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A son tour, le Brésil décide d’importer et de produire une version générique d’un médicament contre le sida

Publie le mercredi 9 mai 2007 par Open-Publishing
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de Annie Gasnier

"Le Brésil ne peut pas être traité comme un pays qui ne mérite pas le respect", a déclaré le président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva, en décrétant pour la première fois la "licence obligatoire" d’un médicament. La mesure suspend immédiatement l’exclusivité du brevet du laboratoire Merck sur l’efavirenz, une composante du cocktail antisida, et autorise le ministère de la santé à importer une version générique meilleure marché.

L’épreuve de force entre Brasilia et le laboratoire américain aura duré plusieurs mois. Les Brésiliens réclamaient une forte réduction au fabricant, qui leur fournissait la dose de 600 mg d’efavirenz à 1,59 dollar, quand cette même dose est vendue 0,65 dollar à la Thaïlande.

La proposition de baisse était passée de 2 % à 30 %, mais elle a été jugée insuffisante. Le substitut sera acquis en Inde, une version générique reconnue par l’Organisation mondiale de la santé, 70 % moins cher. L’économie occasionnée sera de 30 millions de dollars (22 millions d’euros) par an, l’efavirenz étant utilisé par 75 000 malades.

Au titre du brevet, cependant, le Brésil versera à Merck 1,5 % de ses dépenses en générique. "Cette somme est trop faible pour compenser nos gros investissements de recherche", a commenté la direction brésilienne de Merck, en dénonçant le préjudice subi. Mais la décision est conforme aux accords internationaux sur les brevets, depuis la réunion de l’Organisation mondiale (OMC) du commerce à Doha, en 2002.

GRATUITÉ DU TRAITEMENT

Le Brésil, qui assure la gratuité du traitement à 200 000 malades du sida, se bat depuis des années avec les laboratoires étrangers pour obtenir des tarifs modulés, suivant ses moyens de pays en voie de développement. Il y avait déjà eu des précédents : en 2001, le laboratoire Roche avait accepté, sous la menace, de baisser de 40 % le prix du Nelfavir, puis en 2005 ce fut Abott, pour son remède Kaletra.

A long terme, il est probable que les Brésiliens fabriquent eux-mêmes l’antirétroviral. Le laboratoire public Farmanguinhos, de la Fondation Oswaldo-Cruz, basée à Rio de Janeiro, a présenté au ministre de la santé, José Temporao, un plan de production d’efavirenz dans les douze mois. Des experts doutent cependant que son générique soit moins cher qu’en Inde.

Au fil des années, les lois protégeant les brevets ont réduit la part des génériques produits au Brésil pour le programme anti-sida, qui a coûté près de 1 milliard de dollars en 2006. Seuls sept génériques, dont l’AZT ou le 3TC, sur les 17 remèdes prescrit aux malades, sont fabriqués localement, et cette industrie se meurt.

Les organisations non gouvernementales (ONG) liées au domaine médical ont applaudi la fermeté des autorités, car elles espèrent que le Brésil servira d’exemple à ses voisins sud-américains. "Depuis que les licences obligatoires sont autorisées par l’OMC, peu de pays pauvres y ont recours, par peur de représailles", affirme Michel Lotrowska, représentant local de Médecins sans frontières (MSF), dans la campagne d’accès aux médicaments essentiels. "L’Italie a émis récemment trois licences obligatoires, dont deux contre Merck, et personne n’en parle", remarque-t-il.

"Cette décision vaut pour ce médicament, et d’autres si nécessaires, car, entre le commerce et la santé, nous choisissons la santé", a averti le président Lula. Selon MSF, de nombreux médicaments, pour les diabétiques ou les cancéreux, mériteraient des licences obligatoires.

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