur un îlot désert plein de gros lézards. Repartir. Accoster, affolé, dans un paradis de soleil et de mer bourré d’Italiens et d’Ethiopiens.

Où donc ? s’exaspère le lecteur en reprenant tout depuis le début, pour se souvenir que Battisti n’est pas écrivain de polars pour rien et que son talent, c’est justement l’embrouille. Ou peut-être pas... Alors se contenter d’être captif de ce récit terrifiant. Et enfin, accoster dans le nouveau pays d’Auguste, « plus grand qu’un continent ». Lequel, bordel ?

http://www.liberation.fr/page.php?Article=376089

A PARAITRE, LE 25 AVRIL : CESARE BATTISTI, MA CAVALE. (GRASSET/RIVAGES, 374p. 18,50 ?)

Messages

    • préfacé par BHL
      j’ai peur pour Cesare !
      dommage mais je ne ferais pas confiance à ce BHL non vraiment pas
      ça lui apporte quoi ?
      Djo68

    • Quand Sharon Stone, icône hollywoodienne prend position contre le CPE, un paquet de monde (même chez les plus gauchos) applaudit .... en effet, c’était bien qu’elle le fasse quelles que soient le contenu de son compte en banque, ses positions ou ses compromissions avec tel ou untel pas fréquentables, du Show biz ou du monde politique, etc ...
      Mais quand c’est BHL l’honni qui se "permet" de venir ratisser sur la chasse à priori gardée d’une certaine gauche en fuite de ses responsabilités (certains du PS notamment).... là y’ a plus personne.
      Eût il fallu lui coller une perruque blonde et une belle paire de lolos pour que ça passe ?
      Arrêtons avec les "deux poids deux mesures" ; Quel que soit le personnage de BHL, qu’on aime ou on aime pas, le fait est que ses positions vis à vis de l’affaire Battisti sont cohérentes depuis le début et ne font en rien reculer le débat.
      Alors par moments, il est permis d’oublier le reste qui nous plaît moins.

      Ni fan de BHL ni de Sharon Stone

    • je n’aime pas BHL, mais là, je reconnais que sa préface n’est pas mal du tout