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A Strasbourg, le désarroi des métallos

Publie le mercredi 29 octobre 2008 par Open-Publishing

La peur et le ras le bol. Tels sont les moteurs qui ont poussé dans la rue, hier à Strasbourg, un demi-millier d’ouvriers des secteurs de l’automobile et de la métallurgie, à l’initiative de la CGT, pour protester contre les mesures de chômage partiel et les suppressions d’emplois qui frappent les sites industriels régionaux. La crise effraie. "Les salariés du secteur sont anxieux pour l’avenir, on lit l’inquiétude sur les visages", note Toussaint Taverny, secrétaire de la CGT métallurgie du Haut-Rhin.

Ces dernières semaines ont allongé la liste des entreprises qui annoncent des mesures de chômage partiel : PSA, General Motors, Lohr Industrie, Liebherr... Dans le secteur automobile alsacien, "16 000 salariés sur 18 000 sont ou seront concernés par des mesures de chômage technique, de congés payés forcés, de baisse du pouvoir d’achat, et 2 000 emplois précaires devraient être supprimés d’ici la fin de l’année", affirme Amar Ladraa, de la CGT métallurgie du Bas-Rhin. La crise a aussi bon dos, selon Toussaint Taverny : "Les patrons en profitent pour dégraisser. Et comme par hasard, ça intervient au moment où on va démarrer les négociations salariales dans les entreprises..."

Sous un ciel sombre puis sous la pluie, les manifestants entonnent les slogans du moment : "Patrons voyous en prison", "Du pognon pour les salariés, pas pour les banquiers". Arlette Laguiller et Olivier Besancenot sont là "pour épauler la mobilisation". La porte-parole de LO prédit "de plus en plus de manifestations contre la politique des capitalistes" et en appelle à une "explosion sociale". Pour son homologue de la LCR, "c’est aux actionnaires et à personne d’autre" de payer les conséquences de la crise. "Ce n’est pas la fatalité. Nous n’avons pas à porter la responsabilité de leur crise !" renchérit Roland Robert, responsable CGT chez General Motors.

Les 1 200 salariés de cette usine, dont le groupe automobile américain étudie la vente et qui est à l’arrêt cette semaine, constituent le gros des troupes. "On subit. Et à l’avenir, ça ira de pire en pire", s’inquiète Bruno, 39 ans, "en congés forcés" depuis lundi. Luc, 42 ans, "en congés forcés" lui aussi, explique qu’il a "peur" : "Dans l’automobile, il y a des hauts et des bas, mais cette fois, General Motors est à vendre. Et Sarkozy, à Rethel, il n’a encore rien dit pour les ouvriers, rien ! Ce qu’il propose pour les chômeurs avec les emplois aidés, il aurait pu le faire avant. Au lieu de dire : "Travailler plus pour gagner plus", il avait qu’à dire : "Travailler normalement pour qu’on soit plus à travailler"."

"On attend quelque chose pour les ouvriers, pour les salariés en production, pour qu’on ne subisse pas de plein fouet les décisions des constructeurs", reprend Abdel, 36 ans, délégué CFDT dans une usine du groupe Faurecia, sous-traitant de PSA : "Ils font suffisamment de profits pour qu’on les oblige par une loi à prendre en charge une partie de nos pertes de salaires, parce que même quand ils sont en bonne santé, ils nous mettent au chômage partiel !" "Sarkozy a annoncé 400 millions d’euros pour la voiture propre au Salon de l’auto. Si c’est pour aider les constructeurs à délocaliser en Pologne, c’est pas la peine. Nous, on ne veut pas de mesurettes par-ci par-là. On veut un véritable Grenelle de l’industrie en France et en Europe", affirme Amar Ladraa. Vincent Duse, responsable CGT chez PSA à Mulhouse, réclame "un plan d’urgence sociale, pour laisser partir à la retraite les anciens qui sont en train de crever sur les chaînes et embaucher des jeunes et des intérimaires".

Pour le moment, les contrats de 300 d’entre eux ne seront pas reconduits sur le site, assure-t-il. "Du coup, le boulot redescend sur nous et les gens n’en peuvent plus", commente Michel, dix-sept ans d’ancienneté chez PSA : "Ce qui me rend fou, c’est que la classe ouvrière a largement voté pour Sarkozy. Maintenant, quand les gens se rendent compte comme il est, à donner de l’argent aux actionnaires mais jamais à nous, je peux vous assurer que ça jase dans l’entreprise. Ca me redonne le moral."

T.C.

http://libestrasbourg.blogs.liberation.fr/actu/2008/10/a-strasbourg-le.html