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de Alessandro Robecchi traduit de l’italien par karl&rosa
Cher Silvio Berlusconi, merci de la petite lettre. En effet, oui, vous avez mis dans le mille, c’est la première lettre que je reçois. Merci aussi pour les souhaits que vous me faites, le succès, la chance etc. etc. et j’ai l’impression que j’en aurai besoin. Du gros bisou vous auriez pu vous en passer, mais ils m’ont déjà dit - même si je suis encore à la nursery de l’hôpital - que vous êtes fait comme ça, vous tendez à exagérer. Savez-vous, ce n’est pas pour vous décevoir, mais ici on parle beaucoup de vous : je ne peux pas être plus précis parce que, en n’ayant que six jours, je n’ai pas encore appris tous les gros mots.
De toute façon, venons-en aux affaires.
Je vous remercie de tout mon cœur des mille euros que vous allez transmettre à ma famille, comme vous me l’avez écrit dans votre lettre. Mille euros sont toujours mille euros, voyons, et je ne suis pas encore assez malin pour penser que votre petite lettre est du type électoral.
Hélas, dans le pays où je suis né - ici - je suis un étranger, mes parents sont des immigrés. Et donc, au bureau de poste ils se sont entendu dire que pour eux (c’est-à-dire pour moi) il n’y a pas les mille euros. Chienne de vie, cher Président : je n’ai que six jours, je reçois la première lettre de ma vie, ce n’est rien de moins que le chef du gouvernement qui m’écrit et il y a déjà une gigantesque tromperie. Est-ce moi qui suis précoce ou vous qui êtes un mufle ?
Vous comprendrez que je suis un peu perplexe. Mais comment ! Celui qui m’offre mille euros et m’envoie un gros bisou, comment peut-il être la même personne qui a voulu, voté une loi raciale comme la Bossi-Fini ? Comment ce généreux pépère peut-il être le même qui nous donne la chasse en tant que clandestins et nous nie des droits en tant qu’étrangers ?
Après, j’ai compris : c’est la même personne qui, en effet, les mille euros ne nous les donne pas.
Donc, je dirais que vous pouvez garder votre gros bisou et toute la pommade que vous me passez dans votre lettre, car, hélas, vous gardez les mille euros aussi.
Disons-le entre nous, les chauves : même si je n’ai que six jours, je sais reconnaître une escroquerie, même si je ne m’y attendais pas si tôt.
Pas de bises, naturellement, au maximum un petit rot pour vous exprimer toute mon estime.
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/01-Febbraio-2006/art8.html